Peut-on parler d'une rupture de tendance du progrès technique ?

Sommaire

Un capital plus efficient dans les branches industrielles
Net ralentissement de la productivité du travail
La productivité du travail pèse sur la productivité globale
Références

par Laurent Bouscharain, Mahmoud Jlassi.

Si certains expliquent la faiblesse des taux de croissance observés en Europe et notamment en France au début des années quatre-vingt-dix par des chocs de demande, d'autres plus pessimistes soutiennent qu'il s'agit d'un ralentissement du progrès technique. Cette dernière explication est-elle pertinente ? Pour répondre à une telle interrogation, il convient de prendre un certain nombre de précautions méthodologiques. Comment mesurer la productivité du capital ? Dans quelle mesure l'âge du matériel a-t-il des effets sur la productivité ? Comment a évolué la productivité du travail et a fortiori la productivité globale des facteurs appelée souvent "résidu de Solow" ?

L'analyse est menée dans le cadre comptable de la décomposition du "résidu de Solow", sensé mesurer le progrès technique et souvent appelé productivité globale des facteurs - PGF( 1 ). Le terme de "progrès technique" est un abus de langage : le résidu de Solow mesure autant les effets des progrès de la technique que ceux des efforts d'organisation, des économies d'échelle, etc., et des erreurs de mesure. Ce cadre d'analyse permet de mesurer les rôles respectifs du facteur travail et du facteur capital ainsi que les contributions sectorielles dans l'évolution de la PGF.

Un capital plus efficient dans les branches industrielles

Hormis de courts épisodes, la productivité (apparente) du capital baisse sur l'ensemble de la période (graphique 1). Les années 1990-1997 se distinguent des précédentes par la nette reprise de la productivité dans les branches industrielles tandis que les branches tertiaires voient se prolonger cette baisse. On remarque le caractère pro-cyclique de la productivité apparente du capital. Ceci montre les limites de la correction des effets cycliques fondée sur le taux d'utilisation des capacités de produc- tion, même dans les branches industrielles pour lesquelles elle est a priori la plus précise.

Tableau 1. Rupture de tendance de la valeur ajoutée plus marquée dans le tertiaire

(taux de variation annuel moyen)

  1975-1990 1990-1997(1)
Ensemble des branches 2 à 34 2,6 1,0 (1,4)
Branches manufacturières 1,8 1,1 (1,5)
Branches tertiaires 3,5 1,3 (1,8)

(1)Entre parenthèses le taux de croissance moyen obtenu en neutralisant l'année 1993.

La baisse du taux de croissance du stock de capital et la remontée du taux de croissance de la productivité du capital après 1990 sont des phénomènes communs à toutes les branches industrielles (sauf "Caoutchouc plastiques", "Textile habillement" et "Parachimie, pharmacie").

La branche "services marchands aux entreprises" présente une forte accélération de la baisse de la productivité du capital et imprime ce mouvement au secteur des services. Cette situation est gênante, car la mesure de la production et du capital est probablement très médiocre dans cette branche. D'une part, le partage volume - prix pour les services est particulièrement difficile. D'autre part, on peut supposer que le capital y est assez largement composé de machines liées à l'informatique et aux télécommunications dont la mesure des prix pose des problèmes. Enfin la diversité des activités de cette branche (intérim et ingénierie par exemple) rend difficile l'interprétation de l'évolution du capital. Il convient donc de relativiser fortement la baisse apparente de la productivité du capital dans le secteur tertiaire dans la période récente.

1. Le champ de l'étude

Il est constitué des branches 2 à 34 de la nomenclature NAP40 (nomenclature d'activités et de produits) : le secteur marchand hors agriculture, immobilier et services financiers.

On distinguera, dans l'étude, quatre niveaux d'agrégation :

- le niveau T, le plus désagrégé, avec 30 branches, le commerce (branches T25 à T28) étant agrégé en une seule branche (1) ;

- le niveau U, regroupement des branches en 9 "secteurs" (2) ;

- le niveau formé du "secteur manufacturier", regroupement des branches à caractère industriel (U4 à U6), et du "secteur tertiaire", regroupant pour l'essentiel les branches de services (U8 à U10). Le reste du champ comporte les activités agroalimentaires, l'énergie et le bâtiment ;

- enfin le niveau "ensemble", le plus agrégé.


