LES LANGUEURS DE L' INDUSTRIALISATION EN FRANCE

F. Caron :" A la fin du XIX siècle, 'La France est un grand pays industriel faiblement industrialisé".

PLAN DU CHAPITRE

Introduction : La singularité de la Croissance Française au 19ème siècle, à la recherche d'un "take off".

1 - Les progrès agricoles et la première industrialisation.

11. Le développement agricole.

111. Les tendances générales.

1111. Un retard structurel sur le 18ème.

1112. La persistance du poids de l'économie agricole.

112. Les étapes de la croissance agricole.

113. La politique agricole de la France jusqu'en 1914.

12. Les débuts de l'industrialisation.

121. Les industries motrices dans la l ère phase d'industrialisation.

1211. L'industrie textile.

1212. L'industrie sidérurgique.

122. Le retard de la France dans le développement industriel.

1221. Les facteurs favorables.

                        12211. Les aspects institutionnels et juridiques.

            12212. Les aspects scientifiques et techniques.

1222. Les Facteurs défavorables au développement.

          12221. L'évolution démographique.

12222. L'insuffisance de ressources naturelles.

12223. L'épargne et l'investissement.

12224. Le protectionnisme et l'instabilité politique

2. Les caractéristiques de la croissance Française jusqu'en 1914.

21. Les rythmes de croissance et les industries motrices.

211. 1800-1840 Le textile.

212. 1850-1880 Le chemin de fer.

213. 1890-1913 La 2ème révolution industrielle et l'acier.

22. Les traits particuliers de l'appareil productif français.

221. La prospérité industrielle est restée longtemps liée à la prospérité agricole

2211. à Long Terme.

2212. à Court Terme les crises

22121- Les crises d'ancien régime

22122- Les crises mixtes

221221 - La datation des crises mixtes

221222 - Un exemple de crise mixte : la crise de 1848

222. Une production diversifiée de qualité plutôt qu'une production de masse.

223. Une forte dispersion des entreprises - faible concentration.

23. Les aspects monétaires et financiers.

231. Stabilité et évolution de la monnaie.

2311. Du bimétallisme au monométallisme.

2312. Le développement de la monnaie papier.

2313. Les progrès plus timides de la monnaie scripturale.

232. L'évolution du système bancaire, une spécialisation tardive.

2321. Jusqu'en 1830-1850 : la prédominance de la haute banque.

2322. 1&30-1850 : Age héroïque de quelques aventuriers de la finance.

2323. à partir de 1850 : l'apparition des nouvelles banques.

2324. Une spécialisation tardive du système bancaire vers 1880.

24. Les échanges extérieurs.

241. La balance commerciale.

242. La balance des paiements courants

25. La question sociale

251. La naissance du droit du travail.

252. Les débuts du syndicalisme ouvrier.

Conclusion : Un modèle français de développement au XIX siècle.

 

 

 

 

 

 LES LANGUEURS DE L'INDUSTRIALISATION EN FRANCE

Introduction :

La singularité de la croissance Française au XIX, à la recherche d'un "Take off".

    Dès 1921, l'historien Anglais J.H Clapham avait opposé la lenteur du développement graduel et presque insensible de l'économie Française au caractère rapide et brutal de la croissance allemande. Depuis cette date, les comparaisons de l'économie Française avec ses voisines ont été reprises bien des fois.

    On a longtemps admis l'idée d'un retard et d'une inadaptation de l'économie Française, à cause d'eux, la France aurait été distancée progressivement par les autres puissances. Cette conception traditionnelle a été remise en question récemment. François Crouzet a montré qu'en tenant compte du revenu national par tête ; depuis le début du 18ème siècle jusqu'à 1914, la France a connu un taux moyen de croissance très proche de celui de la Grande Bretagne : 1,3 % pour la G.B., 1,2 % pour la France. Dans le seul domaine industriel, les taux de croissance par tête seraient de1,5 % pour la G.B., 1,4 % pour la France.

    Que signifie cette croissance moyenne ? Sur une très longue période, y a t il eu comme en G.B un départ brusque et spectaculaire ou au contraire, l'évolution s'est elle accélérée progressivement ?

    La réponse est nuancée : il faut admettre que l'économie Française a évolué par phases alternées - d'accélération, de ralentissement, voire de stagnation et de recul.

  Produit National en millions de francs Taux de croissance annuel
1825 9100  
1835 10270 1.2
1847 13586 2.4
1859 19400 3.0
1872 22173 1.0
1882 26422 1.8
1892 26129 0.0
1898 30181 2.4
1909 38170 2.2

    Mais les contradictions surgissent, quand il faut délimiter chronologiquement ces phases.

a) On sait que la révolution de 1789 a commencé non dans la misère mais selon le mot de Jaurès, dans une France "éclatante de richesse", dont l'évolution et l'enrichissement avait seulement connu quelques ralentissements depuis 1770. L'un des signes de prospérité était le montant global du commerce extérieur, qui égalait celui de la Grande Bretagne. Toutes les études historiques convergent pour confirmer des progrès dans la plupart des secteurs sous Louis XV et Louis XVI

b) De même tous les auteurs s'accordent pour dire que la France de la "Belle époque" (1895-1914) a un taux de croissance confortable, égal ou supérieur à celui des Etats Unis, et que les nouvelles industries sont en avance (automobile, électricité, cinéma), que la balance des paiements a des excédents substantiels et que le niveau de vie moyen s'est sensiblement élevé.

c) Mais que dire de la période 1789-1895 ?

En 1961, J.Marczewski a proposé, d'après ses travaux de distinguer trois périodes d'accélération et deux de ralentissement.

D’après Marczewski :

  • 1796-1844 : accélération
  • 1845 1854 : ralentissement.
  • 1855-1884 : accélération
  • 1885-1894 : ralentissement.
  • 1895-1914 : accélération

    La période de 1845-1854 coïncide avec la grande crise de l'économie européenne.

