ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Plan du chapitre

Pourquoi existe-t-il des entreprises ?

Introduction : l'évolution des formes juridiques des entreprises

1 - La croissance économique s'accompagne de l'accroissement de la taille des entreprises.

11 - Qu'est ce que la concentration?

12 - Les phases historiques de la concentration selon Alain Cotta.

     121 - La concentration involontaire au plan national, jusqu'en 1860

     122 -  La concentration volontaire au plan national de 1860 à 1960

     123 - La concentration volontaire au plan international depuis les années 60

 13 - Les motifs de la concentration

 14 - Les exemples américain et allemand.

    141- La concentration des entreprises américaines comme adaptation à un contexte d'industrialisation unique.

     142 - Le retard allemand, facteur de concentration.

2 - Les caractéristiques de l'entreprise moderne.

    21 - La naissance des monopôles change la nature du capitalisme.

            211 - "La main visible des mangers" (Alfred CHANDLER)

                      2111 - La naissance de l'entreprise moderne

                      2112 - Les effets de l'expansion des entreprises modernes.

            212 - Les monopôles menacent-ils l'esprit du capitalisme ?

                       2121 - Le risque de stagnation pour SCHUMPETER

                       2122 - La "technostructure", une nouvelle classe au pouvoir pour J. K. GALBRAITH

                       2123 - La "financiarisation" a fait revenir l'actionnaire sans pour autant sauver le capitalisme.

     22 - Les monopôles et l'Etat.

            221 - Des relations ambiguës depuis la fin du 19ème siècle.

            222 - La politique de la concurrence : Dérégulation aux Etats Unis et régulation en Europe.

Conclusion : Malgré la supériorité des grandes firmes, les PME subsistent et sont indispensables à l'économie de marché.

 

ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Pourquoi existe-t-il des entreprises,

Pourquoi le monde économique est-il dans la réalité formé d’entreprises complexes et non pas de simples ateliers, fabricant et commercialisant un seul produit, comme y conduit la théorie de la concurrence pure et parfaite ? Pourquoi les entreprises d’un même secteur ont-elles souvent de telles différences de taille, de structures de  produits, et de résultats, au lieu de converger vers un même modèle ? Quels sont les ressorts de l’efficacité des entreprises ?

Comme on s’en doute, la réponse théorique à ces questions est loin d’être évidente. Ces thèmes ont fait l’objet d’apports majeurs au cours du XXème siècle, tournant le dos au modèle frustre de la microéconomie classique, celui d’une entreprise-atelier, « boîte noire » réagissant mécaniquement face à son environnement, d’une manière mathématique et bénéficiant d’une information parfaite. Les éléments les plus importants de cette approche moderne de la firme sont les suivants :

- la théorie des coûts de transaction, développée par Coase en 1937, s’appuie sur le fait que l’achat d’un bien sur un marché entraîne des coûts spécifiques : il faut faire un certain investissement pour connaître les producteurs existants, leurs prix, pour négocier les prix et contrats d’approvisionnement, sans compter le coût lié au risque de défaillance technique ou économique du  fournisseur. Ce coût doit être comparé aux coûts de production interne, coûts de fabrication, coûts administratifs, coûts implicites liés à une moins grande efficacité et moins grande innovation et adaptabilité en raison de l’absence de pression concurrentielle. Les choix de la firme sont donc le fruit d’un arbitrage entre les coûts de transaction et les coûts organisationnels.

- la théorie « institutionnelle » de l’entreprise, de Simon, Cyert et March, et plus récemment Williamson, considère l’entreprise comme un arrangement organisationnel, de rationalité limitée en raison de l’incertitude et de l’information imparfaite, où les décisions sont prises au terme de processus internes, en fonction d’équilibres de forces entre des groupes  qui poursuivent des intérêts spécifiques, autant qu’en fonction d’une rationalité économique abstraite, et par ailleurs où les actifs humains comme techniques connaissent une flexibilité limitée, ce qui induit des inerties de comportement de l’entreprise.

- la théorie de l’agence est aujourd’hui le cadre de l’analyse des systèmes de gestion dans les entreprises : la relation « d’agence » est une formalisation de la délégation de pouvoir et de décision  entre le décideur « principal » (celui qui fixe en dernière instance les objectifs de l’entreprise et qui est supposé prendre ou assumer toutes les décisions en fonction de ces objectifs), et « l’agent » délégataire (celui qui prend dans les faits un grand nombre de décisions en fonction des objectifs du « principal »). Dans l’entreprise idéale, l’ensemble des décisions prises par les « agents » doivent être les mêmes que celles qu’aurait prises le « principal ». Dans les faits, il peut y avoir des différences marquantes, liées à des asymétries d’information (les agents ont accès à des informations détaillées que ne connaît pas le « principal »), des différences d’appréciation, ou des divergences d’intérêts, qui, dans la mesure où aucune organisation ne peut fonctionner sans un minimum de délégations internes, doivent être réduites par des systèmes de gestion appropriés : systèmes d’information et de contrôle, contrats d’objectifs, incitations. La négociation et la mise au point des contrats de gestion doivent permettre au principal de mieux connaître les objectifs personnels de l’agent et ses règles de comportement, qu’il a souvent tendance à ne pas expliciter complètement, volontairement ou non, au moment de la discussion des objectifs de gestion. Les mêmes contrats-type ne sont d’ailleurs pas valables uniformément pour des agents différents : il est nécessaire d’offrir une gamme suffisamment variée de contrats différents pour assurer la meilleure sélection possible du contrat adapté à l’agent considéré (principe de sélection « adverse ») et assurer que l’exécution du contrat de gestion respectera bien l’esprit du contrat, et pas seulement la lettre, d’une manière éventuellement préjudiciable aux intérêts du « principal » (principe de « l’aléa moral », bien connu des compagnies d’assurances qui voient de nombreux clients avoir un comportement négligent face à certains risques dans la mesure où ils sont couverts par les contrats). Ces systèmes de gestion ont des coûts parfois élevés qui viennent augmenter les coûts organisationnels.

