Chapitre 6 : Ordres et désordres monétaires depuis 1945.

Courbes

 

VARIATIONS DU DOLLAR DEPUIS 1945 PAR RAPPORT AU FF

Source : Insee

 

Questions Quoi-Qui.

I) A quoi sert un Système Monétaire International (SMI)?

Les échanges internationaux de marchandises, de services et de capitaux nécessitent pour se réaliser et se développer dans les meilleures conditions une connexion des systèmes monétaires nationaux. Cette connexion est réalisée par l’existence d’un SMI de façon : 1) à éviter le troc entre les pays et l’obligation d’équilibre bilatéral des échanges, 2) à corriger les déséquilibres des soldes de balances de paiements, 3) à alimenter l’économie mondiale en moyens de paiements, 4) à éviter les phénomènes spéculatifs et l’insécurité des paiements.

Les échanges internationaux impliquent trois questions que le SMI devra résoudre.

  1. Comment les agents économiques vont ils opérer la conversion des prix exprimés dans une monnaie étrangère dans leur monnaie nationale ? C’est le problème de la formation du taux de change.
  2. Comment obtenir la monnaie étrangère contre sa propre monnaie et réciproquement ? C’est le problème de la convertibilité.
  3. Quels sont les moyens de paiements acceptés par les pays créanciers des pays débiteurs ? C’est le problème des liquidités internationales.

On retrouve au niveau international, les trois fonctions traditionnelles de la monnaie : unité de compte, moyen de paiements et instrument de réserve.

La fonction d’unité de compte est première. Si au niveau national, elle est définie une fois pour toute par l’Etat, il n’en va pas de même au niveau international puisque la communauté internationale n’est pas érigée en Etat. La fonction d’unité de compte est cette fois liée aux deux autres fonctions qui entre les pays sont exercées de façon particulière.

La pratique des paiements internationaux se caractérise par l’éloignement des opérateurs, le montant généralement important des transactions, l’utilisation des paiements scripturaux donc l’intervention des banques en tant qu’intermédiaires. Les banques disposent toutes de comptes les unes chez les autres, et pratiquent au niveau international la compensation. Elles n’ont donc besoin que de se régler les soldes en se procurant les devises nécessaires sur le marché des changes ou auprès de leur banque centrale. L’utilisation de monnaie manuelle (pièces et billets) se limite aux échanges frontaliers, au tourisme ou aux trafics illégaux.

L’idée de la convertibilité correspond à l’idée que l’échange n’est possible que s’il est possible d’obtenir une monnaie contre une autre, les pays ne sont plus tenus alors d’équilibrer leurs échanges de façon bilatérale.

Au sens fort la convertibilité signifie que la banque centrale s’engage à racheter sa propre monnaie. C’est la garantie donnée aux résidents et/ou aux non résidents de pouvoir " sortir " d’une devise contre un avoir réel (l’or) ou une autre monnaie. La convertibilité d’une monnaie est essentielle à son acceptation dans les paiements internationaux. Elle permet à partir d’une devise de pratiquer d’autres opérations dans cette même devise ou dans une autre devise. La convertibilité n’existe pas nécessairement partout ou de la même façon pour tous les agents économiques. Tout Etat réglemente comme il l’entend la sortie de sa monnaie nationale et l’entrée des monnaies étrangères sur son territoire.

Lorsqu’un Etat interdit la sortie de sa monnaie nationale, cette monnaie est dite non transférable. Cette situation est fréquente dans le monde en particulier pour les PED très déficitaires qui connaissent de graves difficultés de paiements, c’est également le cas des économies de type soviétique où l’Etat contrôlait totalement l’économie. Dans le cas de l’intransférabilité, un contrôle des changes hermétique donne le monopôle des monnaies étrangères aux autorités qui contrôlent toutes opérations avec l’extérieur.

Lorsqu’une monnaie est transférable, le gouvernement en autorise la sortie, c’est généralement le cas des pays développés à économie de marché. La transférabilité n’exclut pas l’existence d’un contrôle des changes plus ou moins coercitif, en particulier pour les résidents (restrictions dans l’usage des monnaies étrangères, dans les montants transférables). Lorsqu’une monnaie est transférable, elle est convertible en devises étrangères et négociée sur tous les marchés des changes.

Le marché des changes est le lieu où se rencontre l’offre et la demande de la monnaie nationale contre une devise étrangère afin d’établir un prix le taux de change (parité). Le taux de change peut être exprimé en nombre d’unités de monnaie nationale pour une unité de monnaie étrangère, c’est une cotation à l’incertain. La cotation au certain exprime le nombre d’unités de monnaie étrangère pour une unité de monnaie nationale (ex : la cotation de l’Euro).

Les opérations de change sont des opérations commerciales occasionnées par les transactions entre résidents (R) et non résidents (NR) enregistrées dans la balance des paiements.

La balance des paiements est le document qui enregistre les transactions des résidents avec les non résidents. Il s’agit d’opérations sur biens et services (importations et exportations), de répartition (revenus des facteurs, dons) et financières (achat et vente d’actifs monétaires et financiers). Le principe de l’enregistrement des opérations est en " partie double ", c’est à dire que toute opération implique deux écritures. L’une traduit sa nature économique, l’autre son mode de règlement. Le sens des écritures est donné par les flux eux mêmes. Un crédit (+) enregistre une diminution des avoirs, un débit (-) enregistre une augmentation des avoirs, quelque soit la nature des avoirs (réels, financiers, monétaires).

Exemple :

importation = cession d’avoirs réels de NR vers R = DEBIT

paiement comptant = cession d’avoirs monétaires de R vers NR = CREDIT

émission = cession d’actifs financiers de R vers NR = CREDIT

règlement = cession d’actifs monétaires de NR vers R = DEBIT

NB : on notera que les importations de biens et services s’enregistrent à l’inverse des importations de capitaux.

Par nature, dans une balance des paiements, le total des débits est égal au total des crédits, le document comptable est donc nécessairement équilibré. Parler de déficit ou d’excédent de balance de paiements est un non sens, ce sont des types d’échanges particuliers (marchandises, services, capitaux) qui peuvent être déséquilibrés, ce sont donc des soldes intermédiaires qui peuvent être déficitaires ou excédentaires (ex : le solde des opérations courantes).