    En revanche, d'autres points de vue se manifestent à propos des autres phases. Selon Levy-Leboyer et F.Crouzet, la période 1793-1815 aurait été malgré certaines performances et quelques apparences de prospérité, une période générale de recul de l'économie Française. " La révolution Française du point de vue de l'industrialisation a été une catastrophe nationale. La guerre a gêné des entreprises, elle les a privées de leur personnel... de plus elle a bouleversé le ravitaillement en matières premières... ". (M.Levy-Leboyer). On peut ajouter qu'elle a privé le commerce français de ses marchés extérieurs, le blocus continental n'a rien arrangé.

    Rostow propose pour le "take off" français, les années 1830-1860. Les études de F. Crouzet semblent confirmer le taux de croissance particulièrement favorable sur cette période puis un ralentissement de la croissance à partir de 1860 se transformant en véritable stagnation de 1882 à 1896.

    L'élément le plus nouveau de ces études est que le décollage de l'économie française n'a pas commencé au début du Second Empire mais au milieu de la monarchie de Juillet (1831-1848) et que l'accélération de la production s'est ralentie à la fin du Second Empire.

    Même si le débat n'est pas entièrement clos car l'histoire industrielle française reste un champ d'investigation très ouvert, on pourra accepter le découpage de compromis de M. Levy Leboyer comme rythmant la croissance française de la fin de l'Empire à la première guerre mondiale.

  • 1815-1860 : croissance et crises.
  • 1860-1896 : ralentissement de la croissance et stagnation.
  • 1896-1913 : l'esquisse d'une reprise.
  •     En tout état de cause les progrès furent lents ce qui transparaît surtout à travers l'évolution de la structure de la population.

  • en 1800 : 80% dans l'agriculture contre 35 en GB
  • en 1851 : 64% dans l'agriculture contre 21 en GB.
  • En 1851 seuls 10% habitent dans les villes de + de 10 000 habitants. La persistance du poids de l'agriculture ne signifie pas que celle-ci n'a pas évolué mais moins qu'en GB, les progrès agricoles contribuèrent à la première industrialisation.

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    1. Les progrès agricoles et la première industrialisation.

    11 . Le développement agricole

    111. Les tendances générales.

    1111 - Un retard des structures sur le 18ème

    - Persistance de la petite propriété et difficulté d'application des techniques nouvelles.

  • pas de loi d'Enclosure.
  • Les grandes propriétés sont divisées en petites fermes du fait du peu d'intérêt de l'aristocratie pour le développement agricole et du désir des paysans d'avoir des terres en fermage en plus de leur propriété souvent insuffisante. La rareté des terres fait que les loyers sont élevés et n'incite pas les aristocrates à la modernisation.
  • La révolution Française renforce la petite et moyenne exploitation (suppression du droit d'aînesse, vente des biens nationaux, suffrage universel).
  • - Des infrastructures peu propices au développement agricole.

  • insuffisance des moyens de transport.
  • restriction à la circulation des produits.
  • réglementation des cultures (décret sur l'assolement triennal).
  • empêchent la spécialisation qui augmenterait la productivité et conduit à une polyculture vendue sur un marché local.

    - Des paysans peu fortunés et accablés d'impôts empêchent l'investissement.

  • Les écrits d'Arthur Young à la fin du XVIII siècle montre l'étonnement de cet anglais devant la misère des paysans de Dordogne qui marchaient pieds nus.
  • en 1780, on dénombrait 15% d'indigents dans le Nord de la France.
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    1112. La persistance du poids de l'économie agricole.

        La France reste un pays essentiellement agricole pendant la première moitié du 19ème siècle.

        Les grandes concentrations industrielles se trouvent dans le Nord et quelques îlots ça et là. L'agriculture n'a pas fourni à l'industrie la main d'oeuvre dont elle a besoin. La population rurale représentait 75% de la population en 1846, 70% en 1866, 58% en 1906.

        Cette coexistence que l'on pourrait appeler dualisme paraît tout à fait originale, car il y a bien un développement de l'industrie comme nous le verrons plus tard. L'évolution comparée FR-GB permet de mettre en évidence la lenteur des transformations en France et la différence de productivité.

     

    FRANCE

    GRANDE BRETAGNE

     

    Population active agricole (%)

    Part du Produit agricole dans le produit national (%)

    Population active agricole (%)

    Part du Produit agricole dans le produit national (%)

    1801

    75

    42

    35.9

    32.5

    1851

    64

    36

    21.7

    20.3

    1881

    47.7

    34

    12.6

    10.4

    1891

    44.8

    27

    10.5

    8.6

    1951

    28.9

    15

    5

    4.7

    Source : pour la France Marczewski et Toutain, pour la Grande Bretagne Phyllis Deane et WA Cole

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    112. Les étapes de la croissance agricole.

    J.C Toutain a proposé un découpage historique des rythmes de croissance du produit agricole, il distingue depuis le milieu du XVIII, 4 phases :

    - 1750-1760 à 1815 : démarrage de la croissance et ralentissement.

    - 1815-1824 à 1855-1864 : croissance rapide.

    - 1865-1874 à 1885-1894 : ralentissement.

                        - 1895-1914 : croissance.

        La plupart des auteurs estiment que le démarrage du développement agricole se situe vers le milieu du 18ème sous la pression d'une population croissante. Notamment sous l'influence des PHYSIOCRATES pour qui toute richesse procédait de l'agriculture. En 1758, le tableau économique de Quesnay et la théorie du produit net eut un grand succès et le marquis de Mirabeau fut un propagandiste de l'oeuvre de Quesnay. En 1774, Turgot ministre de Louis XV et Louis XVI, libéra le commerce des grains ce qui fut favorable à la production et au prix.

        30 à 40 ans avant la Révolution française comme le note Tocqueville dans "L'Ancien Régime et la Révolution" : "La nation se remue enfin toute entière et semble renaître..."