( 1) En outre les branches T15A ("Matériels électriques professionnels") et T15B ("Equipements des ménages") sont, elles aussi, réunies en une seule branche.

( 2) (2) Le terme "secteur" désigne simplement un regroupement de branches. Il ne doit pas être entendu ici dans le sens que lui donne la Comptabilité nationale (regroupement d'activités).

2. La mesure des facteurs

Les données utilisées dans cette étude émanent de la Comptabilité nationale. Les séries de taux d'utilisation des capacités sont issues de l'enquête trimestrielle sur l'activité dans l'industrie (INSEE).

Les données de production sont corrigées des évolutions des prix et sont exprimées en francs 1980.

Les données relatives au capital sont aussi évaluées par la Comptabilité nationale en francs 1980. Elles portent sur le capital installé et non sur le capital utilisé, ce qui rend pertinente une correction conjoncturelle de l'intensité de l'utilisation du capital. Le capital pris en compte dans cette étude est donc le capital brut de la Comptabilité nationale corrigé du taux d'utilisation des capacités de production (TUC). Dans les branches de l'industrie manufacturière, on utilise le taux d'utilisation de chaque branche tiré de l'enquête trimestrielle sur l'activité dans l'industrie. On ne dispose pas de taux d'utilisation des capacités de production pour les branches tertiaires. On applique donc le TUC moyen de l'ensemble de l'industrie TUCt au capital des branches non industrielles (K b) : Kb´TUCt

Les données d'emploi sont exprimées en heures travaillées pour tenir compte des fluctuations liées aux heures supplémentaires par exemple. En effet, une mesure d'emploi en nombre d'individus serait plus rigide. Une meilleure mesure du facteur travail agrège les heures en tenant compte des différences de qualification. En faisant l'hypothèse que les niveaux de salaires relatifs reflètent les écarts relatifs de productivité, on peut écrire le nombre d'heures en "équivalent non qualifié" :

où Li désigne le nombre d'heures de la qualification i (avec i = 1 pour les non-qualifiés) et W i le salaire horaire moyen sur la période de qualification i.

Graphique 1. Taux de croissance de la productivité (apparente) du capital

(en %)

L'effet de l'âge sur la productivité du capital est ambigu. La hausse de la productivité entre les deux sous-périodes s'accompagne aussi bien d'un rajeunissement du capital (sept branches) que de son vieillissement (seize branches). L'incorporation du progrès technique semble donc faible. Il faut remarquer toutefois que les variations de l'âge moyen restent relativement limitées (supérieures à neuf mois pour neuf branches sur trente), ce qui réduit les chances d'observer des effets significatifs de l'âge moyen du capital sur sa productivité.

3. Le modèle d'analyse de la productivité globale des facteurs

La productivité globale des facteurs (PGF) est mesurée par le coefficient gtd'une équation de production :

selon un formalisme proposé par Solow (1957) et illustré, dans le cas de la France, par l'étude de Dubois, Carré et Malinvaud (1972). g mesure ce que la seule croissance des facteurs de production ne permet pas d'expliquer dans la croissance du produit. On a utilisé une fonction de production de type Cobb-Douglas à rendements unitaires :

Le coefficient a désigne l'élasticité du niveau de production par rapport au facteur travail. Deux approches sont possibles pour l'estimer. Soit on obtient le coefficient a - et également la PGF g - en estimant la fonction de production soit on postule que l'économie fonctionne de façon suffisamment concurrentielle (1) pour qu'on puisse considérer, qu'en moyenne, a correspond à la part du travail dans la rémunération des facteurs. Il s'agit là d'une détermination comptable de la PGF, retenue dans cette article.

On montre que g peut s'écrire comme une moyenne pondérée des évolutions de la productivité apparente du travail et de celle du capital :

Dans l'approche comptable, la détermination de g dépend beaucoup de la qualité de la mesure de la productivité du capital et du travail - c'est-à-dire de la production et des quantités de facteurs L t et Kt. Les corrections de Lt et Kt sont présentées dans l'encadré 2. On prend aussi en compte l'âge moyen du capital. On utilise finalement l'équation :

où : a(t) note l'âge moyen du stock de capital ; d est un paramètre ; L it désigne le nombre d'heures de la qualification i (avec i = 1 pour les non-qualifiés) ; w i note le salaire (horaire) moyen sur la période de la qualification i ; TUC t désigne le taux d'utilisation des capacités.