Il faut distinguer les mouvements qui ont une logique autonome (échanges de biens et services, investissements directs ou de portefeuilles, spéculation), des mouvements compensatoires qui sont la contrepartie des opérations autonomes et qui concerne une variations des avoirs et engagements en devises auprès d’intermédiaires bancaires (banques privées ou banque centrale). Au jour le jour, les opérations autonomes des mouvements de devises compensaient par les banques, seuls les soldes donnent lieu à une opération de change sur le marché. Des variations du taux de change liées à l’imprévisibilité des soldes sont donc inévitables. Si les échanges autonomes tendent à s’équilibrer à moyen terme, le taux de change doit osciller autour d’une valeur d’équilibre. Si au contraire, les opérations autonomes sont déséquilibrées, le taux de change s’appréciera (excédent) ou se dépréciera (déficit).

Le solde de l’ensemble des opérations autonomes est le solde de la balance globale des paiements, s’il est déficitaire les avoirs de réserve diminueront (la variation de la position monétaire extérieure est positive, R vers NR = crédit) et, inversement s’il y a un excédent. Sur le marché des changes, ce solde indique la tendance de la monnaie nationale à s’apprécier (Balance globale> 0) ou se déprécier (B.G.< 0). Dans un système de change fixe, les autorités monétaires interviennent en achetant leur monnaie contre devises (diminution des avoirs de réserve, accroissement des dettes en devises) dans le cas de la dépréciation, inversement dans le cas de l’appréciation.

Cependant l’équilibre de la balance globale (voire son excédent) peut être obtenu par des entrées de devises liées à un endettement croissant du pays (à long et à court terme) qui fragilise à terme le taux de change de la monnaie du pays et peut provoquer une crise brutale de change si la confiance de préteurs vient à disparaître.

La balance des paiements peut donc être approchée dans l’optique du financement compensatoire des échanges internationaux. Les échanges courants (marchandises et invisibles) pouvant être compenser par les échanges de capitaux à long terme (IDE, investissement de portefeuille, prêts à long terme) et à court terme (actifs ou prêts souvent de nature spéculative) plus ou moins stables, le solde restant à financer (balance globale) implique alors une variation des réserves et de l’endettement des autorités monétaires qui oriente à plus ou moins long terme le cours de la monnaie nationale. Cependant, les marchés de change ont souvent déjoué la logique compensatoire en évaluant le taux de change contre les fondamentaux de la balance des paiements (voir théories du taux de change au chapitre sur la globalisation).

II) Convertibilité et liquidités internationales

L’engagement de convertibilité implique que les banques centrales disposent de réserves de change en avoirs réels (or) ou devises et qu’elles disposent de capacité d’emprunts de ces réserves pour faire face à l’excès d’offre de monnaie nationale contre devises sur le marché des changes.

Ces réserves accumulées par les banques centrales forment les liquidités internationales. Elles peuvent prendre plusieurs formes :

  • -L’or, qui n’est plus utilisé aujourd’hui dans les paiements internationaux mais reste comptabilisé comme avoir de change pour les banques centrales.

    -Un actif scriptural international institutionnel, il s’agit en particulier de la position de réserve au Fonds Monétaire International (FMI), les droits de tirage spéciaux (DTS) alloués depuis 1970 par le FMI.

    -Une monnaie nationale acceptée comme actif de réserve (surtout le dollar, mais aussi le Mark, le Franc français (l’Euro depuis le 1/01/99), le yen ou encore le sterling) détenue par les banques centrales auprès d’autres banques centrales ou de banques commerciales.

  • Les réserves des banques centrales constituent les réserves officielles, il considérer que des avoirs en devises (voire en or) peuvent être détenus par des banques commerciales, des firmes multinationales ou des ménages. Ces avoirs en devises sont aujourd’hui très importants dans le commerce et la finance internationale.

     

    L’engagement de convertibilité, l’importance des avoirs de réserves pose la question de la stabilité du taux de change. La stabilité du change est un facteur important de la préférence pour une devise au niveau international pour son utilisation comme unité de compte, moyen de paiements et actif de réserve. Convertibilité et stabilité, c’est la garantie de " sortir " d’une devise sans risquer une perte de change excessive. C’est la question du régime de change, qui relève de la décision des autorités monétaires d’adhérer à des règles définissant plus ou moins de stabilité du taux de change. Ces règles peuvent être le résultat d’un accord international plus ou moins large (Bretton Wood, SME), mais elles peuvent le produit de décisions nationales indépendantes (ex : l’étalon or au XIXème).

    III) Parité fixe ou parité flottante.

    Dans un régime de parités fixes, les autorités monétaires définissent la valeur de leur monnaie par rapport à un étalon. La parité des monnaies deux à deux dérive de la valeur de chacune d’elle par rapport à l’étalon. Dans la grande majorité des cas la convertibilité se définira par rapport à l’étalon. Historiquement, trois types d’étalon ont existé :

  • -L’étalon or, toutes les monnaies sont définies par un poids d’or et convertibles en or (1878-1914)

    -L’étalon de change or, certaines monnaies sont définies par un poids d’or et convertibles en or (les centre or), d’autres sont définies par rapport à une devise centre or et convertible dans cette devise (accord de Gênes 1922, Bretton Woods 1944)

    -L’étalon de change ou étalon devise, une monnaie est définie par rapport à une ou plusieurs devises et convertible dans cette ou ces devises (Bretton Woods après 1971, le SME par exemple).

  • Dans un régime de parités fixes, le taux de change défini par le marché des changes ne peut varier que dans certaines limites définies naturellement (les points d’or) ou institutionnellement (Bretton Woods ± 1 %, SME ± 2,25 %). Les autorités s’engagent à maintenir le taux de change dans ces limites par des interventions en cas de déséquilibre du marché. Si l’offre de monnaie nationale est excédentaire, la banques centrale achète sa monnaie contre devises pour éviter la dépréciation au delà des limites, inversement si l’offre de monnaie nationale est insuffisante sur le marché des changes. Les obligations d’intervention impliquent la détention de réserves de change et d’une capacité d’emprunt de celles ci.

    Dans le cas d’un excès de demande de monnaie nationale contre devises, les réserves s’accumulent à l’actif de la banque centrale. Si cette situation devient durable, elle indique une sous évaluation de la monnaie nationale car les pression à la hausse sur le marché sont permanentes. Face à cette situation, les autorités ont deux alternatives, soit accepter les pressions inflationnistes induites par l’augmentation de leur masse monétaire, soit réévaluer leur monnaie pour absorber les pressions inflationnistes en améliorant les termes de l’échange ce qui constate l’augmentation du pouvoir d’achat des exportations (enrichissement du pays). Dans le cas inverse, les réserves s’épuisent et la banque centrale s’endette, si cette situation est durable, c’est l’indice d’une surévaluation de la monnaie nationale. Face à la situation, soit les autorités acceptent l’austérité impliquée par la destruction de monnaie nationale induite par l’épuisement des réserves de changes, soit elles dévaluent la monnaie nationale constatant la perte de pouvoir d’achat des exportations du pays c’est à dire la détérioration des termes de l’échange (appauvrissement du pays).