L’entreprise moderne s’analyse ainsi comme un nœud de contrats, internes et externes. 

Des entreprises, appartenant aux mêmes secteurs d’activité, avec des dirigeants professionnels de haut niveau, ont des résultats très différents. Les économistes ont appelé ce facteur de production qui fait la réussite le facteur X, élément éminemment qualitatif.

 

INTRODUCTION :

L'évolution des formes juridiques comme préalable au développement capitaliste.

Société : une société est une association contractuelle de personnes physiques ou morales qui mettent en commun des moyens pour exercer une activité économique en vue de réaliser un bénéfice à partager.

Société de personnes : une société de personne est une société formée par plusieurs personnes qui s'accordent une confiance réciproque. Elle est constituée sur la base de choix de personnes (intuitu personae). Ces personnes engagées dans la société participent le plus souvent directement à la gestion et sont pour la plupart responsables solidairement sur leurs biens du passif (les dettes) de la société. L'unanimité est exigée pour les décisions importantes et les parts ne sont pas cessibles sans l'accord de tous les associés.

Société de capitaux : les sociétés de capitaux sont des sociétés constituées par apport de capitaux, la personnalité des apporteurs étant un élément secondaire de la constitution de la société. Contrairement aux sociétés de personnes, la responsabilité des propriétaires se limite à leur apport. Les parts ou les actions sont en général librement cessibles.

Action : une action est un titre de propriété d'une fraction du capital d'une société. L'action est une valeur mobilière qui confère à son titulaire un certain nombre de droits : - droit de regard et de contrôle sur la gestion, - droit à une partie du bénéfice distribué (le dividende), - droit à une partie de l'actif net en cas de liquidation de la société.

Société anonyme (SA) : la société anonyme est la forme la plus connue et aujourd'hui la plus répandue des sociétés de capitaux. Elle doit comporter un minimum de 7 actionnaires (pas de limite maximum) et un capital social de 250 000 FF. La responsabilité des actionnaires se limite à leur apport? Chaque action donne droit à une voix. La SA connaît deux régimes juridiques principaux : - soit elle est dotée d'un conseil d'administration élu par les actionnaires, conseil qui choisit et révoque le président (PDG) ; - soit elle comprend un conseil de surveillance élu par l'assemblée des actionnaires, conseil qui désigne le directoire et le président chargé de la gestion. Certaines SA font appel à l'épargne du public et sont alors des sociétés admises à la côte en bourse, les condition d'accès au marché boursier sont plus restrictives que pour la SA ordinaire (capital social + important, nombre importants d'actions,  informations régulières, surveillance des comptes...).

Société à responsabilité limitée (SARL) : crée en France par la loi du 7 mars 1925 sur le modèle allemand, la SARL est une forme juridique intermédiaire entre la société de personne et la société de capitaux. Elle regroupe des associés (maximum 50) qui ne sont pas responsables au delà de leur apport (sauf si le gérant s'il est majoritaire) mais qui s'engagent personnellement et ne peuvent donc pas céder leur part librement.

Société unipersonnelle : reconnue par le droit français en 1985, la société unipersonelle combine des caractéristiques proches de celles de la SARL où la responsabilité est limitée à l'apport, et de l'entreprise individuelle où le pouvoir appartient à la personne de l'entrepreneur. En limitant la responsabilité, cette nouvelle forme juridique visait à favoriser la création d'entreprise.

    L'association de plusieurs apporteurs de capital existe depuis longtemps, en particulier pour le financement à risques partagés du grand commerce lointain. La Révolution Industrielle va naturellement voir ces associations se multiplier, la forme la plus répandue est la Société en nom collectif (SNC). Cependant la SNC présentent un inconvénient majeur, sociétés de personnes, ses membres sont des commerçants au sens juridique et à ce titre responsable sur leurs biens propres  pour la totalité des pertes (le passif). De plus la sortie d'une SNC d'un des associés est pratiquement impossible sans dissolution.

    Lorsque l'industrie devient de plus en plus capitalistique après 1830 (sidérurgie, chemin de fer puis chimie...)la forme de SNC augmente les risques, diminue le nombre des volontaires, gêne la réunion de capitaux. Les candidats à l'entreprise ont alors de plus en plus recours à la société en commandite qui résout la difficulté en distinguant deux types d'associés : l'entrepreneur, le commandité, qui est commerçant, et, les apporteurs de capitaux, les commanditaires, responsables à hauteur de leur apport en capital.

    La société en commandite par actions qui naît plus tard, permet à chaque porteur de part de se retirer en revendant ses parts librement. La société de capitaux est née.

    C'est la généralisation de la généralisation de la société de capitaux et de la responsabilité limitée des associés à toutes les formes d'entreprises sans autorisation gouvernementale préalable qui constitue l'avancée la plus décisive vers le milieu du 19ème siècle.

    En 1856, les private companies limited anglaises, constituent la forme achevée qui permettra la réunion des masses de capitaux indispensables aux opérations industrielles de grandes envergures comme les chemins de fer. La France suivra en libéralisant la création des sociétés anonymes en 1867, l'Allemagne fera de même en 1870. Cependant la SA est faite pour les besoins de la grande entreprise, elle n'est pas forcément adaptée à la PME encore familiale, les allemands mettent au point la SARL qui sera introduite en France en 1925.

    Avec l'émergence de la société de capitaux et la responsabilité limitée, on assiste à un renversement. Jusque là les intérêts des créanciers primaient, désormais avec la société de capitaux ils sont oubliés seule compte l'expansion de l’entreprise. Cette évolution se fait en contradiction avec toutes les valeurs traditionnelles du commerce : respecter les contrats et honorer ses dettes. L'honnête homme du 19ème siècle (le petit propriétaire, le rentier, l'honorable commerçant) est bousculé par le capitaliste, le financier seuls les petits continuent de risquer patrimoine et honneur. Il est vrai qu'au delà d'une certaine taille, il n'est plus question d'exiger des garanties personnelles, celles ci seraient d'ailleurs dérisoires compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu.