( 1) Cette hypothèse assure que les facteurs sont rémunérés à leur productivité marginale.

Tableau 2. Taux de croissance annuel du stock de capital (1) et de la productivité du capital (2)

(en %)

  Stock de capital Productivité du capital Âge du capital matériel
1975-1990 1990-1997 1975-1990 1990-1997 1975-1990 1990-1997
U02 : industrie agroalimentaire 2,4 1,0 -1,7 1,9 7,9 8,1
U03 : énergie 2,7 0,4 -1,6 2,0 8,6 7,4
U04 : biens intermédiaires 1,5 0,4 -0,8 1,0 8,3 8,1
dont caoutchouc, plastiques (T23) 2,2 2,5 -0,6 -1,3 8,7 7,6
U05 : biens d'équipement 4,0 2,0 -2,3 1,0 7,9 8,4
U06 : biens de consommation courante 2,3 1,5 -1,4 -0,6 9,3 9,6
dont parachimie, pharmacie (T12) 4,6 4,1 -0,3 -0,9 7,5 7,7
dont textile, habillement (T18) 0,2 -0,5 -1,6 -1,6 10,8 11,0
U07 : bâtiment, génies civil et agricole 1,6 -0,8 -0,6 -0,6 6,3 6,5
U08 : commerce 3,8 2,4 -1,6 -0,9 7,2 8,6
U09 : transport et télécommunications 3,2 1,5 1,6 2,0 4,7 5,6
U10 : services marchands 6,0 7,0 -2,5 -4,7 6,8 6,9
dont services marchands entreprises (T33) 6,2 9,5 -2,1 -7,1 7,1 6,4
Secteur manufacturier 2,4 1,1 -1,1 0,8 8,4 8,5
Secteur tertiaire 4,2 3,8 -0,9 -1,6 4,3 6,7
Autres secteurs 2,4 0,3 -1,8 0,4 7,6 7,3
Ensemble 3,2 2,3 -1,2 -0,4 7,4 7,7

(1)Capital installé .

(2)Calculé après correction du taux d'utilisation des capacités de production.

Graphique 2. Poids des qualifications dans le volume d'heures annuel (1)

(en %)

(1)Actifs de niveau baccalauréat ou études supérieures.

Source : Enquêtes emploi, INSEE.

Net ralentissement de la productivité du travail

Le volume de travail (en nombre d'heures travaillées) a peu varié sur l'ensemble de la période étudiée. Mais, sous cette apparente stabilité, la structure par qualification du facteur travail s'est considérablement modifiée. La part du personnel qualifié dans la main-d'oeuvre n'a pas cessé de croître (graphique 2). Il faut tenir compte de cette évolution dans la mesure du volume de travail puisque l'accroissement de la qualification correspond à une amélioration de l'efficacité des heures travaillées, si l'on en croit les différences de salaires.

La prise en compte de l'accroissement de qualification de la main-d'oeuvre modifie sensiblement les évaluations de productivité du travail : le passage à un volume exprimé en équivalent non qualifié accroît le nombre d'heures et donc diminue le niveau de productivité du travail. Or, le volume observé et le volume corrigé des qualifications ne cessent de diverger sur l'ensemble de la période (graphique 3). L'utilisation d'un volume corrigé va ainsi conduire à une baisse prononcée de la productivité du travail sur la période 1990-1997 relativement aux années précédentes (une baisse de 2,4 points au lieu de 1,3 point).

De façon générale, cette correction a pour effet d'accentuer fortement une baisse du taux de croissance de la productivité moyenne du travail (entre les deux sous-périodes analysées ici) que le calcul fondé sur le volume d'heures observé met déjà en évidence (tableau 3). Les branches "Verre" et "Fonderie" sont les seules où le passage à un équivalent non qualifié inverse le sens d'évolution de la productivité. Quelques branches présentent une accélération de la productivité du travail, mais ces évolutions constituent des cas particuliers( 2 ).