    NB. Les termes dévaluation et réévaluation ne peuvent s’utiliser que dans un régime de change fixe, il s’agit d’une décision officielle des autorités monétaires de modifier la parité de leur monnaie par rapport à l’étalon.

    Dans un régime de parités flottantes, la valeur d’une monnaie dans les autres devises n’a pas de définition officielle, il n’y a donc pas d’étalon. Le taux de change est déterminé par le marché des changes sans limite de variation, il n’y a aucune obligation d’intervention de la part des autorités monétaires pour défendre les parités. Les réserves de change ne sont donc plus indispensables pour les banques centrales, car la convertibilité au sens fort n’existe plus, c’est le marché qui est sensé assurer la contrepartie. En cas d’excès d’offre de monnaie nationale, le taux de change se déprécie, et inversement, il n’y a donc plus de stabilité. La " sortie " d’une devise n’est plus sans risque.

    Les accords de Bretton Woods (BW) vont régir le fonctionnement du SMI de la fin de la seconde guerre mondiale au 15 Août 1971, date à laquelle la décision de Richard Nixon de suspendre la convertibilité or du dollar vide les accords de BW de leur contenu. Les accords de la Jamaïque en Janvier 1976 mettent un point final au système de BW

    Les accords de BW définissent les règles de convertibilité et de stabilité des monnaies et créent deux institutions le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) qui deviendra dans les année 60 la Banque Mondiale. Ces deux institutions sont les seules vraies innovations apportées par les accords de BW et qui leur ont survécu.

    Les Etats membres ont deux obligations qui correspondent aux deux formes de convertibilité :

  • -par la banque centrale (sens juridique) " tout membre devra racheter les avoirs qu’un autre membre détient de sa propre monnaie ". Contre sa propre monnaie la banque centrale pourra fournir soit de l’or si ses réserves sont suffisantes (seuls les Etats unis choisiront cette option le 10 décembre 1946), soit des devises.

    -par le marché (sens économique) ce qui oblige les pays membres à garantir la libre circulation de leur monnaie. Les mesures de contrôle des changes existantes sont appelées à disparaître en consultation avec le FMI.

  • Ces obligations de convertibilité ne concernent que les transactions courantes : " les membres peuvent exercer tous les contrôles nécessaires pour réglementer les mouvements de capitaux ". Deux exceptions sont prévues à ces obligations pendant la période de transition d’une part, lorsqu’une monnaie devient rare d’autre part. Dans ces deux cas des restrictions sur la convertibilité et la libre circulation de la monnaie peuvent exister en consultation avec le Fonds.

    Les Etats membres ont l’obligation générale de promouvoir la stabilité des canges et d’éviter les modifications de change dans un esprit de " rivalité ". Plus précisément deux obligations font de Bretton Woods un système de change fixe :

  • -les parités officielles de chaque monnaie doivent être exprimées en termes d’or ou en dollars américains du poids et du titre en vigueur le 1 juillet 1944, soit 35 dollars l’once d’or fin (1 once = 31 gr). Le $ est donc promu au même rang que l’or tant que sa parité restera celle issue de la dévaluation de 1934.

    -les cours quotidien de chaque monnaie sur le marché des change ne peuvent dépasser les marges prescrites fixées à 1 % autour de la parité déclarée. Il résulte de cette obligation que le $ est plus stable que les autres devises (écart instantané de 2% contre 4%). Les banques centrales doivent intervenir sur le marché des changes pour maintenir le taux dans les bandes prescrites. Les banques centrales qui stabilisent le cours de leur monnaie vis de vis de l’or (en intervenant sur le marché de l’or) sont déchargées de toute obligation quant au cours de leur monnaie vis à vis des autres monnaies. Pratiquement, dans la mesure où les Etats unis maintenaient le cours du $ vis à vis de l’or à sa parité, se trouvaient déchargés légalement de toute obligation de soutenir leur monnaie. Les autres monnaies assuraient seules le maintien des parités vis à vis du $.

  • Une certaine souplesse était envisagée pour éviter la rigueur aveugle qui prévalait dans le système de l’étalon or, dénoncé par Keynes. La parité d’une monnaie peut être modifiée par un Etat afin de " corriger un déséquilibre fondamental ", toute modification supérieure à 10% devait être soumise à l’avis du FMI sous peine de sanction (privation de crédit). La parité de toutes les monnaies peut également être modifiée vis à vis de l’or. Cette décision ne peut être prise sans le vote des Etats unis qui disposent d’un droit de veto compte tenu des règles de majorité requise au FMI.

    Le FMI est l’organe essentiel du nouveau système dont la fonction est de veiller à l’application de l’accord de Bretton Woods, mais aussi et surtout (c’est là l’innovation essentielle) de donner aux pays membres des moyens d’intervenir sur les marchés pour soutenir leur monnaie et ne pas les obliger à des mesurer restrictives (combattues par Keynes). Le FMI a son siège à Washington depuis Mars 1946. La décolonisation puis l’éclatement de l’empire soviétique ont fait passé le nombre de membre de 29 à 183 aujourd’hui, ce qui tend à donner au FMI une vocation universelle.

    -Organisation.

    Le FMI est constitué à l’image d’une société par actions américaines dont le capital serait l’ensemble des quotas (ou quote-part) dont disposent les Etats. Les quotas représentent la souscription des membres. Leur montant est calculé à l’aide de plusieurs critères représentatifs de l’importance économique (Revenu national), monétaire (réserves) et commerciale (importations, ouverture) du pays. L’actualisation se fait au moins tous les cinq ans (dernier relèvements en 99). Les quotas sont versés 25% en or (du moins jusqu’en 78), 75% en monnaie nationale. Ils servent à déterminer le nombre de voix et les droits de tirage dont dispose chaque membre.

    Les organes de décisions sont au nombre de trois :

    -le conseil des gouverneurs qui réunit à Washington deux ans sur trois les ministres des finances ou les gouverneurs de banque centrale de tous les pays membres. Il prend ses décisions à la majorité pondérée (souvent 85% des voix).

    -le conseil d’administration comprend 24 membres, 8 de droits (Etats unis : 17,35%, Japon :6,22%, Allemagne : 6,08%, Royaume uni : 5,02%, France : 5,02%, la Chine, L’Arabie saoudite et la Russie) et 16 élus représentant des groupes de pays.