        L'influence anglaise se fait sentir : recul lent de la jachère ( 40% des surfaces) mais l'essentiel des progrès est acquis par une extension des surfaces, les cultures de subsistances restent essentielles.

        Mais ce premier élan s'essoufflera à la veille de la révolution. La production augmente mais le sort des paysans ne s'améliore guère. Seule une élite est touchée, la majorité des propriétaires terriens est absente de ses terres. En Aquitaine, le baron de Lapeyrouse reste une exception, la France nourrit une population plus nombreuse grâce à une agriculture plus extensive.

        La Révolution et l'Empire marquent un net ralentissement de la croissance de la production agricole (quasi stabilité entre 1815-1824) et la productivité agricole diminue.

        A partir de 1825, la croissance reprend rapidement et les progrès de l'agriculture Française se consolident, la prospérité agricole est assez nette. La paysannerie se développe. Témoin, la faiblesse de l'exode rural sur le 19ème qui ne démarre que vers 1840 pour les régions pauvres.

    Quels sont les faits du changement ?

  • La maîtrise du sol est progressivement acquise par les paysans qui sur 3 à 4 générations rachètent (se privant d'ailleurs souvent des K utiles à l'exploitation) avec acharnement les parcelles mises en vente par l'aristocratie et la bourgeoisie. En 1913, la majorité des terres appartiennent à ceux qui la cultivent ( 80 à 90% dans l'Est, 50 à 60% dans l'Ouest).
  • Augmentation des surfaces cultivées jusqu'en 1870 : déboisements souvent excessifs, assèchement des marais, polders (Flandres, Vendée, Camargue, Dombes, Sologne,Brenne) et landes (Bretagne, Gascogne). réduction des jachères, par l'engrais et les cultures nouvelles (Maïs, PdT, luzerne, trèfle, Betteraves sucrières). F. de Neufchâteau estime la jachère à 6.753.000 hectares en 1840. et 3.700.000 hectares en 1913.
  • Superficie cultivée en Milliers d’hectares

     

    1831

    1850

    1860

    1870

    1875

    1885

    1895

    1900

    1905

    1914

    Grande Bretagne

     

    1 650

    1 615

    1 520

    1 420

    1 033

    589

    769

    660

    771

    Allemagne

     

    1 356

    1 490

    1 560

    1 800

    1 919

    1 931

    2 049

    1 927

    1 996

    FRANCE

    5 111

    5 991

    6 711

    6 924

    6 947

    6 880

    7 002

    6 864

    6 510

    6 060

    Sources : Annuaire SGF,1951 et Walter G Hoffman, das wachstum der Deutschen wirtscheft

  • Le chemin de fer change la vie des agriculteurs de la monarchie de Juillet en désenclavant les campagnes. Le train apporte les engrais, emporte les denrées agricoles (céréales. vins), facilite la spécialisation et la production en masse par l'élargissement des marchés (le vin dans le Languedoc).
  • Les productions augmentent.
  •  

    Millions de tonnes

    Millions de Tête.

     

    Céréales.

    Pomme de Terre

    Bovin.

    Ovin.

    1815-1824

    86

    15

    7

    35

    1835-1844

    111

         

    1855-1864

    139

    68

       

    1875-1884

    143

     

    13

    23

    1905-1914

    155

    117

       

     

    Le blé dans quelques pays européens

    (production en millions de quintaux métriques)

     

    1831

    1850

    1860

    1870

    1876

    1885

    1895

    1900

    1905

    1914

    Grande Bretagne

    33.7

    25.2

    24.1

    30.7

    25.6

    21

    10.4

    14

    15.5

    17

    Allemagne

    15

    15.9

    19.4

    18.6

    21

    29.17

    31.7

    38.4

    34.7

    39.7

    FRANCE

    51.3

    66

    76.2

    74.2

    75.5

    85.2

    92.4

    86.6

    103.8

    76.9

    Autriche Hongrie

    18

         

    39

    34

    32.4

    45

    46

    46

    Source Annuaire SGF,1951 et Walter G Hoffman, das wachstum der Deutschen wirtscheft

     

    Rendement par hectare en quintaux métriques

     

    1831

    1850

    1860

    1870

    1875

    1885

    1895

    1900

    1914

    Grande Bretagne

       

    14.9

    20.2

    15.4

    21

    17.7

    19.2

    22

    Allemagne

     

    11.6

    13

    12

    12.5

    15.2

    16.2

    18.7

    19.9

    France

    8.2

    11.1

    11.4

    10.7

    10.9

    10.4

    13.2

    12.9

    12.7

    Pays Bas

         

    18.2

    17.8

    20

    19.4

    20.4

    26

    Danemark

             

    26.9

    25

    27.5

    29.1

                                                                    Source Annuaire SGF,1951 et Walter G Hoffman, das wachstum der Deutschen wirtscheft

        La période 1865-1895 est marquée par un ralentissement sensible de la production et de la productivité. Parmi les causes, on peut relever : les guerres du 2nd empire, les effets des traités libres échangistes et la concurrence des pays producteurs de céréales à bas prix, la baisse des prix (1875-1896) en partie liée à l'arrivée sur le marché du blé américain, le phylloxera qui détruit le vignoble français entre 1877-1880 et la maladie du ver à soie.

        Victime de la crise de la fin du siècle, l'agriculture française retrouve de sa superbe après 1890 grâce à une remontée des prix (sauf le vin) et à une mécanisation de plus en pus forte en dépit d'un conservatisme rural encore fort pesant.