La productivité du travail pèse sur la productivité globale

De manière générale, la productivité globale des facteurs ralentit entre 1975-1990 et 1990-1997, même si la prise en compte de l'année 1997 réduit ce ralentissement. Dans le secteur tertiaire, le ralentissement est très net au point de mener à une baisse de la productivité sur 1990-1997. Dans le secteur manufacturier, en revanche, le ralentissement de la productivité du travail est plus que compensé par les progrès de la productivité du capital. La productivité globale des facteurs du secteur manufacturier progresse donc dans les années 1990-1997 au rythme moyen annuel de 1,5 % par an.

Tableau 3. Net ralentissement de la productivité apparente du travail (1)

  Hyp. 1(2) Hyp. 2(3)
1977-1990 1990-1997 1977-1990 1990-1997
U02 : industrie agroalimentaire 0,0 3,1 1,5 1,8
U03 : énergie 3,9 2,7 2,8 0,7
dont combustibles miné-
raux solides (T04)
1,4 9,7 2,4 6,9
U04 : biens intermédiaires 4,1 2,9 3,4 1,4
dont verre (T10) 3,8 3,6 3,0 2,6
dont fonderie (T13) 3,0 3,2 2,6 1,9
U05 : biens d'équipement 4,2 4,1 3,0 2,4
U06 : biens de consommation courante 3,7 3,3 2,9 1,4
U07 : bâtiment, génies civil et agricole 3,3 0,4 2,9 0,8
U08 : commerce 1,7 0,5 1,1 -1,5
U09 : transport et télécommunications 4,5 2,9 3,9 2,0
U10 : services marchands 2,2 -0,1 2,0 -2,2
dont réparation et com-
merce automobile (T29)
1,4 -1,1 0,8 -1,8
Secteur manufacturier 4,0 3,5 3,1 1,8
Secteur tertiaire 2,6 0,9 2,1 -0,9
Autres secteurs 2,9 2,0 2,8 1,5
Ensemble 3,3 2,0 2,8 0,4

(1)Taux de croissance annuel (en %) de la productivité du travail.

(2)Hypothèse 1 : sans correction de la qualification de la main-d'oeuvre.

(3)Hypothèse 2 : avec correction de la qualification de la main-d'oeuvre.

Le calcul des contributions montre que l'évolution d'ensemble de la productivité globale des facteurs est largement imputable aux branches tertiaires. Cette baisse du rythme de productivité globale des facteurs est légèrement relayée par le secteur manufacturier et directement freinée par l'évolution des secteurs de l'agroalimentaire et du bâtiment. Une analyse plus détaillée montre les contrastes d'une branche à l'autre : les gains de productivité sont assez homogènes dans de nombreuses branches industrielles (l'agroalimentaire et l'énergie par exemple), alors que les écarts au sein des branches tertiaires sont plus importants. En particulier, la productivité globale des facteurs dans la branche "services marchands aux entreprises" se dégrade fortement. Cette évolution explique un peu plus de la moitié du mouvement d'ensemble de la productivité globale des facteurs dans l'ensemble de l'économie marchande. Un cinquième de cette contribution( 3 ) correspond au poids croissant pris par cette branche dans l'économie, dans le cadre du mouvement d'externalisation de fonctions - souvent à faible productivité - des branches industrielles vers le tertiaire. Les incertitudes déjà évoquées précédemment incitent à considérer cette évolution avec prudence : sur l'ensemble des autres branches, en dehors des services aux entreprises, la diminution de la croissance de la productivité globale des facteurs n'est plus que de 0,6 point.

La correction par les qualifications modifie assez sensiblement les résultats. Nous présentons donc l'évaluation avec double correction dans le tableau 4.

Ce tableau montre que les variations intrabranches( 4 ) (imputables aux seules variations "individuelles") dominent les variations interbranches (correspondant à la variation induite par le changement de la structure de l'économie, c'est-à-dire du poids relatif de chacune des branches). Elles rendent compte de plus des trois quarts de la variation d'ensemble de la productivité globale des facteurs.

Graphique 3. Volume observé et volume d'heures équivalent non qualifié

(en millions d'heures)

Source : Enquêtes emploi, INSEE.

Ces évolutions attestant une apparente rupture durant la décennie 1990 (perte comprise entre 0,6 % et 0,9 % en rythme annuel de productivité globale des facteurs) doivent être considérées avec prudence puisque cette période correspond à une phase basse du cycle. Les rigidités d'ajustement des inputs peuvent en effet expliquer la décélération de la productivité globale des facteurs observée, comme en témoigne le graphique 4. De fait, l'année 1993 à elle seule contribue pour 0,25 point à la baisse du rythme annuel moyen de la PGF.