    -le directeur général, élu par les administrateurs, dépourvu de droit de vote sauf en cas de partage des voix. Il est traditionnellement européen, le français Michel Camdessus a exercé cette fonction de 87 à 2000, c’est l’allemand Horst Köhler qui lui a succédé.

    Les quotas forment au départ les ressources du FMI, l’ampleur des déséquilibres et des besoins a exigé l’accroissement de ressources et leur diversification. Le FMI accorde son aide sous forme de droits de tirage ou de " facilités ".Sauf exception le FMI ne prête pas de devises, il achète de la monnaie nationale et vend des devises contre rachat ultérieur par l’Etat membre de sa monnaie nationale contre devises (swap).

    -Les droits de tirage ordinaires : les quotas sont la base de ces droits, les premiers 25% sont une tranche automatique dont les pays disposent librement (tranche or), les tranches suivantes (4´ 25%) sont accordées avec des conditions de plus en plus sévères en matière de redressement de la balance des opérations courantes, c’est le principe de conditionnalité. Exceptionnellement un pays peut parfois tire au delà ou bénéficier de délai plus long pour racheter sa propre monnaie.

    -Les droits de tirage spéciaux (DTS) sont entrés en vigueur le 28 juillet 1969 (1er amendement au FMI). Ils ne résultent d’une contribution des Etats membres et une fois tirés ne doivent pas être remboursés (jusqu’en 1981 remboursement partiel, 30% jusqu’en 78, puis 15%) mis font l’objet de paiement de commission au FMI par les utilisateurs. Il s’agit donc bien d’une nouvelle liquidité internationale crée par le Fonds. La valeur d’un DTS sera d’abord de 1$, depuis le 1 juillet 1974 le DTS est une monnaie panier dont la pondération est révisée tous les cinq ans (au 2 janvier 2001 1dts = 1,30901$). L’attribution des DTS est proportionnelle au quotas des membres. Il y a eu deux créations de DTS l’une en 1969, l’autre en 1978. Pratiquement, c’est le FMI qui désigne le pays qui échangera sa devise contre DTS (les pays excédentaires sont les plus sollicités). Les peuvent alors utiliser leur DTS dans les rapports avec les banques centrales, le FMI et certaines institutions internationales habilitées à détenir des DTS.

    -Les emprunts : face au besoin croissants et pour éviter des relèvements de quotas trop importants et trop fréquents. Le FMI peut effectuer des emprunts pour aider des pays en difficulté de paiements. Les accords généraux d’emprunt créés en 1961, par lesquels les pays signataires s’engagent à mettre à la disposition du FMI des ressources supplémentaires (dans leur devise ou en $) pour un montant maximum égal à leur contribution. En 1974 le mécanisme élargi de crédit a confirmé en l’augmentant cette possibilité.

    -Les " facilités " : confronté à l’ampleur des déficits des pays en développement en particulier après le 1er choc pétrolier, le FMI a cherché à les aider de diverses manières en instaurant des mesures d’aide et de prêt complémentaires aux droits de tirage. On citera en vrac : financement compensatoire (63,68), stocks régulateurs (69), facilités élargies (75), accords de confirmation, facilités d’ajustement structurel (86) renforcée (87) transformés en facilités pour la réduction de la pauvreté et la croissance (2000) enfin l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

    Au 31 octobre 2000, le FMI avait des crédits et prêts à recouvrer auprès de 90 pays pour un montant total de 46 milliards de DTS.

    Le SMI contemporain est régi par les accords de la Jamaïque issus d’une série de conférences qui se tiennent entre septembre 73 et janvier 76. Le second amendement aux statuts du FMI entraîne une refonte complète du système qui prend très largement en compte les thèses américaines. Pour R. Triffin dit de cet accord qu’il est " plus digne d’une comédie bouffonne que d’un traité solennel définissant un nouveau SMI ".

    Les principaux points des accords sont les suivants :

    1) La banalisation du rôle de l’or.

  • Toute référence à l’or est bannie dans le SMI (abandon définitif de la convertibilité or, interdiction de définir le régime de change par rapport à l’or et de rétablir un cours officiel de l’or). L’or de FMI est restitué aux pays pour 1/6ème, le reste est vendu petit à petit par le FMI pour venir en aide aux pays les plus défavorisés. Les banques centrales sont autorisées à continuer à comptabiliser leur or dans leurs réserves de change à un prix correspondant à une moyenne mobile des prix du marché libre de l’or.

    2) L’abandon des parités fixes.

    L’article IV inclut désormais les capitaux à côté des biens et des services et définit une obligation générale des Etats membres de collaborer avec le Fonds " pour assurer le maintien de positions de change ordonnées ". Chaque pays " s’efforcera " d’orienter sa politique économique, " cherchera " à promouvoir la stabilité, " évitera " de manipuler son taux de change...c’est à dire un ensemble fort peu contraignant d’obligations.

    Les pays sont tenus d’adopter des dispositions particulières de change mais sont libres du système de leur choix ainsi que de changement de système (la notification au FMI suffit). Les choix effectués par chacun des membres sont d’une extrême diversité : flottement pur ou dirigé, rattachement à une autre monnaie ou à un panier, accords régionaux (SME). En 1999, 77 monnaies étaient flottantes, 45 avaient un arrimage fermes avec une devise (le plus souvent le $), 63 un régime intermédiaire. Actuellement, à peu près 60% des monnaies sont liées au $, 11% à l’Euro. la liberté de choix du régime de change s’assortit d’un contrôle renforcé du FMI, mais devant tenir compte des conditions particulières de chaque pays!

    3) Promouvoir le DTS comme substitut au dollar dans les réserves.

    Les DTS doivent être utilisés à la place de l’or, son calcul est simplifié (panier de cinq monnaies $,£,DM,FF,yen), son usage est étendu aux transactions entre banques centrales et détenteurs agrées (par ex : Banque mondiale, Banque des règlements internationaux...). L’accord décide d’une allocation supplémentaire de trois fois 4 milliards en 79, 80 et 81.

    Aujourd’hui le montant total des DTS n’est que de 21,4 milliards, soit à peu près 2% du total des réserves de change. Ce chiffre à lui seul témoigne de l’échec du DTS qui n’a pas loin s’en faut remplacer le $. Les DTS ont peu servi d’actif de réserve, la fin des changes fixes a permis de résoudre le problème de la convertibilité du $, les DTS devenaient alors moins utile aux Etats unis, ceux ci se sont opposés à son extension. Les DTS n’ont pas fonctionné comme une véritable monnaie, leur émission a été limitée (plus d’attribution depuis 81), ils n’ont donc été que des lignes de crédit supplémentaire. Enfin les DTS n’ont pas eu de fonction de numéraire, leur usage a été limité aux banques centrales et quelques organismes internationaux habilités. Toute autre mobilisation implique une conversion en monnaie nationale, il n’y a pas de marché privé du DTS.