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1 - La croissance économique s'accompagne de l'accroissement de la taille des entreprises.

11 - Qu'est ce que la concentration?

Au sens strict la concentration est la réunion de plusieurs entreprises dans une entité de taille plus importante. Au sens large, c'est le processus qui voit diminuer le nombre total d'entreprises et augmenter leur taille moyenne du fait de la croissance de quelques unes au détriment des autres (on parle de concentration économique).

    Elle peut se faire techniquement (on parle de concentration technique)dans plusieurs directions :

    Elle peut se faire selon deux modalités essentielles :

    Les formes juridiques modernes permettent des organisations variées souvent complexes des liens existants entre les différentes parties d'un ensemble (on parle de concentration financière). En particulier la structure de holding se retrouve le plus souvent, la holding est société financière dont l'actif est essentiellement composé de titres d'autres sociétés, elle se consacre à la gestion de ce portefeuille et peut intervenir dans la gestion des sociétés dont elle possède les titres. Schématiquement on peut avoir à faire à deux type d'organisations soit centralisée et hiérarchique (les trust, les konzern), soit décentralisée et plus souple (les groupes).  

Groupe : un groupe est ensemble de sociétés placées sous le contrôle d'une autre, "la tête de groupe". Cette société, centre de décision, détient dans chacune des sociétés du groupe des participations majoritaires ou suffisamment importantes pour lui permettre un contrôle effectif. La société "tête de groupe" prend souvent la forme du holding. La composition du groupe peut varier considérablement d'une période à une autre selon la stratégie développée par le centre de décision. Les sociétés du groupe conservent leur personnalité juridique et souvent rien en apparence n'indique leur appartenance au groupe (exemple le groupe nordiste Mulliez : Auchan, Décathlon, Flunch, Kiabi, Nordauto, Picwick...)

Trust : le trust au sens américain est généralement un groupe qui a obtenu un quasi-monopôle pour la fabrication ou la vente d'un produit ou d'un type de produit sur le marché national ou plus encore international. Il est généralement obtenu par un processus de concentration mêlant fusions, prises de contrôle, absorptions, etc. Tel fut le cas par exemple de J.D. Rockefeller et de la Standard Oil qui en 1887 avait constitué un trust pétrolier qui avait le monopôle du pétrole à la fois aux Etats Unis et dans le monde.

 

    12 - Les phases historiques de la concentration selon Alain Cotta.

    La concentration n'est pas un phénomène économique nouveau mais le dernier quart du 19ème siècle marqua une accélération du processus dans les pays industriels, la concentration devient alors une donnée incontournable du fonctionnement des marchés. Historiquement le mouvement de concentration a évolué dans ses objectifs et ses modalités. L'économistes français Alain Cotta distingue trois phases :

  1. jusqu'en 1860, la concentration est involontaire au plan national
  2. de 1860 à 1960, la concentration est volontaire au plan national
  3. après 1960, la concentration est volontaire au plan international.

    Les firmes multinationales font l'objet d'un chapitre complet dans le programme de seconde année, la troisième phase ne sera donc pas développée dans le cadre de ce paragraphe.

        121 - La concentration involontaire au plan national, jusqu'en 1860

    Elle est due essentiellement :

    Cette concentration touche surtout les petites et moyennes entreprises par voie de faillite. La disparition des entreprises marginales agrandit naturellement le marché de celles restantes. Cette forme perdure bien entendu encore aujourd'hui.

        122 -  La concentration volontaire au plan national de 1860 à 1960

    Les dangers de l'élimination par faillite déterminent une modification définitive du comportement des chefs d'entreprises et provoque ce qu'il convient d'appeler le passage d'un capitalisme de petites unités (atomistique) à un capitalisme de grandes unités (oligopolistique voire monopolistique).

    Cette prise de conscience des avantages de la concentration pour se soustraire à la "dure" loi de la  concurrence et mieux résister aux conjonctures de crises, s'accompagne également de modifications de l'environnement technique et juridique qui renforcent la constitution des grandes entreprises après 1860.

    Les grandes entreprises modernes se sont développées dans la seconde moitié du 19ème, et, dès 1914 elles sont largement dominantes sur les marchés nationaux ,voire déjà pour certaines, internationaux. A cette époque pour Alfred Chandler la "révolution managériale" est pour l'essentiel achevée. Les plus grandes firmes de la fin du 19ème siècle ont déjà étendu leurs activités bien au delà des frontières  nationales. Ainsi dès 1859, l'américain Singer avait créé 14 agences à l'étranger, installé en 1867 une usine en Ecosse, mais bien avant lui le sidérurgiste belge Cokerill  avait construit en 1815 une usine métallurgique en Prusse, quant à Bayer c'est en 1865 qu'il s'installe aux Etats Unis. La plus part des grandes firmes qui se sont constituées dans le dernier quart du 19ème, ont fait perdurer leur développement et dominé leur marché au cours du 20ème.

        123 - La concentration volontaire au plan international depuis les années 60

    Ce paragraphe est en cours de construction, on peut se reporter au cours sur les firmes multinationales (programme de seconde année).

    On consultera avec profit l'article "Radioscopie des fusions acquisitions" DREE repris dans problèmes économiques N°2751 du 6 mars 2002.

        13 - Les motifs de la concentration

    Ils sont nombreux et variés à la fois techniques, économiques, financiers et commerciaux. Ces motifs peuvent varier en fonction de la phase de conjoncture économique, du secteur et du moment dans la courbe de vie du secteur (lancement, croissance, maturité, saturation).

    Pour l'historien français Jean Bouvier, la concentration dans le capitalisme industriel a quelques grandes raisons.