Graphique 4. Lien entre productivité et cycle d'activité (1)

(en %)

(1)Taux de croissance annuel de la PGF et de la valeur ajoutée du secteur ENFNA (entreprises non financières et non agricoles).

Source : Enquêtes emploi, INSEE.

Tableau 4. Évolution du rythme annuel de PGF

  Taux de croissance
moyen annuel de la PGF
Contribution...
1977-1990 1990-1997 ... totale
des branches
... des variations
interbranches
T02 : viande, lait 0,4 2,2 -14,4 3,4
T03 : autre agroalimentaire -0,3 1,6 -44,9 1,2
U02 : industrie agroalimentaire 0,0 1,8 -57,4 4,2
T04 : combustibles minéraux solides 10,4 5,0 10,8 4,3
T05 : pétrole, gaz naturel -2,3 1,4 -74,8 5,1
T06 : électricité, gaz, eau 2,0 1,5 8,7 -3,8
U03 : énergie -0,3 1,6 -83,1 3,1
T07 : minerais et métaux ferreux  
T08 : minerais et métaux non ferreux 0,1 1,5 -5,3 1,9
T09 : matériaux de construction 1,1 -0,4 13,1 -0,8
T10 : verre 1,9 2,3 0,2 1,4
T11 : chimie de base, fibres 3,4 2,6 17,6 8,3
T13 : fonderie 1,2 1,4 -1,3 0,9
T21 : papier, carton 1,0 -1,4 14,2 -0,9
T23 : caoutchouc, plastiques 1,4 -0,8 20,0 -0,1
U04 : biens intermédiaires 2,1 1,3 73,6 13,9
T14 : constructions mécaniques 1,5 0,4 27,5 1,2
T15 : matériels électriques professionnels,
équipements des ménages
2,1 5,1 -71,6 19,9
T16 : automobiles, matériels de transports terrestres 0,1 -1,0 19,2 -1,7
T17 : construction navale, aéronautique, armement 2,6 -0,5 29,3 -0,9
U05 : biens d'équipement 1,6 2,1 -18,6 21,8
T12 : parachimie, pharmacie 2,5 1,7 6,3 -3,3
T18 : textile, habillement 2,0 0,2 29,6 1,0
T19 : industrie du cuir, chaussure -0,4 -0,6 -0,1 -0,6
T20 : bois, meuble 1,2 0,3 11,7 0,5
T22 : imprimerie, presse, édition -0,5 -0,9 5,1 1,0
U06 : biens de consommation courante  1,6 0,8 50,8 3,7
T24 : bâtiment, génies civil et agricole 1,8 0,3 101,8 3,1
U07 : bâtiment, génies civil et agricole 1,8 0,3 101,8 3,1
T25-28 : commerce -0,3 -1,3 120,0 -2,5
U08 : commerce -0,3 -1,3 120,0 -2,5
T31 : transports 1,6 0,9 31,0 2,9
T32 : télécommunications, poste 4,9 3,3 32,2 -7,2
U09 : transport et télécommunications 3,0 1,9 69,7 1,9
T29 : réparation, commerce automobile -0,9 -2,4 31,1 5,6
T30 : hôtels, cafés, restaurants -2,5 -2,7 23,1 16,7
T33 : services marchands aux entreprises 1,2 -3,9 526,7 93,8
T34 : services marchands aux particuliers -1,0 -3,0 145,6 36,9
U10 : services marchands -0,3 -3,5 743,1 156,9
Secteur manufacturier 1,8 1,5 105,8 39,4
Secteur tertiaire 0,6 -1,1 932,9 156,4
Autres secteurs 1,1 1,1 -38,7 10,4
Ensemble 1,4 0,1 1 000 206,2

Les deux premières colonnes donnent le taux de croissance moyen annuel de la PGF pour chaque sous-période (en %).
La troisième colonne donne la contribution des secteurs en millièmes de l'écart entre les rythmes tendanciels de la productivité globale des facteurs entre les deux périodes.
La quatrième colonne donne la variation interbranches en millièmes de l'écart entre les rythmes tendanciels de la productivité globale des facteurs entre les deux périodes (cf. encadré n o 4).