    4) L’objectif d’établir des " parités stables mais ajustables ".

    Concession faite par les Etats unis aux partisans des changes fixes (dont la France) cet article envisage la possibilité pour le Fonds quand les conditions économiques internationales le permettront et avec un vote à 85% des voix de rétablir un " système généralisé de dispositions de change reposant sur de parités stables mais ajustables ". Depuis, 1976, le sujet n’a guère été évoqué.

  • Seuls les deux premiers points ont trouvé une application depuis 1976, la très grande liberté laissée aux Etats membres en matière de régime de change, les amples fluctuations du change des monnaies tant à moyen qu’à court terme, l’ampleur des mouvements de capitaux contemporains ont permis à certains observateurs de parler de " non système monétaire international ".

     

    Faits et problématiques : ordres et désordres monétaires depuis 1945

    I) Bretton Woods : reconstruire l’ordre international détruit par la crise et la guerre.

    La reconstruction des relations économiques internationales après la seconde guerre mondiale a pour objectif d’éviter le retour des enchaînements monétaires, financiers et commerciaux vicieux qui ont conduit le capitalisme au bord du gouffre. Il fallait d’une part donner de stabilité à la relance des flux commerciaux indispensable à la reconstruction et à la croissance des économies occidentales. D’autre part, il fallait permettre aux pays de respecter le cadre afin d’éviter les réactions de repli, le " chacun pour soi " qui avaient suivi la crise de 29 et provoquer l’effondrement économique, social et politique.

    John Meynard Keynes qui conduisait la délégation britannique à BW proposait un plan avant-gardiste basé sur la création d’une monnaie supranationale le Bancor, et une solidarité automatique où les pays excédentaires prêteraient aux pays déficitaires leurs excédents pour financer les déficits courants et maintenir la dynamique des échanges sans devoir recourir à des mesures d’austérité cassant la croissance (Keynes avait qualifié l’or de relique barbare, adverse qu’il était des ajustements aveugles qu’impliquait l’automatisme de l’étalon or). Trop en avance sur son temps et ne permettant pas aux Etats unis de tirer parti de leur hégémonie d’après guerre, c’est le plan White qui en grande partie s’imposa.

    Celui ci reprenait le principe d’un Gold Exchange Standard (GES) ou étalon de change or déjà conçu à Gênes en 1922, mais en y ajoutant des souplesses, des moyens et des institutions permettant aux pays de maintenir les parités sans trop d’efforts (l’influence keynésienne était passé par là). Le souci était l’équilibre à moyen terme des balances courantes et la promotion de la croissance. Les marges tolérées de fluctuations du change, les droits de tirage sur le FMI, la possibilité de dévaluation et de mesures de sauvegarde ainsi que le contrôle des mouvements de capitaux devaient permettre aux pays de mener une politique de croissance nationale avec une contrainte extérieure très relâchée.

    Le cadre de la stabilité des paiements courants étant rétabli, le GATT en 1947 venait compléter l’édifice de la reconstruction des relations économiques internationales. L’abaissement des barrières tarifaires sur lequel se concentrèrent les premiers rounds de négociation commerciales se justifiait pleinement dans un cadre de stabilité des changes sécurisant la valeur des échanges commerciaux, et où les dévaluations compétitives étaient exclues.

    A) Bretton Woods crée les conditions d’un Gold Dollar Standard.

    Les accords de Bretton Woods confèrent au $ une place considérable. Le $ n’est il pas à la fois :

    Sans équivalent, le $ occupera une place centrale dans les transactions internationales qui perdura bien au delà du GES de Bretton Woods.

    B) Le déclin de la convertibilité du dollar.

    La période d’après guerre est marquée dans l’ensemble des pays occidentaux hors Etats unis, par la pénurie de moyens de paiements pour faire face aux besoins de la reconstruction. Après l’échec du retour à la convertibilité de la £ durant l’été 1947, les Etats unis vont contribuer activement à la relance des flux économiques internationaux, inquiets de situation précaire en Europe occidentale. Avec l’aide Marshall, relayée par les dépenses militaires les Etats unis amorcent le circuit des paiements internationaux en injectant des $ qui permettent le paiement des importations et la reconstitution du potentiel économique des nations d’Europe occidentale. Les $ qui sortent des Etats unis y reviennent pour la plupart sous forme d’achats aux entreprises américaines, le reste permettant la reconstitution des réserves de change des banques centrales.

    Dans un premier temps, les excédents courants américains compensent les sorties de capitaux (dons, prêts), le déficit de la balance globale des paiements financé par l’émission de $ sert la croissance des économies capitalistes et le retour progressif à la convertibilité des monnaies (par l’accumulation de $ dans les réserves et de la reconstitution de l’encaisse or). Le retour à la convertibilité des principales monnaies est acquis en 1958. La période de transition terminée, le système de Bretton Woods va désormais fonctionner comme le prévoit les statuts du FMI.

    A la fin des années 50, le contexte de pénurie a pratiquement disparu les nations européennes et le Japon se sont reconstruites et ont reconstitué leurs capacités d’exportations, leurs besoins en $ se réduisent alors que parallèlement les excédents commerciaux américains s’effritent. Dans le même temps les sorties de capitaux des Etats unis ne faiblissent pas aux dépenses militaires (guerre froide et engagement au Vietnam) viennent s’ajouter les investissements des firmes américaines en Europe attirées par la prospérité du vieux continent (cycle de Vernon). Progressivement la pénurie de $ se transforme en excès de $ dans les avoirs de change des banques centrales et des banques privées. Tant que le $ inspire confiance, ces avoirs sont placés dans des compte à terme ou des bon du trésor américain où ils sont rémunérés ce qui n’est pas le cas des avoirs en or. Néanmoins la situation de trésorerie américaine ne cesse de se détériorer, car les engagements américains bien qu’inférieurs avoirs s’accroissent régulièrement (2 milliards en 1960, 10 en 1968, 36 en 1976), tandis que les réserves de métal diminuent peu à peu.