    Le mouvement est sensible partout mas selon les secteurs et les nations il ne connaît pas la même intensité. Ainsi Etats Unis et en Allemagne  prennent une avance importante au 19ème sur la Grande Bretagne et la France où  l'existence de grandes entreprises  (les Mines d'Anzin, Dollfus Mieg, Schneider ou autres De Wendel) sont trop souvent une exception. La taille moyennes des entreprises reste assez modeste ainsi en 1897 à Roubaix, grand centre textile, elle n'est que de 315 ouvriers, en Angleterre en 1875 de 184 contre 136 en 1833. Les raisons en sont technique dans les industries de la première vague (textile en particulier) les rendements d'échelle croissant sont moins présents, historiques la précocité du démarrage se fait dans un contexte d'entreprises familiales avec des soutiens bancaire et étatique limités et mentale, en France une certaine peur des grandes entreprises, l'apologie du petit contre le grand marque fortement le discours économique (voir cours sur l'industrialisation de la France). Nous nous intéresserons aux deux pays dont les structures industrielles furent d'emblée dans le 19ème siècle plus concentrées : les Etats Unis et l'Allemagne.

        14 - Les exemples américain et allemand.

    141- La concentration des entreprises américaines comme adaptation à un contexte d'industrialisation unique.

    L'exemple américain peut être interprété comme l'adaptation des entreprises à un contexte de croissance tout à fait particulier qui imposait la grande taille et une forte intensité capitalistique pour faire face à la demande fortement croissante. Entre la fin de la guerre de Sécession (1868) et 1914, la population américaine soutenue par une immigration en accroissement constant (plus de 1 millions de migrants par an entre 1900 et 1914) est multipliée par 2.5, la production industrielle est multipliée elle par 10, les Etats Unis devenant la plus grande puissance industrielle mondiale.

    En dépit de la croissance démographique spectaculaire, la main d'oeuvre qualifiée est rare et , donc, chère (peuplement de l'Ouest, puis immigration en provenance des PED européens de l'époque à partir de 1880). Les industriels américains vont chercher à économiser la main d'oeuvre par une mécanisation de nombreux processus d'autant facilitée par une très large disposition de facteurs naturels (le facteur abondant donc relativement moins cher). La standardisation qui apparaît dès 1805 dans la fabrication des armes permet de palier à l'insuffisance de main d'oeuvre qualifiée. La production en série se développe pour satisfaire les besoins de la population croissante. Les procédés de production sont très tôt plus capitalistiques qu'ailleurs, le rôle des économies d'échelle également. Comme le dit Alfred Chandler ("The visible hand, the managerial revolution in American Business) : " Les nouvelles entreprises se sont développées là et quand une nouvelle technologie et des marchés en expansion permirent le traitement de volumes importants et à grande vitesse de produits matériels à travers les circuits de production et de distribution."

    Cette révolution managériale a pris place d'abord dans la distribution, on assiste vers 1850 au développement des grossistes (catalogues + représentants de commerce qui sillonnent le pays), après 1880, la vente au détail est elle aussi révolutionnée : naissance des grands magasins, apparition des premières chaînes de magasin et de la vente par correspondance. Il faut insister sur les progrès des communications (voir chapitre sur l'industrialisation) et de l'urbanisation qui créent les conditions permissives de ces nouvelles méthodes commerciales concentrées.

    En matière de production, la révolution de la grande entreprise intervient plus lentement car elle nécessitait aussi des innovations techniques autant que organisationnelles. Ce sont les procédés de production en continu qui se développent vers 1880-1890 qui permirent les exemples les plus spectaculaires de production de masse et de distribution de masse, l'achèvement du réseau de transport et de communication permettant réellement l'apparition d'un marché de masse en forte croissance. Les industries qui connurent une telle transformation furent :

    Les procédés nouveaux étaient si capitalistiques et productifs qu'un nombre limité d'établissements suffisant pour satisfaire le marché. La principale barrière à l'entrée sur le marché devient alors commerciale, en effet il ne suffisait pas de produire mais il fallait disposer de circuits de pénétration des marchés pour concurrencer les premiers venus avant de pouvoir espérer produire en fort volume et devenir compétitif.

    Les méthodes de production de masses mises au point par les industriels américains entraînèrent d'emblée la concentration et l'oligopole. C'est pourquoi les changements révolutionnaires qui se produisent à cette époque se révèlent permanents et que ceux qui en furent les initiateurs ont créé des entreprises qui, plus d'un siècle plus tard, restent souvent dominantes dans leur secteur. Celles déjà citées mais n'oublions pas la Standard Oil de Rockefeller, Dupont de Nemours, United Steel, Ford ou General Motors. On notera cependant que des secteurs comme le textile ou l'habillement où la concentration ne réduisait pas les coûts significativement ne connurent que faiblement le mouvement exposé ci dessus.

    La concentration des entreprises fut le résultat de l'expansion de l'activité de pionniers, se finançant principalement par autofinancement par réinvestissement de profits gigantesques, les fusions acquisitions ne furent pas négligeables dans un second temps. La concentration horizontale se doubla souvent d'une stratégie intégration verticale conduisant à des positions dominantes voire monopolistiques qui finirent par inquiéter l'opinion publique et entraîner l'intervention du législateur (voir supra).

 

    142 - Le retard allemand, facteur de concentration.

    Comme les Etats Unis, l'Allemagne est un pays qui a connu une croissance industrielle rapide. Partie tardivement (Rostow situe le take-off de l'Allemagne entre 1850 et 1870), son industrie aura dépassé celle de la France mais aussi celle de la Grande Bretagne dès la fin du 19ème siècle. L'industrie allemande est caractérisée dès le départ par une concentration plus grande qu'ailleurs. On peut relever plusieurs facteurs à cette concentration.

    Alors que le derniers tiers du 19ème est hautement capitalistique et que le rôle de la science et de l'éducation deviennent des facteurs décisifs du développement industriel, la structure de l'industrie allemande tranche par son gigantisme sur ses voisines française et anglaise. Ainsi  la firme chimique Bayer passe de 7000 ouvriers en 1870 à 77000 en 1882.