     

    1862

    1892

    Batteuses

    100 000

    234 000

    Faucheuses

    9 440

    38 750

    Moissonneuses

    8 900

    23 400

        La prospérité agricole de cette fin de siècle peut s'expliquer en partie par l'intervention de l'état qui depuis 1850 mène une véritable politique agricole en direction d'un électoral principalement rural qu'il convient de soigner.

    graphique des productions agricoles depuis 1820 dans J.M. Jeanneney, le mouvement long des économies occidentales

     

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    113. La politique agricole de la France

        Jusqu'au milieu du siècle, l'aide de l'Etat est insignifiante dans l'agriculture. Les progrès tiennent d'abord d'initiatives de grands exploitants cherchant à améliorer leur rente foncière. Chaque région a ses novateurs à la mode anglaise : Bugeaud dans le Périgord, de Vazelles, de Besset dans le Forez et surtout Mathieu de Dombasle, Auguste Bella en Lorraine qui avec l'ingénieur Antoine Polonceau réussirent à convaincre Charles X de créer l'Ecole Nationale d'Agriculture en 1826 près de Versailles sur 500 ha à Grignon.

        Après 1850, les pouvoirs publics poursuivent enfin une politique agricole (lois, subventions, grands travaux d'aménagement).

        Par contre la disparition des protections entre 1860 et 1880 fait baisser les prix et provoque le mécontentement au moment où les crises du phylloxera se produisent.

        A partir de 1881, le ministère de l'agriculture devient distinct de celui du commerce et le célèbre Jules MELINE malgré des moyens faibles oeuvra pour sauver l'agriculture Française.

        Les agriculteurs s'organisant en groupe, des pressions auprès des parlementaires. On dénombre 4 sociétés agricoles nationales.

    • - La Société Nationale d'Agriculture (la plus ancienne).
    • - La Société des Agriculteurs de France (11000 adhérents) présidée par 'te marquis de Dampierre.
    • - La Société d'encouragement de l'agriculture.
    • - Le Syndicat National Agricole.

        En 1914. On dénombre 5000 syndicats au niveau des cantons et communes Les uns animés par les notables (châtelains, bourgeois), Les autres par les républicains. Leur action est surtout coopérative (achat – vente, crédit assurance).

        Au total, les agriculteurs assurent une présence dans la vie sociale et politique de la nation en rapport avec leur nombre qui n'a pratiquement pas diminué jusqu'en 1870.

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    12 - Les débuts de l'industrialisation

    R.Cameron dans un ouvrage consacré à la France écrit les "Français ont joué en important, élargissant, adaptant et transmettant au reste de l'Europe les éléments fondamentaux de la révolution économique un rôle majeur".

    En effet, la France a commencé sa modernisation industrielle bien avant 1815 et l'exemple anglais fut suivi de près par les industriels français, les troubles de la révolution et de l'empire terminés la France n'était pas une économie vierge de tout progrès et l'héritage révolutionnaire devait permettre une modernisation ultérieure.

    121 - Les industries motrices dans la première phase d'industrialisation

    Comme pour l'Angleterre, l'industrie textile et l'industrie du fer ont été les deux premières industries motrices dans le passage d'une économie artisanale à une économie industrielle.

    1211. L'industrie Textile

        Vers le milieu du XVIII siècle, il existe en France une industrie textile rurale semblable à celle rencontrée en G.B. En 1762, un édit royal avait accordé aux habitants des campagnes, le droit de fabriquer des étoffes sans faire partie d'une corporation. Ces formes proto-industrielles perdurèrent longtemps en France dans le XIX siècle, et les petits ateliers ou fabriques coexistèrent avec les usines.

        A partir de 1750, l'importation des techniques et des techniciens anglais est encouragée : importation de machines en contrebande, espionnage -voyage en G.B, invitation de techniciens anglais (Ex. John Kay qui reçut une rente royale de 2500 livres pour visiter et conseiller les centres textiles de Normandie, John Holker introduisit la Jenny en 1771) mais aussi installation de familles anglaises, de techniciens et d'ouvriers (les Hall, Milne, Heywood, Dixon en Alsace par exemple).

        Mais les techniciens français apportent leur contribution aux progrès techniques, citons notamment :

    - Jacquard qui invente un métier à tisser qui porte son nom et qui permet de réaliser des dessins compliqués sans difficulté.

    - Ph. de Girard qui améliore de façon décisive le métier à tisser le lin entre 1810 et 1815. Ce dernier n'arrivera pas à vendre son invention en France. Ce fut les anglais qui le développèrent et Ph. de Girard qui fut à l'origine de la prospérité de Leeds.

        Dans l'ensemble, la France a pu bénéficier très rapidement des mêmes moyens de production textile que l'Angleterre. Cependant le développement de l'industrie textile a été beaucoup moins rapide qu'en G.B.

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    1212. L'industrie sidérurgique.

        Le développement de l'industrie du fer a été influencé dans une très large mesure par la technique importée de Grande Bretagne. On retrouve ici le rôle conjoint de l'état français et des techniques britanniques.

        A l'abri derrière des barrières douanières et en situation de quasi monopole dans les régions, la sidérurgie Française est très en retard au 18ème siècle. Elle constitue un véritable goulot d'étranglement au développement du textile mais aussi de la puissance militaire.

        En 1764 , Le gouvernement envoya G. Jars en G.B pour étudier les méthodes anglaises. Il installa les premières usines de fer au coke à St Etienne. Les De Wendel bénéficièrent de son enseignement et continuèrent à perfectionner les techniques dans leurs usines de Hayange en Lorraine.

        En 1777, William Wilkinson émigra en France et reçut une rente de 12000 livres du gouvernement français. Avec Ignace de Wendel, ils décidèrent de créer des hauts fourneaux au coke au Creusot. L'usine fut construite par des fonds privés et l'aide du gouvernement de Louis XVI la première coulée de fonte eut lieu en 1785. Jusqu'en 1818, le Creusot resta la seule entreprise à utiliser le charbon pour produire de la fonte.