    Les premiers soubresauts du système commencent dès le début des années 60, par des spéculations sur le marché de l’or à Londres, alimentées par l’attitude française inspirée au Général de Gaulle par l’économiste libéral Jacques Rueff, la France menaçant de convertir les avoirs de la Banque de France en $ en or s’opposant ainsi au " déficit sans pleurs " des Etats unis. Selon les accords de Bretton Woods, les Etats unis auraient dû adopter une politique monétaire plus restrictive ou accepter une dévaluation du $ vis à vis de l’or, mais ils se refusèrent à soumettre leur politique économique nationale à des impératifs d’équilibre international alors que leur monnaie était utilisée par le monde entier. Les rapport entre l’or et le $ ne cessèrent de se détériorer malgré les mesures palliatives américaines (taxe d’égalisation des taux d’intérêt, swaps, bons Roosa), la mobilisation de la coopération internationale (pool de l’or, double marché de l’or) et l’ultime parade des DTS permettant l’achat de $ contre DTS par les Etats unis.

    L’attitude américaine vis à vis du déficit de leur déficit de balance globale des paiements apparaît donc comme la cause principale de la fin de la convertibilité du $ et avec elle du système de Bretton Woods. Outre la défiance grandissante vis à vis du dollar, le déficit massif entraîne un gonflement des liquidités en $ qui alimente le marché de l’eurodollar imposant au monde l’inflation, enfin, l’insécurité monétaire croissante favorise la spéculation qui, dans un système de change fixe, est à coup sur déséquilibrante et gagnante. Face aux accusations (en particulier française) de laxisme, les Etats unis refusant pour eux mêmes les mesures que les autres pays doivent s’imposer pour équilibrer leurs balances des paiements courants, les autorités américaines rétorquent que leur déficit sert le développement des autres pays au détriment de leur économie. En particulier, les investissements à l’extérieur transfèrent des technologies, gênent la modernisation de l’industrie américaine, la conséquence en est la dégradation de la compétitivité du pays aggravée par la pratique de plus en plus fréquente du commerce déloyale elle et à imposer aux autres nations une réévaluation de leur monnaie.

    C) Bilan du système de Bretton Woods.

    Avec le recul le SMI de Bretton Woods apparaît comme un système piégé dès le départ, injuste et incohérent.

    Piégé au départ par la sacralisation de l’or, en effet compte tenu de sa place dans le système le $ ne pouvait dévaluer vis à vis de l’or mais la parité de 1934 était trop prétentieuse (les prix américains ont été multipliés par 2,2 entre 1934 et 1966) et à 35$ l’once le prix de l’or est insuffisant pour stimuler la production d’or. Enfin les deux plus importants producteurs d’or étant l’URSS et l’Afrique du Sud, toute réévaluation de l’or statutairement possible était politiquement inconcevable car apparaissant comme un cadeau à ces régimes.

    Injuste car peu de moyens étaient affectés aux pays les plus pauvres qui avaient le plus besoin de crédit (droits en fonction des quotas). Injuste car asymétrique dans les obligations d’ajustement (le " déficit sans pleurs " de l’économie américaine fustigé par Jacques Rueff). Injuste pour les plus vertueux contraints de réévaluer ou d’accepter la création monétaire inflationniste.

    Incohérent, du fait de la divergence des intérêts américains et des intérêts des autres pays, incohérence soulignée dès les années 50 par le dilemme de Triffin. Si le $ est rare, il est solide et recherché mais l’économie mondiale est en crise par manque de liquidités internationales, si le $ est abondant il est faible et l’excès de liquidités internationale entraîne l’instabilité et l’inflation. Dans les deux cas, il n’y a pas de bonne solution.

    II) Les changes flottants : une solution qui arrange tout le monde!

    Dès 1953, Milton Friedman prend la tête de la contestation du système de change fixe. Pour Jean Denizet, le lobby flexibiliste devenu de plus en plus influant dans l’administration américaine et les organisations internationales a largement contribué à imposer les changes flottants entre 1973 et 1975. L’argumentaire en faveur du flottement consiste d’abord à minimiser les risques attribués au flottement et ensuite à développer une argumentation positive sur les " vertus " théoriques du flottement..

    Pour les adversaires du flottement, celui ci risque de ralentir le commerce international par l’accroissement de l’incertitude sur la valeur des monnaies et une marchéisation du change, d’autre part le flottement serait facteur d’inflation par répercussions de la hausse du prix des importations dans les pays à monnaie faible, et à cause de la rigidité des prix à la baisse pour les autres. Pour les flexibilistes, il existe des possibilités de couverture à terme sur les marchés des changes qui sont de nature à neutraliser l’effet possible sur le commerce internationale (malgré le coût supplémentaire de ces opérations). D’autre part, l’inflation des années 60 - 70 est liée à un seul et même facteur le laxisme monétaire des pays occidentaux (les flexibilistes sont pour la plus part monétaristes).

    Mais le flottement possède ses propres " vertus " : le marché fixe le " bon " taux de change et moralise la spéculation, l’équilibre des balances courantes devient automatique et la politique économique retrouve son autonomie.

    A) Un quart de siècle de " non système monétaire international "!

    Quel bilan peut-on établir des accords de la Jamaïque par rapport aux risques prétendus et vertus supposées?

    Tout d’abord la plus part des craintes exprimés par les adversaires du flottement ne se sont pas vérifiées. En effet, tant sur le front du commerce international que celui de l’inflation les résultats ont été inverses que ceux attendus. Croissance continue du commerce international et désinflation ont marqué les années 80-90.

    Par contre les attentes ont été déçues, les déséquilibres de paiements se sont accrus et l’autonomie des politiques économiques a fait illusion.

    Les déséquilibres des opérations courantes se sont aggravés dans les année 80-90. Le déficit américain s’est creusé alors que les excédents européens et japonais ont perduré. A ce non rééquilibrage trois explications : 1) les effets substitution escomptés de la dépréciation n’ont pas joué suffisamment pour effacer l’effet valorisation (mécanisme de la courbe en " J "), 2) l’effet revenu dû au différentiel de croissance des PIB a contrarié l’effet de la dépréciation, 3) la compétitivité structurelle (hors prix) n’est pas modifiée par la dépréciation mais peut s’en trouver renforcée (cercle vertueux de la monnaie forte).

    Les déséquilibres persistants de paiements et l’abondance de liquidités internationales en $ (amplifiée par le marché de l’eurodollar) ont créé les conditions d’une privatisation du financement des déficits des paiements courantes et la naissance d’une économie d’endettement international provoquant l’accumulation de risques financiers facteur de fragilisation du système financier et d’instabilité des mouvements de capitaux. La multiplication des mouvements internationaux de capitaux donne lieu à une logique spéculative qui provoque d’importants écarts entre les valeurs d’équilibre et le cours constaté par le marché (comme le montre les périodes moyenne-longues d’appréciation ou de dépréciation du $).