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2 - Les caractéristiques de l'entreprise moderne.

    21 - La naissance des monopôles change la nature du capitalisme.

211 - "La main visible des mangers" (Alfred CHANDLER)

    Dans son ouvrage parodiant la célèbre expression d'Adam Smith, Alfred Chandler explique comment et pourquoi  les grandes entreprises se sont constitué aux Etats Unis dans la seconde moitié du 19ème siècle transformant définitivement le capitalisme. Ce faisant, il élabore des propositions générales caractérisant ce qu'il appelle le "capitalisme gestionnaire".

    Pour Chandler, l'entreprise moderne possède deux caractéristiques essentielles d'organisation : un nombre d'unités opérationnelles distinctes (organigramme multidivisionnaire) d'une part, et, une hiérarchie de cadres salariés d'autre part. Chaque division pourrait être théoriquement indépendante.

    2111 - La naissance de l'entreprise moderne

    Chandler énonce trois propositions qui président à la naissance des grandes entreprises.

 

La structure multidivisionnaire dans la grande distribution

 

La structure multidivisionnaire dans l'industrie

           Pour illustration on consultera  en annexe 1, l'exemple de la modification de la structure de l'US RUBBER Company entre 1902 et 1917

.  2112 - Les effets de l'expansion des entreprises modernes.

    Chandler montre que la naissance des monopôles change la nature du capitalisme américain dont l'influence s'étendra à l'ensemble des nations développées.

    Avec le temps, les propriétaires et les financiers, membres à temps partiel des conseils d'administration en vinrent à considérer l'entreprise de la même façon que les actionnaires ordinaires, c'est à dire comme une source de revenu et non comme une affaire à gérer. Le capitalisme gestionnaire a vite remplacé les autres types de capitalisme (familial ou financier).     Pour Chandler les Etats Unis sont le berceau du capitalisme gestionnaire et seront suivis avec retard par le reste des pays industriels. L'avance américaine s'explique d'une part, par les caractéristiques particulières du marché intérieur (vaste, homogène, fortement croissant, ouvert et neuf) qui favorisent la distribution de masse et la standardisation, alors qu'en Grande Bretagne et en France la structure de la distribution avec de nombreux intermédiaires bloque la modernisation, tandis qu'au Japon et en Allemagne il y a dépendance vis à vis des banques et des marchés trop étroits. D'autre part, les différences culturelles et sociales entre l'Europe et les Etats Unis ont freiné l'émergence des entreprises modernes, en Europe les ententes sont possibles voire souhaitées (Allemagne) d'où une moindre exigence d'efficacité et de rationalisation, enfin les différences de classes sociales sont plus marquées et plus rigides, le patron propriétaire est fier de sont statut, croître c'est diluer la propriété et le pouvoir.

    "La main visible des gestionnaires a remplacé la main invisible du marché où et quand les techniques nouvelles et l'expansion des marchés ont permis à un volume sans précédent de produits de passer à une cadence également sans précédent à travers les différents stades de la production et de la distribution. L'entreprise moderne a été la réponse institutionnelle au rythme accéléré de l'innovation technique et de l'accroissement de la demande des consommateurs aux Etats Unis pendant la seconde moitié du 20ème siècle." (A. Chandler, La main visible des managers,)

212 - Les monopôles menacent-ils l'esprit du capitalisme ?

2121 - Le risque de stagnation pour SCHUMPETER

    Dans son ouvrage "Capitalisme, socialisme et démocratie" (1942) J. A. SCHUMPETER développe l'idée que les grandes firmes où règnent les administrateurs et non plus les entrepreneurs vont étouffer l'innovation bloquant à terme la dynamique de la croissance. Réapparaît ici la thèse stagnationniste, avec l'épuisement de l'innovation, le profit (la récompense de l'entrepreneur) disparaît, les occasions d'investissement également, la croissance s'arrête.        

2122 - La "technostructure", une nouvelle classe au pouvoir pour J. K. GALBRAITH

    John Kenneth GALBRAITH (1908- ) dans son livre paru en 1968 "LE NOUVEL ETAT INDUSTRIEL" décrit des firmes qui dominent le marché au lieu de subir sa loi (le concept de "filière inversée"). Les grandes firmes sont des organisations rationnelles qui utilisent la planification comme mode régulation. Le consommateur se voit imposer ses besoins, pour réduire les risques les firmes s'entendent pour se partager les marchés et fixer les prix.

    Dans ces organisations complexes,le pouvoir devient anonyme, transféré aux managers salariés qui forment ce que Galbraith appelle la "technostructure" dont la logique est une logique de conservation et de développement du pouvoir plus qu'une logique de maximisation du profit. Le profit demeure cependant essentiel au maintien en place des managers salariés, il légitime leur gestion, contente leurs actionnaires, permet l'investissement et la croissance externe. Pour Galbraith, l'innovation est menacée car elle représente le risque dans l'organisation, le pouvoir économique confisqué par les technocrates menace la démocratie et la satisfaction réelle des consommateurs. L'auteur appelle de ses voeux le développement de contrepouvoirs forts issus de la société civile (pouvoir compensateur des syndicats, des organisations de consommateur par exemple) pour limiter la toute puissance des grandes firmes industrielles et de leurs dirigeants. L'appel a l'Etat n'est pas exclu par Galbraith en cas d'insuffisance des pouvoirs compensateurs privés.

2123 - La "financiarisation" a fait revenir l'actionnaire sans pour autant sauver le capitalisme.