    Production de fonte (milliers de tonnes métriques)

    FRANCE

    GRANDE BRETAGNE

    années production années Moyennes annuelles
    1819

    112

    1818

    330

    1825

    198

    1825-1829

    668

    1835

    294

    1830-1834

    700

    1845

    439

    1840-1844

    1300

    1855

    849

    1850-1854

    2800

    1865

    1204

    1860-1864

    4220

    1875

    1448

    1870-1874

    6500

    1885

    1631

    1880-1884

    8500

    1895

    2004

    1890-1894

    7400

    1905

    3077

    1900-1904

    8780

    1910

    4038

    1905-1907

    10100

    1913

    5207

       

        Les progrès furent vraiment sensibles qu'après 1840 mais La France restait loin derrière la G.B. :

    en 1806, 2% de la fonte était fabriquée avec le charbon contre 97% en G.B., en 1850, 50% et, en 1870, 90%.

        Ce fut encore Ignace de Wendel qui installe la première machine à vapeur rotative au Creusot dès 1784, les frères Perier à l'instar de Boulton et Watt entreprirent de construire des machines à vapeur mais la diffusion fut très timide( en 1810 on comptait 200 machines en France contre 5000 en GB).

    Nombre de hauts fourneaux en France

      Au coke Autres
    1830

    29

    279

    1835

    28

    410

    1840

    41

    421

    1845

    79

    353

    1856

    206

    385

    1861

    190

    282

    1869

    199

    91

        Le retard fut encore plus grand dans le domaine de l'acier. En 1815,la production n'avait pratiquement pas commencé, seuls les petits gisements des Pyrénées et du Dauphiné, permettait la production d'acier mais au charbon de bois. Les techniques du charbon furent utilisées seulement après 1830 mais la mauvaise qualité du minerai lorrain bloqua la croissance de la production. Il fallait attendre le procédé Thomas Gilchrist (1878) pour surmonter la difficulté. Malheureusement une partie du bassin Lorrain avait été annexée par l'Allemagne en 1871. L'expansion de la production d'acier se fit pourtant à la fin du XIX siècle entre 1895 et 1914, la production d'acier quadruplait (1895 : 714 000 tonnes, 1905 : 2440000 tonnes, 1914 : 3200000 tonnes)

     

     

     

     

        Parmi les handicaps sérieux de l'industrie sidérurgique, il faut citer l'insuffisance de l'approvisionnement en charbon qui peut expliquer la lente percée des nouvelles techniques (1815 : 1M de Tonnes, 1872 : 16M de Tonnes, 1913 : 41M de Tonnes contre 265 en GB.)

    Production de Houille et de Lignite (millions de tonnes)

      France R.U. Allemagne Belgique Etats Unis
    1860

    8.3

    81.3

    16.7

    9.6

    13.3

    1880

    19.4

    149.3

    59.1

    16.9

    64.9

    1900

    33.4

    228.8

    149.8

    23.5

    244.9

    1913

    40.9

    290.0

    279.0

    22.9

    513.1

    Consommation de houille et de lignite par tête d’habitant (en tonnes)
     

    France

    R.U.

    Allemagne

    Belgique

    Etats Unis

    1890

    0.94

    3.87

    1.82

    2.60

    2.25

    1900

    1.23

    4.12

    2.62

    2.97

    3.12

    1913

    1.57

    4.20

    3.87

    3.56

    4.97

                                                                                                Source : Comité de Forges, la sidérurgie française (1864-1914)p21

        Les prix élevés du charbon, liés aux difficultés des transports (fluviaux), les protections douanières peuvent expliquer la persistance de petites exploitations routinières qui freinent l'élan sidérurgique dans la première moitié du XIX siècle.

     

    Production de minerai de fer (millions de tonnes)
      France R.U. Allemagne+Luxembourg Etats Unis
    1880

    2.9

    18.3

    5.9

    7.2

    1890

    3.9

    14.0

    11.1

    16.3

    1900

    6.0

    14.3

    19.0

    28.0

    1910

    15.7

    15.5

    28.7

    57.9

                                                                                                                        Source : Annuaire statistique 1913

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    122 - Le retard de la France dans le développement industriel.

    1221- Les facteurs favorables au développement

    Pourraient être analysés à la lumière de ce que Rostow appelle les conditions favorables au décollage.

    12211- Les aspects institutionnels et juridiques.

    L'espace économique français devient ainsi un marché unique protégé par un tarif extérieur élevé.

    12212. Les aspects scientifiques et techniques.

    • 1747 Ecole des Ponts et Chaussées.
    • 1794 Ecole Polytechnique.
    • 1798 Conservatoire des Arts et Métiers, Ecole normale supérieure.
    • 1828 Ecole Centrale des Arts et Manufactures.

    Durant tout le XIX, ces écoles attirèrent de nombreux étudiants étrangers (européens et américains).

    Elles servirent de modèles à la fondation d'autres instituts, partout dans le monde, en Allemagne entre 1820 et 1830, aux USA West Point fut créée avec l'aide de polytechniciens, le MIT s'inspira de l'Ecole Centrale selon R.Cameron. Les ingénieurs français travaillèrent partout dans le monde pour organiser les mines, les réseaux de communications.

    - Il nous faut aussi rappeler l'influence du Comte de St Simon (1706-1825) et des Saint Simoniens (Enfantin, Bazard, Leroux). Classé parmi les précurseurs du socialisme, Saint-Simon est un apôtre de l'industrialisation qui, pour lui, peut améliorer le sort des classes populaires plus sûrement qu'un partage de richesses limitées.

    Dans sa fameuse parabole en 1810, il oppose les producteurs (cultivateurs, fabricants, négociants) appelés, industriels à ceux qui s'occupent des fonctions bureaucratiques et honorifiques et ne créent rien.

    La prospérité de la France ne peut passer que par la mise en valeur des savants, des techniciens, des industriels, tout doit être mis en oeuvre pour développer les sciences et techniques, il insiste surtout sur de grands projets de travaux publics à l'échelle nationale mais aussi mondiale (imagine le canal de panama en 1783).

    L'influence des Saint-Simoniens fut déterminante dans les grandes transformations et projets du XIX en France.( Canal de Suez, transformation du système bancaire frères Pereire, crédit mobilier, le développement des chemins de fer).