    Enfin, l’autonomie des politiques économiques a été une illusion de courte durée, le synchronisme des cycles économiques n’a pas disparu montrant que l’interdépendance n’a pas diminué. McKinnon estime même que le flottement a renforcé l’interdépendance économique, les mouvements internationaux de capitaux contrariant les politiques internes, les conjonctures étant liées à la masse monétaire mondiale et ses fluctuations (théorie de la substitution des monnaie). Pour la plus part des pays les politiques économiques sont de plus en plus contraintes par les marchés financiers qui suspendent leurs concours dès les orientations et les résultats ne sont pas conformes à leurs attentes.

    Par ailleurs, l’importance du flottement doit être relativisée dans la mesure où une part importante des monnaies n’est pas flottante mais rattachée d’une façon plus ou moins étroite à un étalon. Ainsi en 1975 seulement 11 monnaies sur 122 étaient réellement flottantes, en 1983 26,1% des pays déclarés au FMI des régimes plutôt flexibles avec les crises de change du milieu des années 90, cette proportion est passée à 55% en 2000. La liberté du choix du régime de change et la fréquence des modifications témoignent de la grande souplesse existante aujourd’hui. C’est sans doute la qualité principale de " non système " qui permet une adaptation aux évènements propre à chaque pays, évènements qui n’ont pas manqué au cours de la fin de siècle.

    B) Y a-t-il un pilote dans le système ?

    Il est très vite apparu que les pays pouvaient difficilement se désintéresser de leur taux de change qu’il était nécessaire d’intervenir sur le marché des changes mais aussi de rechercher la coordination des actions. Les Européens les premiers tentèrent de limiter les fluctuations et d’organiser la coopération entre nations déjà très avancées dans l’intégration commerciale et économique (le serpent, puis le SME de 1979 à 1999, l’Euro ensuite).

    Les sommets des principaux chefs d’état et de gouvernement (G5, G7 et G8) ont progressivement acquis un rôle d’orientation monétaire. Après une période désintérêt pour le cours de leur monnaie (1979-1985), les Etats unis sont revenus à la coopération, les accords du Plazza (1985) et du Louvres (1987) ont marqué cette volonté internationale de piloter le cours des monnaies (en particulier du $). Cependant au début des années 90, les intérêts nationaux ont de nouveau pris le dessus (relation yen-$, tensions au sein du SME), les crises de change dans le s pays émergents à partir du milieu des années 90 ont marqué une nouvelle étape dans la coopération. Celle ci se fait sous la pression des risques systémiques (sommet d’Halifax, 1995) et vise à donner au FMI un rôle plus important.

    La privatisation du financement des déficits de paiements a modifié profondément le rôle du FMI, dont la fonction est essentiellement tournée aujourd’hui vers les PED en difficulté de paiements. Cependant les programmes d’aide et les plans d’ajustement structurel qui les accompagnent ont montré leurs limites (décennie perdue du développement, impopularité lors de la crise asiatique, problème de l’aléa moral et du prêteur en dernier ressort), et rendent de plus en plus importantes les fonctions de surveillance et de prévention du FMI (intervention récente en Turquie et en Argentine lors de " l’effet-tango ", 2001).

    Mise en perspective : L’Euro pourra-t-il un jour concurrencé le $?

    La fin de la convertibilité or du $ aurait pu entraîner le déclin de celui ci, en fait il n’en a rien été bien au contraire les Etats unis libres de toute contrainte ont continué à financer leur déficit par l’émission de $ qui se sont accumulés dans les avoirs des banques centrales et privées. Le premier choc pétrolier a été une aubaine pour le $, son abondance a permis d’amortir ses effets par le recyclage des pétrodollars tout en accroissant le montant des engagements en $ dans le système financier international, enfin la politique monétaire américaine inaugurée par Paul Volcker et poursuivie par Alan Greenspan a rendu de nouveau attractif les avoirs en $. Cependant face à l’instabilité du $ , les banques centrales ont eu tendance à diversifier leurs avoirs de change, la part du $ (» 65%) a décliné au profit du mark (» 13%) et du yen (» 8%) en particulier . Les transactions sur le marché des changes ont suivi la même tendance (en 1995, $= 41,5%, DM= 16,5%, Yen= 12%, £= 5%, FF= 4%). Cependant le mouvement de diversification est limité car ni le mark, ni le yen n’ont une base économique aussi large que le $, d’autre part aucun de deux pays ne souhaitent réellement faire jouer un rôle international à sa monnaie (difficulté de concurrencer les Etats unis et d’assumer les responsabilités d’émission de liquidités internationales).

    L’émergence de l’euro modifie le paysage monétaire dans la mesure où la base économique de l’euro et le taux d’ouverture de sa zone sont comparables aux Etats unis. Potentiellement l’euro pourrait donc se poser comme un concurrent du $. L’enjeu est d’augmenter le poids international de l’euro du poids consolidé des devises qu’il remplace afin d’exercer un rôle comparable au $.

    En tant que monnaie de la première puissance commerciale mondiale, l’euro devrait s’imposer dans les échanges de la zone avec les pays tiers et même dans les échanges de ces pays tiers entre eux. Cependant les habitudes commerciales de fixation des prix et de facturation évoluent lentement (la £ est toujours utilisée pour fixer les prix de certaines matières premières).

    L’accroissement de la taille des marchés en euro, facteur de baisse des coûts de transaction, sera la condition de son développement en tant que pivot des opérations de change afin de concurrencer le $ dans son rôle de monnaie véhiculaire. L’absence de la Grande Bretagne dans la zone euro est un handicap pour le développement de l’euro dans la mesure où Londres est la première place de change mondiale et la City le moteur de l’innovation financière.

    Le développement du rôle de monnaie de réserve dépendra du succès dans les deux autres domaines et sera influencé par la place des actifs en euro dans les portefeuilles donc des rendements et des anticipations sur la monnaie unique européenne.

    La montée de l’euro ne pourra donc être que très progressive, d’autant que la domination du $ tient également à une prépondérance politique et culturelle des Etats unis dont le $ véhicule l’image, ce qui est loin d’être le cas de l’Europe et de l’euro. Reste à savoir s’il est souhaitable de voir se former un duopôle monétaire (voire une triade avec le yen), l’expérience de la concurrence des centre or durant l’entre deux guerres fut loin d’être concluante pour la stabilité économique et politique du monde. Une telle situation si elle existe un jour exigera un renforcement de la coopération internationale et de la coordination des politiques économiques.