    La crise des années 70-80 a mis en difficulté les grandes entreprises qui ont dû s'adapter à un contexte d'incertitude, une concurrence accrue et l'émergence des NTIC en redéployant, flexibilisant et  externalisant leurs activités, on parle désormais de "firme globale", de "firme réseau" (R. REICH) . Contrairement aux prévisions de Schumpeter de nouvelles entreprises se sont créées dans des technologies nouvelles, les entrepreneurs n'ont pas disparus (le plus bel exemple est sans doute celui de Bill GATES patron de Microsoft, mais on peut aussi citer Steven JOBS (Apple) ou encore Michael DELL (Dell computer). Avec la globalisation financière, les entreprises sont de plus en plus dépendantes des marchés financiers pour trouver les moyens de leur expansion. Les nouveaux actionnaires (fonds de pension, institutionnels) sont de plus en plus présents dans la gestion et exigeant quant au profit et la valeur de l'action. Les managers qui perdent leur mandat en conseil d'administration ou en assemblée générale d'actionnaire ne sont plus rares (J2M par exemple), ce qui nuance sérieusement les propos de Galbraith sur le pouvoir de la technostructure. Désormais elle doit compter avec le pouvoir de la finance, des marchés.

    Dans son livre "Capitalisme contre capitalisme" (1991)  Michel ALBERT développe les dangers de ce capitalisme anglo saxon dominé par la finance et l'obsession du profit rapide. Pour Michel Albert, le "courtermisme" des marchés nuit au développement. Les actionnaires n'ont plus d'attache, autre que pécuniaire, avec l'entreprise, qui devient alors une marchandise comme une autre. Ils en disposent comme ils l'entendent, sans se soucier du sort du personnel. En outre, la "tyrannie de la finance conduit les managers à ne pas pendre de risques industriels. L'esprit d'entreprise est alors bridé, hypothéquant la croissance et le développement : "trop faire pour le profit aujourd'hui nuit au profit demain".

    22 - Les monopôles et l'Etat.

221 - Des relations ambiguës depuis la fin du 19ème siècle.

    Si en Allemagne, les grandes firmes font l'objet d'un relatif consensus, à la fin du 19ème siècle, aux Etats Unis, elles inquiètent de plus en plus l'opinion publique (en particulier la Standard Oil de Rockefeller qui contrôle en 1882 80% du raffinage et 90% du transport). La baisse des prix qui sévit depuis 1870 (phase B du Kondratiev, l'indice des prix de gros est passé de 151 en 1869 à 82 en 1886) a entraîné une série d'associations d'industriels pour contrôler les prix et les marchés (Trusts, cartels). Une campagne contre les monopôles se développe à la fin du 19ème siècle aux Etats Unis et les pouvoirs publics sont amené à prendre les premières mesures anti trust de l'histoire du capitalisme industriel.

    En 1887, l'Interstate Commerce Act interdit le dumping, les trusts et les ententes. En 1890 le SHERMAN Act est la première législation anti trust de l'histoire, il déclare illégale "la combinaison sous forme de trust ou autrement visant à restreindre le commerce". Mais le Sherman Act fut immédiatement contourné, et, la concentration et l'intégration technique se poursuivirent (fusion des Standard Oil par ex), le patronat utilise même cet arsenal anti trust pour lutter contre les syndicats américains.  Une série d'arrêts de la cour suprême renforça la législation anti trust et en 1911 le démantèlement de la Standard Oil of New Jersey est ordonné, marquant une étape cruciale dans la lutte contre les positions dominantes. En 1914, le Clayton Act interdit les prix discriminatoire, les monopôles par rachat du concurrent et le cumul des fonctions de directeur et d'administrateur. La Federal Trade Commission veille au respect des lois anti-trust, cependant la législation a du mal à être appliquée en particulier aux industries stratégies (par ex US Steel en 1920 on renonce à son démantèlement car il "causerait des dommages à l'économie").

     Le19ème siècle américain se termine dans un climat de méfiance vis à vis des grandes firmes et du risque d'abus de position dominante de leur part. La législation américaine bien que très imparfaite reste un cas isolé et en 1914, les marxistes avec Hilferding et Lénine voient une alliance objective du capital industriel et des Etats, les entreprises se partagent les marchés et les Etats les territoires.

     La crise de 29 marque une étape dans l'attitude du gouvernement américain. Après avoir fustigé par un discours populiste la responsabilité des grands trusts dans la crise, Roosevelt doit s'appuyer sur ceux ci afin d'enrayer la déflation. Le NIRA revient en arrière en poussant les industriels à s'entendre pour lutter contre la baisse des prix et des salaires, mais le NIRA est invalidé par la cours suprême. Après la seconde guerre mondiale, le dispositif anti trust est réactivé par le Celler Kerfauver Act, c'est cette même législation qui encore aujourd'hui permet aux firmes de recourir contre leurs concurrents lorsqu'elles s'estiment victime de pratiques anti-concurrentielles du fait de position dominante (le procès contre Microsoft a souvent été comparé à celui instruit contre la Standard Oil).

    Après 1945, les grandes firmes sont de plus choyées par les pouvoirs publics qui les privilégient par les commandes publiques (grandes infrastructures nationales, équipements militaires), les soutient dans les négociations commerciales internationales (les ministres sont de véritables voyageurs de commerce accompagnés le plus souvent par des industriels), voire en construisant eux même des empires industriels et commerciaux (EDF, Renault, SNIAS par exemple en France, ENI, IRI en Italie).

    La compétition internationale croissante conduit de plus en plus à mélanger intérêt national et intérêt des firmes. Au début, cela concernait les domaines stratégiques (pétrole, produits miniers, armement). A partir des années 60, le phénomène se généralise du fait de l'intensification de la contrainte extérieure : les performances dans le commerce international déterminent la balance des paiements, la tenue de la monnaie et donc la politique économique. La Vème république gaulliste est le meilleur exemple de ce retour à un mercantilisme digne de Colbert. Les entreprises nationalisées sont le fer de lance de l'économie française, elle affirme la présence de la France dans le nucléaire, l'aéronautique, l'armement, l'électricité... Dans le cadre d'une politique de "champion national" les entreprises sont invitées à se regrouper et à s'intégrer dans les programmes de recherche et d'équipement des plans quinquennaux (en contrepartie les firmes reçoivent des subventions). En 1965, une loi améliore le traitement fiscal des fusions, en 1967 est créé le G.I.E (Groupement intérêt économique) qui permet l'alliance d'entreprises ayant un intérêt commun tout en permettant à celles ci de conserver leur autonomie juridique. Les nationalisations de 1981 (arrivée de la Gauche au pouvoir) marquent le sommet du volontarisme industriel français et de l'interpénétration des intérêts.