    Mais l'influence française sur le plan scientifique et technique a été en diminuant vers la fin du XIX. Ce qui était révolution dans l'organisation centralisée de l'enseignement et de la recherche en 1790-1815 était devenue sclérose et monopole un siècle plus tard, témoin l’évolution du nombre de bacheliers :

    1850 : 2000 bacheliers, 1880 : 3000 bacheliers, 1913 : 2500 bacheliers

    L'enseignement secondaire et supérieur était d'abord réservé à un petit nombre de privilégiés de la fortune et l'offre d'ingénieurs n'a pas suivi la demande.

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    1222. Les facteurs défavorables au développement

    12221- L'évolution démographique

        La France a été au 19ème siècle le seul pays où la population a si peu augmenté (0.2% par an entre 1870 et 1913, contre 0.9 au Royaume uni ou 1.1 en Allemagne).

    POPULATIONS en millions
      1800 1850 1900 1930
    France 27.3 35.8 39 41.8
    Grande Bretagne 15 22.6 38.7 46
    Allemagne 24.6 35.9 56.4 64.3
    Russie 37 60.2 111 156
    Etats Unis 5.3 23.2 76 122.9

     Cette stagnation démographique qui s'est accompagné du phénomène de vieillissement ((12.6% de personne de + de 60 ans en 1880, contre 7.4 en Angleterre, 7.8 en Allemagne et 5.6 aux Etats Unis) ne pouvait qu'avoir une influence défavorable sur la demande finale : "En général il existe une relation positive entre le taux de croissance de la population et du produit. Tous les coefficients de corrélation sont positifs et élevés et des vérifications indiquent que la plupart d'entre eux sont significatifs à 1%" (Kuznets, Quantitative aspects of the économic growth of nations). En outre, J.J. Spengler écrit :"Quand la population augmente rapidement, les entrepreneurs et la communauté économique tendent à être animés d'un esprit expansionniste et agressif. Chacun voit son marché s'élargir et l'on prévoit que l'augmentation des possibilités de vente absorbera une surproduction momentanée et une capacité de production apparemment excédentaire...Quand la population n'augmente pas ou décline, des prévisions moins optimistes peuvent prédominer, bien que ce résultat ne soit pas automatique. Il est aussi probable que l'arrêt de la croissance de la population contribue à rendre plus rigide la structure économique de la société." (Rapport du 5ème congrès internationale des sciences historiques, 1950). Cette rigidité structurelle, la France en a fait l'expérience dans la mesure où la mobilité de facteur travail a été très faible tout au long du 19ème siècle. Les migrations internes, du secteur primaire vers le secondaire et le tertiaire, ont été relativement moins importante que dans d'autres pays en voie d'industrialisation. La petite propriété paysanne a pu retenir les paysans à la terre et tandis que la France exportait ses cadres et ses ingénieurs elle importait une main d'oeuvre étrangère moins qualifiée, venant des Flandres, d'Espagne, d'Italie, d'Allemagne et d'Europe de l'Est. L'absence de pression démographique a freiné à la fois la demande globale et l'offre de main d'œuvre.

    12222. L'insuffisance de ressources naturelles.

    En 1890, 53% des importations étaient représentées par des matières premières pour l'industrie contre 36,4% en GB.

    La France était le seul pays industriel du XIX a importé du charbon pour ses besoins alors que les autres pays disposés de ressources exportables.

    Le prix du charbon était plus élevé en France que partout ailleurs d'après le comité des forges.

    En 1895-1890, 11,07 FF la Tonne, contre 6,96 en Angleterre, 7,09 en Allemagne, 9,37 en Belgique, 6,59 aux USA. Ce qui n'était pas un mince handicap à une époque où le charbon était la première source d'énergie.

    Les richesses en minerai de fer furent mises à jour tardivement et l'annexion de l'Alsace Lorraine en 1871 pénalisa la France. Le bassin de Briey ne fut découvert qu'en 1894.

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    12223. L'épargne et l'investissement.

    La France du XIXème siècle n'a pas manqué d'épargne mais elle n'a pas été suffisamment productive. D'après R.E Cameron, un peu moins de la moitié de l'Epargne fut investie dans l'industrie ou l'agriculture. Le reste fut consacré à des prêts à l'état, à l'extérieur ou encore à la thésaurisation en or.

    La faiblesse de l'investissement à l'intérieur peut-être expliquée par le faible dynamisme de la demande intérieure, la préférence pour l'autofinancement de nombreuses peintes firmes à structure familiale mais aussi par une attitude de rentier frileux préférant la sécurité aux risques de l'industrie.

    Total des Investissements extérieurs de 1a France

      1850 1880
      Millions de francs % Millions de francs %
    Fonds d’Etat

    1950

    78

    7740

    51.6

    Investissements privés

    550

    22

    7260

    48.6

     

    2500

    100

    15000

    100

    Source : RE Cameron, France and the economic development of Europe 1800-1914, 1961

    Distribution des investissements extérieurs de la France en 1880 (en millions de francs)

      Fonds d’Etat Transport Industrie et banques Total
    Méditerranée

    2200

    2450

    735

    5385

    Moyen orient

    2850

    400

    200

    3450

    Europe centrale

    800

    1450

    550

    2800

    Europe de l’Est

    990

    240

    100

    1330

    Europe du Nord Ouest

    100

    285

    200

    585

    Colonies

    100

    350

    200

    650

    Reste du monde

    700

    75

    25

    800

    Total

    7740

    5250

    2010

    15000

     

    Distribution géographique des capitaux français à l'étranger entre 1882 et 1914 (%)

    Destination % Destination %
    Europe de l’est 29 Europe centrale 8
    dont Russie 25 dont Autriche Hongrie 5
    Europe du Nord ouest 7 Pays méditerranéens 12
    Proche Orient 12 dont Espagne 9
    dont Empire Ottoman 7 Continent américain 16
    Egypte et Suez 5 dont Amérique latine 12
    Colonies 9 Reste du monde 8

    Les données ci-dessus révèlent la préférence de l'épargne française investie à l'extérieur.