     

    Dates : Le SMI depuis 1945, une histoire tourmentée

    I) Un ordre issu de la guerre.

    1944 : /07 Conférence et Accords de Bretton Woods.

    1947 :01/03 Début des activités financières du FM.I. 15/07Retour de la livre sterling à la convertibilité. 20/08 Echec de la convertibilité de la livre sterling. Début de l’aide Marshall.

    1948 : Réforme monétaire allemande, création du Deutschemark avec une très forte dévaluation, statut d’indépendance de Bundesbank .

    1949 : Réalignement des monnaies vis à vis du dollar.

    1950 : Création de l’Union Européenne des Paiements (UEP).

    1955 :01/07 :Accord Monétaire Européenne (AME), réduction des fluctuations à 0,75%

    1957 : restriction par le gouvernement anglais sur les prêts en sterling aux non résidents, les banques anglaises recourent au dollar.

    1958 : Retour à la convertibilité des monnaies européennes, dévaluation du franc français par Antoine Pinay (20%). Réglementation Q: la rémunération des comptes à terme est plafonnée aux Etats unis, nouvel élan aux eurodollars.

    II) Les ratés du système (1960-1973).

    1960 :20/10 Début d’une spéculation or/$ à Londres.

    1962 : /01 Création du Pool de l’or.

    1963 :Création d’une taxe sur les emprunts aux Etats unis

    1967 : La France quitte le pool de l’or. Dévaluation de la Livre sterling, plan de sauvetage au FMI.

    1968 :Deuxième spéculation or/$. /03 Suppression du pool de l’or, instauration du double marché de l’or.

    1969 :1/08 Dévaluation " sauvage " du franc français. 09/10Création des premiers Droits de Tirage Spéciaux (DTS). /10 Réévaluation du Mark (9.3%).

    1971 : /05 Le Deutschemark flotte. 15/08 Suspension de la convertibilité du $. 18/12 Accord de Washington : dévaluation du $ (7,98%), élargissement des marges de fluctuation à ± 2,25%.

    1972 : Premier contrat à terme sur devise à la bourse de Chicago. 12/04 Accord de Bâle sur la création du serpent monétaire européen : contrôler les variations des monnaies européennes vis à vis du $.

    1973 :Spéculation contre le dollar. 14/02 Seconde dévaluation du dollar (10%). 19/03 Flottement généralisé des monnaies, les européens cessent de soutenir le $./10 Premier choc pétrolier.

    III) Le temps des turbulences monétaires (1974-2001).

    1974 : 21/01 Le franc français quitte le serpent.

    1975 : /03 Retour du franc dans le serpent.

    1976 : /01Accords de la Jamaïque (abandon des parités fixes, banalisation du rôle de l’or, promotion du DTS). 15/03 Le franc quitte à nouveau le serpent.

    1978 : Nouvelle spéculation à la baisse du $.

    08/07 Conférence de Brême, Création du Système Monétaire Européen.

    /11 Plan de sauvetage du $, deuxième allocation de DTS.

    1979 :13/03 Entrée en vigueur du SME, 1 DM = 2.30 FF. 24/09 Réévaluation du DM (+ 2%) 1 DM = 2,35568 FF. /10 Nouvelle politique monétaire américaine menée par Paul Volker.

    1980 : Election de Ronald Reagan, début de la forte appréciation du $

    1981 : /07$ à plus de 6 FF. 05/10 Réalignement général au sein du SME (DM +5.5%, FF -3%).

    1982 :14/06 Deuxième réalignement général dans le SME (DM +4.25%, FF -5.5%). /08 Crise de la dette au Mexique, dollar à 7 FF.

    1983 : 22/03 Troisième réalignement général dans le SME (DM +5.5%, FF -2.5%).

    1985 :26/02 Le $ vaut 10.61 FF record absolu. 22/07Réalignement général dans le SME, toutes les monnaies réévaluées de 2% sauf la lire italienne (-6%).22/09 Réunion du G5 à Washington, Accords du Plaza sur la baisse concertée du $.

    1986 : 26/02 le $ vaut 6.93 FF. 07/04réalignement général dans le SME (DM +3%, FF -3%), 1 DM = 3.18FF, 1$ = 7.65 FF. 10/10 Accord Etats unis - Japon sur la stabilisation du cours $/Yen.

    1987 :12/01 Réévaluation du Mark et du Florin (+ 3%), suite à une baisse accélérée du $. 02/02 Accords du Louvre pour stabiliser les changes. 11/10 Crise boursière internationale, les autorités réagissent en injectant des liquidités.

    1989 :19/06 La pesata rejoint le SME.

    1990 :02/07 Libération des mouvements de capitaux dans le CEE. /04Le G7 décide la gestion concertée de l’appréciation du Yen, début de l’Endaka. /10La livre entre dans le SME, réunification de l’ALLemagne

    1992 :07/02 Signature du traité de Maastricht instituant l’Union européenne et prévoyant l’Union Economique et Monétaire au plus tôt en 1997 au plus tard en 1999

    06/04 L’escudo entre dans le SME. /09 Crise de change sur les monnaies européennes, la livre et la lire quittent le SME, la peseta et l’escudo dévaluent (6%). Effondrement du Nikkei à Tokyo, éclatement de la bulle spéculative

    1993 :Nouvelle crise de change sur le SME et dévaluations livre irlandaise (10%), peseta (8%) et escudo (6.5%). 02/08 Elargissement des marges de fluctuations au sein du SME à ± 15%

    1994 : /12 Krach mexicain (dévaluation du peso, fuite de capitaux, contagion aux pays émergents, plan de sauvetage du FMI) .

    1995 :Doublement des ressources mobilisables par le FMI. /12 Le nom de Euro est choisi pour la monnaie unique européenne

    1997 : /07 Crise monétaire et financière asiatique (Thaïlande, Corée du Sud Philippines, Indonésie...), aide d’urgence du FMI

    1998 : /05 11 pays sont qualifiés pour l’Euro au 1/1/99

    /07 Entrée en vigueur de la Banque Centrale Europe présidée par le néerlandais Wim Duisemberg. /08 Crise monétaire en Russie, effondrement du rouble, intervention du FMI

    1999 : 01/01 Lancement de l’Euro scriptural, toutes les opérations financières basculent en Euro et les transactions hors zone, 1 euro = 1.17$. 22/01 Relèvement de 45% des quotas au FMI

    2001 : Interventions préventives du FMI en Turquie et en Argentine

    2002 : 01/01 Mise en place de la circulation fiduciaire de l’Euro