    Depuis la fin des années 80, la tendance est au désengagement de l'Etat des entreprises : privatisations, fin des subventions ont marqué les politiques de tous les pays occidentaux (l'exemple anglais est le plus spectaculaire et radical, mais l'Etat français s'est lui aussi considérablement désengagé en particulier sous la pression du Marché Unique Européen depuis 1993). Cependant les théories de la croissance endogène ont montré l'importance des politiques d'environnement économique, de recherche et développement, de formation pour entretenir la croissance et générer le progrès technique, retenir et attirer les investissements des grandes entreprises reste un objectif de tous les gouvernements (TOYOTA à Onnaing). D'autre part, dans un contexte de concurrence imparfaite et de rendement croissant, les nouvelles théories du commerce international montré combien l'aide de l'Etat peut être importantes dans la détermination de l'avantage comparatif et la captation des parts de marchés et des rentes monopolistiques (politique commerciale stratégique, exemples d'Airbus ou de l'industrie puces électroniques au Japon repris par Paul Krugman). Malgré le souci de créer un environnement concurrentiel et d'éviter les abus de position dominante, les relations entre grandes firmes et pouvoirs publics demeurent complexes et ambiguës.

222 - La politique de la concurrence : Dérégulation aux Etats Unis et régulation en Europe.

         Face aux problèmes de domination, d'ententes possibles des acteurs privés susceptibles d'abuser de leur pouvoir pour limiter la quantité servie ou imposer leur prix au marché (ou les deux), excluant ainsi certains clients, les pouvoirs publics ont dès la fin du XIXe siècle dû régir. Les autorités américaines ont choisi de réguler certains acteurs tout en laissant l'initiative privée prospérer. Tandis que les autorités européennes ont préféré les solutions de monopôles administratifs ou de nationalisation d'entreprises privées, installant une économie mixte administrée. La vague libérale a conduit ces deux systèmes à évoluer l'un vers la dérégulation, l'autre vers la régulation.

Aux Etats Unis, la pratique de la régulation est inaugurée dans les chemins de fer vers 1870 avec la création de l'Interstate Commerce Commission. Elle se poursuit après la première guerre mondiale dans les télécommunications (accord Etat-ATT), sous la houlette de Louis Brandeis, la Federal Reserve Board est organisée et la Federal Trader Commission est créée. Avec la grande dépression, Roosevelt convaincu qu'il fallait démanteler les "mauvais monopôles" et réguler les "bons monopôles" multiplie les instances indépendantes de régulation spécialisées comme la Civil Aeronautics Board (CAB). James Landis théorise la pratique dans un ouvrage "The administrative process" où il soutient que la forme tripartite du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire est inadaptée pour traiter des problèmes complexes exigeant un haut niveau d'expertise et d'attention. Seule une quatrième branche du pouvoir dite "administrative" indépendante des trois autres et cumulant tous les pouvoirs pourrait faire face à cette complexité croissante.

George Stigler et l'école de Chicago ont très tôt montré les difficultés de la régulation en étudiant en particulier les secteurs de l'énergie. Ils allaient produire la théorie de la pratique de la dérégulation qui commence à la fin des années 70 par les transports aériens rendus au marché. Que montrait l'école de Chicago ?

1)     Dans une économie de marché ouverte fonctionnant sans entraves, il n'est pas, à terme, de monopôle durable (théorie des marchés contestables).

2)     Les régulateurs sont capturés par les intérêts particuliers des régulés du fait de l'asymétrie d'information entre régulateur et régulé.

Selon la théorie des "gouvernment failures", les instances de régulation sont de piètres agents économiques, qui ne peuvent suivre le rythme des progrès technologiques du fait de leurs rigidités organisationnelles et de par leur complaisance à l'égard des entreprises établies sont  incapables de promouvoir efficacement la concurrence, l'intérêt du consommateur et le bien public.

         Au moment donc où les Etats Unis prennent le virage de la "dérégulation" pour casser les bureaucraties autonomes qui régissent leurs services publics, les Européens prennent eux le tournant de la régulation pour sortir de l'économie mixte administrée. Les raisons de cette double mutation sont les coûts du monopôle mais également les évolutions technologiques accélérées qui remettent en cause les monopôles naturels et la non exclusivité dans de nombreux domaines. Chacun s'engage à sa façon dans un processus de libéralisation des services publics. En Europe, c'est par la privatisation, la réglementation d'activités jusqu'alors dans le domaine public, la création d'instances indépendantes de régulation. Le secteur emblématique de ce processus est sans conteste les télécommunications. Aux Etats Unis, c'est l'éclatement d'ATT en plusieurs "baby Bell" et l'ouverture à la concurrence d'autres opérateurs.. En Europe, sous la houlette de la commission de Bruxelles l'ouverture des marchés à la concurrence se traduit par la disparition progressive du monopôle des opérateurs historiques, des autorités indépendantes de régulation nationale veillant à l'accès au réseau à des prix raisonnables (en France : privatisation de France Télécom et création de l'ART, vente de licence à de nouveaux opérateurs).

    Cependant que ce soit aux Etats Unis ou en Europe, il apparaît que derrière une baisse tout à fait significative des prix avec la concurrence, la position des opérateurs historiques restent encore très largement majoritaire (les baby Bell aux Etats Unis, BT, France Télécom, DT, Belgacom ou Telecom Italia en Europe).

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Conclusion :

    Malgré la supériorité des grandes firmes, les PME subsistent et sont indispensables à l'économie de marché.