4. Contribution à la variation de la productivité globale des facteurs

Dans le cadre du modèle adopté, il est facile de vérifier que, pour chacune des deux sous-périodes, le taux de croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) peut s'écrire comme la moyenne des taux de croissance de la PGF des branches pondérées par leur poids dans la valeur ajoutée totale (moyen sur la période)

, où B désigne l'ensemble des branches. iÎBLes poids qi changent entre les deux sous-périodes, de sorte qu'on a (1) :

On en déduit la contribution de chaque branche à la variation du taux de croissance de la PGF, g. Une contribution positive (respectivement négative) indique que la PGF de la branche évolue dans le même sens que (respectivement dans un sens opposé à) la PGF d'ensemble.

Le membre de droite fournit une décomposition de la variation du taux de PGF en une variation intrabranches (premier terme), c'est-à-dire la variation de la PGF d'ensemble imputable aux seules variations "individuelles" et une variation interbranches (second terme), correspondant à la variation induite par le chargement du poids relatif de chacune des branches.


( 1) Le membre de droite s'interprète comme la somme d'un effet "intra" et d'un effet "inter" sur la variation du taux de croissance de la PGF (voir Bernard, Jones, 1996).

Calculée sur les périodes 1975-1990 et 1990-1997, la PGF en France décélère nettement quels que soient les procédés utilisés pour corriger les facteurs : son rythme moyen annuel perd 1,4 point. Les modifications de structure de l'appareil de production n'ont dans cette évolution qu'une contribution relativement faible (20 % environ). C'est bien au ralentissement dans les branches qu'il faut imputer ce phénomène, et, en particulier, au ralentissement dans les branches des services marchands : celles-ci contribuent pour les trois quarts au ralentissement constaté.

Cependant ce constat est fragile pour deux raisons. En dépit de la correction effectuée sur l'intensité d'utilisation des facteurs de production, censée capturer l'effet du cycle économique, la productivité garde un caractère cyclique. La mesure est de fait très sensible aux dates choisies : l'ampleur du ralentissement est réduite de 0,2 point environ si l'on élimine des calculs l'année 1993. Ensuite, la majeure partie du phénomène est imputable à la branche "services aux entreprises" pour laquelle on suppute des problèmes de mesure relativement plus graves que pour les autres secteurs. Une fois neutralisé l'impact des services aux entreprises, le taux moyen de croissance de la PGF diminuerait de 0,7 point.

Compte tenu de ces incertitudes, la part structurelle du ralentissement serait au plus de 0,5 point. Par ailleurs, les évolutions mesurées sur les années quatre-vingt-dix coïncident avec la mise en oeuvre de mesures d'allégement du coût du travail en faveur des non-qualifiés. Les effets de celles-ci sont imparfaitement prises en compte dans ce cadre d'analyse. Il est donc assez difficile de parler de manière assurée de ralentissement du "progrès technique" et, a fortiori d'en faire un facteur d'un ralentissement du rythme tendanciel de la croissance.

Références

Ce que Problèmes économiques a publié récemment sur le sujet :


( 1) Cf. l'encadré 3.

( 2) La branche "Combustibles minéraux solides" (T04) en particulier ; mais cette évolution n'est pas réellement interprétable, du fait de la signification tout à fait particulière de la masse salariale dans cette branche : elle correspond à des engagements contractuels spécifiques (préretraites, prestations du régime spécial des mines, etc.) et non à un partage de la valeur ajoutée courante (ceci explique que la part du travail dans la rémunération des facteurs soit supérieure à 1).

( 3) Cf. la colonne "variations interbranches" du tableau 4 : 9,4 points sur 53.

( 4) Le calcul de ces contributions est expliqué en encadré n° 4.

Problèmes économiques, n° 2607 (10/03/1999)
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Auteurs : Laurent Bouscharain, Mahmoud Jlassi, division croissance et politiques macroéconomiques, INSEE.
Article original : "Peut-on parler d'une rupture de tendance du progrès technique ?".
Source : Note de conjoncture de l'INSEE, décembre 1998 ; 18, boulevard Adolphe-Pinard, 75675 Paris Cedex 14, tél. 01 41 17 66 11, internet : www.insee.fr