    - l'orientation vers les fonds d'état étrangers prédomine, et, fait de la place de Paris le grand marché des fonds publics.

    - les transports constituent le second secteur, avec les banques

    Sur le XIX, la France est la seconde puissance financière après la Grande Bretagne, le développement fut plus tardif mais l'orientation des capitaux, est également différente : plus de fonds d'état que de valeurs industrielles, plus limitée géographiquement, la plus grosse part est en Europe (Méditerranée, Balkan, Russie), la France a fort peu investi dans son empire colonial et vers l'Amérique du Nord.

    Nombre de valeurs étrangères cotées au marché officiel de la bourse de Paris

      Actions Obligations Fonds d’Etat Total
    1850 2 2 24 28
    1869 24 27 58 109
    1880 26 26 85 137
    1890 39 40 104 183
    1900 58 65 150 273
    1905 73 79 165 317
    1912 120 114 230 464

    Source : E. Thery, rapport au congrès des valeurs mobilières, 1900

    Alfred Sauvy dans son livre, la montée des jeunes, juge sévèrement cette orientation de l'épargne française :

    "Les français ne pouvaient pas investir en richesses ; ayant perdu l'esprit pionnier, ne croyant pas à l'avenir, épris de sécurité, ils n'étaient pas aptes à se conduire autrement qu'ils l'on fait. Leur comportement était logique, cohérent, ne voulant pas d'enfants, ils avaient perdu l'esprit de création. Ils leur fallaient du 3% national gaspillé en déficit budgétaire ou du 4% en fonds étrangers. Et c'est ainsi que, n'ayant pas voulu élever d'enfants, les Français ont aidé les autres à élever les leurs".

    Accumulation et exportations des capitaux français au 19ème (moyennes annuelles en millions de francs)
    Périodes Nombres d’années Excédent de balance des paiements Accumulation

    nette

    Accumulation

    brute

    1816-1830

    15

    82

    525

    550

    1831-1847

    17

    82

    1925

    2250

    1848-1851

    4

    125

    2425

    2500

    1852-1870

    19

    550

    12875

    13500

    1871-1881

    11

    700

    16225

    17850

    1882-1897

    16

    500

    24225

    26650

    1898-1913

    16

    1350

    45825

    50400

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    12224. Le protectionnisme et l'instabilité politique.

    La première partie du XIXème siècle en France fut marquée par une permanence du protectionnisme. Claude Fohlen a bien mis en évidence cette contradiction française d'un discours libéral à l'intérieur mais d'une hostilité farouche au libéralisme douanier. Il a semblé à la plupart des Français que leur intérêt était dans le protectionnisme douanier comme il l'était dans la liberté de gestion de l'entreprise et la liberté des prix et des salaires.

    La Restauration et la Monarchie de Juillet furent protectionnistes. Des droits élevés et des prohibitions touchées la plupart des produits importés en particulier les matières premières et le charbon, ce qui handicapa les industriels en augmentant le coûts de production, en réduisant la compétitivité.

    A long terme, cette politique a freiné la diffusion des nouvelles techniques et la croissance.

    Il fallait attendre le second empire pour que le libre échange s'impose aux industriels et aux agriculteurs par la volonté impériale. L'hostilité fut grande et à partir de 1880, les tarifs furent relevés progressivement à l'instar de ce qui se passait en Allemagne.

    Enfin, nous rappellerons pour terminer que la France a subi plus de secousses politiques au XIXème siècle que la plupart des pays industriels. Il y a eu des révolutions 1830 et 1848, des guerres (Crimée 1854-1856, 1870). Toutes ces secousses ont coûté cher en hommes et en ressources et n'ont pu que ralentir le progrès économique.

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    2. Les caractéristiques de la croissance Française jusqu'en 1914.

        François Caron estime que le rêve français tout au long du 19ème siècle fut d'imiter l'Angleterre sans tomber dans les excès d'une industrialisation trop rapide.

    Aussi pourrait-on résumer le chemin suivi par la France ainsi : dans le 19ème des progrès considérables ont été réalisé mais dans un esprit globalement différent de celui de la Grande Bretagne.

    21 - Les rythmes de croissance et les industries motrices.

    Comme nous l'avons vu, la croissance Française est marquée par des phases d'accélération que les différents auteurs arrivent à recouper plus ou moins.

    François Caron pour l'industrialisation propose 3 périodes :

  • - 1830-1870. Croissance rapide mais très diversifiée quant aux méthodes de production et à la nature des produits "dualistes".
  • - 1870-1895. Croissance ralentie mais de plus en plus sélective. L'effort d'investissement baisse beaucoup moins que la production industrielle.
  • - 1895-1913. Croissance très rapide, en accélération progressive avec large substitution de facteurs de production et intensification capitalistique.(+4,5%).
  • Au cours de ces périodes on peut distinguer plusieurs industries motrices dont le taux de croissance est supérieur au taux d'accroissement du produit total et leur valeur ajoutée occupe une part croissante dans la valeur ajoutée totale.

    Pour F.Perroux, les industries motrices jouent un rôle majeur dans le développement économique car elles transforment profondément la nature de l'appareil productif.

    « L'économie nationale ne croît pas comme ferait un ensemble à peu près homogène sur lequel agiraient un investissement et une accélération. Le fait majeur est l'apparition d'industries repérables par deux traits. Elles sont au cours d'une phase morphologique notables :

  • - Elles prennent la forme d'industrie capitaliste dans un environnement qui demeure antécapitaliste.
  • - Puis elles sont actives pendant une partie de leur âge capitaliste : elles élèvent sensiblement la productivité de leur branche, elles y abaissent les coûts et les prix. Elles modifient la dimension et la forme des flux de services achetés (travail, matières premières, capitaux).
  • Elles exercent donc sur leur environnement des influences asymétriques et, pendant une période déterminée, irréversibles. »

    211- entre 1800 et 1840 : C'est l'industrie textile (coton et soie )qui a été la l ère industrie motrice au début du 19ème siècle.