 Répartition des entreprises selon l'effectif de leurs salariés en FRANCE (source INSEE)  

 0 à 99 salariés

 94 % des entreprises

 100 à 499 salariés

   5 % des entreprises

 Plus de 500 salariés

   1 % des entreprises

 

 L'exportation et la taille de l'entreprise industrielle en FRANCE (en %) (source INSEE)

 

 Part dans l'investissement industriel

 Part dans le chiffre d'affaires industriel

 Part dans l'emploi industriel

 Part dans les exportations industrielles

 PME

33 %

33%

50 %

35 %

 Grandes entreprises

67 %

67 %

50 %

65 %

    Le capitalisme moderne est dominé par les grandes entreprises mais il y  a des limites au gigantisme au delà desquelles la grande taille devient un handicap. Des limites techniques lorsque l'on entre dans la zone de rendements décroissants, des limites administratives et organisationnelles qui rigidifient la structure de l'entreprise entravant l'adaptation au changement, enfin des limites légales qui empêchent la constitution d'ensemble nuisant à la concurrence ou à l'intérêt général. Il n'y a pas de taille, ni d'organisation optimum une fois pour toute pour les entreprises, en particulier les progrès technologiques peuvent faire évoluer l'intérêt de structure plus grande ou au contraire plus petite. Par exemple le développement de la micro informatique permet aujourd'hui à de petites unités de bénéficier de services et d'outil de gestion donc elles étaient exclues auparavant, la volatilité croissante de la demande dans les secteurs de la grande consommation privilégie la flexibilité, les petites séries au détriment des grandes usines fordistes trop rigides.

     Les années 70 ont marqué un arrêt du processus de concentration et un retour des entreprises petites et moyennes, Schumacher vante alors les mérites des petites structures dans un ouvrage au titre significatif "Small is beautifull". Les grandes entreprises ont en effet plus souffert dans la crise (réduction d'effectifs, redéploiement des investissements et des localisations, réforme des structures), les PME apparaissent plus porteuses d'emplois. Cependant ce déclin apparent des grandes entreprises n'est il pas en trompe l'oeil? La reprise des fusions acquisitions et la course à la taille observées dans les années 90 infirme cette tendance et désormais "Big is wonderful". Faut il dans nos économies modernes continuer d'opposer grandes et petites entreprises ? N'y a t il pas plutôt des liens de complémentarité dans les rôles et les fonctions des différentes structures.

    Les PME jouent un rôle irremplaçable dans l'économie :

  1. proximité du client qui permet l'échange d'information et une meilleure adaptation au besoin
  2. adaptabilité de la structure (souplesse de fonctionnement) qui permet une personnalisation de la prestation
  3. rigidités sociales moins grandes d'où une flexibilité plus importante.

La PME a de ce fait des secteurs de prédilection dans les services au particulier (artisanat) mais aussi aux entreprises (SSII), dans les industries de petites séries ou de pièces uniques. Finalement la PME est plus à même de satisfaire des besoins spécifiques personnalisés, elle sera présente partout où la "coordination par le marché est supérieure à la coordination par le marché" comme le dit Braudel.

 

  1. La sous-traitance de capacité qui permet au donneur d'ordre d'amortir les à coups de la conjoncture. L'adaptation conjoncturelle repose alors sur les PME (c'est le modèle dualiste japonais).
  2. La sous-traitance de spécialité qui traduit un choix technique du donneur d'ordre qui n'a pas les compétences ou les équipements nécessaires pour effectuer tel ou tel type de production de bien ou de prestation de service. La sous-traitance de spécialité correspond de plus en plus à un approfondissement de la division du travail de la part des grandes entreprises.

Le recours à la sous-traitance de spécialité, l'externalisation d'activité de services autrefois traitée en interne, la pratique de plus en plus systématique de ce que les anglo-saxon appelle "l'out-sourcing" est un élément essentiel de la réorganisation des grandes entreprises depuis vingt ans qui répond au besoin de flexibilité et qualité (Toyotisme, 5 zéros) dans le contexte d'incertitude et concurrence aiguë né de la crise et de la mondialisation. De nombreuses entreprises petites et moyennes y ont saisi les opportunités de leur naissance et de leur développement mais ont lié leur destin à celui de leur donneur d'ordre et de ses exigences. Les grandes entreprises ont de plus en plus des gestionnaires de marques, des concepteurs de projet et des maîtres d'ouvrage, de moins en moins des producteurs directs. Pour fabriquer un produit ou exécuter un marché, elles recourent à une myriade de sous-traitants (exemple dans l'automobile les équipementiers tels que Valéo, Epéda, Bendix, Bosch...). Les pièces réalisées à l'extérieur peuvent représenter plus de la moitié du chiffre d'affaires (Thomson, Aérospatiale par ex).L'expansion des PME est donc très largement liée à cette orientation nouvelle des grandes entreprises, il y a bien là des liens de solidarité plus que de concurrence qui se sont instauré entre grandes entreprises et PME. On parle dans cette optique de "firme réseau" (R. REICH) ou de "firme élargie" (P. LORINO, "l'entreprise et le manager"), l'expression invite à une conception étendue des limites de l'entreprise moderne (entreprises+fournisseurs+sous-traitants+clients). Cependant cette logique du réseau n'est pas forcément vécue dans les mêmes conditions, le donneurs d'ordre peut organiser la concurrence entre ses sous-traitants en les présurant (ex : NIKE), ou, le donneur d'ordre peut coopérer techniquement avec les sous-traitant et partager les risques (souvent au Japon, Peugeot).

Au delà du mouvement de concentration séculaire des activités économiques, les grandes firmes dépendent donc d'un vaste ensemble de fournisseurs de petite taille qui assure la flexibilité de l'économie et sont adaptation. 

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Annexe 1

L'exemple de l'UNITED STATES RUBBER COMPANY

 

L'organigramme de la US RUBBER C° en septembre 1902

   

L'organigramme de l'US RUBBER C° en janvier 1917

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