    La croissance de la production de coton oscille entre 6,5 à 8% pour 3 à 3,6% de croissance de la production industrielle. Ce ne fut qu'à la fin de la première moitié du 19ème siècle que les progrès de la sidérurgie sont devenus significatifs. C'est aussi l'époque du démarrage des chemins de fer.

    L'industrie textile cesse d'être motrice et la métallurgie prend le relais.

    212- à partir de 1850 : Le boom du chemin de fer a joué un rôle essentiel dans cette expansion de l'industrie du fer et de l'acier.

    Entre 1850 et 1880, le taux de croissance de la production industrielle a été d'environ 2,7% alors que la métallurgie, la transformation des métaux et la houille accusaient des taux de croissance de 3 à 6 %. L'acier a vu sa production croître de 10% par an à partir de 1866 date à laquelle on fabriqua les rails en acier. Mais on part de très bas.

    C'est à partir de 1850 que le chemin de fer a joué un rôle d'entraînement dominant.

    Les chemins de fer en France au 19ème siècle

    source : J. Marczewski, y a-t-il eu un "take off" en France?

    Périodes Dépenses de premier établissement (moyenne annuelle en millions de francs)

    Accroissements décennaux

    Chemin de fer d'intérêt général (voies en km) Chemin de fer d'intérêt local (voies en km)
    1825-1834     4.0     52  
    1835-1844   34.0   560  
    1845-1854 175.0 1987  
    1855-1864 437.0 6191  
    1865-1874 263.0 7206   432
    1875-1884 398.0 7198 1770
    1885-1894 280.0 6553   517
    1895-1904 210.0 8033 2067
    1905-1913 312.5 2502 3432

        Le chemin de fer "éclata" tardivement en raison de l'hostilité initiale de l'opinion (notamment l'Académie de Médecine) et des hésitations du gouvernement sur la question de savoir quelle devait être le rôle de l'état dans la construction et la gestion des chemins de fer.

        Fallait-il faire des chemins de fer un service public avec les aléas financiers qu'il représente ou fallait-il laisser libre cours aux sociétés privées?

        La loi de Juin 1842 adopta une solution de compromis qui débloqua le problème et permit la constitution des réseaux et des grandes compagnies. "L'état achète les terrains et construit les ouvrages d'art, la compagnie concessionnaire pose les rails, exploite la ligne et cela pour 99 ans, au bout desquels tout devient propriété nationale". Plus tard l'état accorda sa garantie aux intérêts des obligations émises par les compagnies.

    Voir la carte de l'extension des chemin de fer en Europe entre 1850 et 1870

        Ajoutons au chemin de fer, les grands travaux d'urbanisme entrepris notamment par le Baron Haussman qui ont certainement un effet d'entraînement complémentaire.

    213- A la fin du siècle et au début du 20ème : Apparaîtront de nouvelles industries motrices avec le développement des secteurs de la seconde révolution technique.

    L'électricité : Accroissement de la consommation de 11% entre 1900 et 1913

    La distribution de l'électricité va être un des moteurs de la croissance.

    à partir de 1880 : développement de l'hydroélectricité dans les Alpes (Aristide Bergès, inventeur).

    Des secteurs se développent à partir de l'électricité :

  • l'éclairage,  équipement des villes
  • les moyens de communication à distance télégraphe (1879), la TSF par Branly (1890), le téléphone (1876) 2700 abonnés à Paris en 1893. le cinéma (Gaumont, Pathé, Méliés).
  •                 L'évolution de l'industrie automobile française est aussi assez exemplaire de l'esprit des industriels.

        Si la supériorité technique des automobiles françaises fut peu discutée jusqu'en 1913, les industriels de l'automobile sacrifièrent les innovations de méthode aux innovations de modèles et de techniques (Panhard refusa le taylorisme, Renault l'adopta partiellement en 1908).  Les résultats financiers furent brillants dans les phases de lancement mais les positions devinrent fragiles lorsque les producteurs atteignirent le stade des fabrications de masse tant en raison de l'étroitesse du marché intérieur que des traditions techniques françaises.

    Les métaux non ferreux et la chimie.

    L’Aluminium devient grâce à une série d'innovations, un produit industriel bon marché. La mise au point de l'électrolyse par Heroult permet d'abaisser les prix et d'élargir les débouchés. Entre 1880-1905 se crée les grandes usines qui seront à l'origine de PECHINEY et d'UGINE.

    La chimie et l'électrochimie se développent également St Gobain, Kuhlman. Solvay, Poulenc se créent les premières fibres synthétiques apparaissent (Viscose).

    Enfin c'est aussi en France le véritable décollage de la sidérurgie sur l'acier grâce au four Thomas qui permet l'exploitation des minerais lorrains du Bassin de Briey.

    Graphique des production industrielles depuis 1820 en France, dans J.M. Jeanneny, le mouvement long des économies occiendentales

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    22.- Caractéristiques de l'appareil productif français.

    221. -La prospérité de l'industrie est restée longtemps liée à la prospérité rurale.

    2211. Sur la longue période

    - La phase de croissance plus rapide correspond à des phases de hausses tendancielles des prix en 1815 et 1865.

    - La phase de ralentissement de la croissance correspond à une baisse des prix agricoles entre 1875 et 1895.

    2212 - Sur le court terme : La persistance des crises mixtes jusqu'en 1870.

    Le profil conjoncturel reste fortement marqué par les fluctuations agricoles jusqu'en 1870.

    22121. Les crises d'ancien régime

        Les crises d'ancien régime cessent vers 1820-1830 mais elles sont relayées pendant près d'un demi siècle par les crises mixtes où le rôle des fluctuations agricoles reste non négligeable.

     

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    22121. Les crises mixtes

    Les crises mixtes, se définissent par le jeu simultané de facteurs anciens (mauvaise récolte) et de facteurs modernes (crise du crédit, Krach boursier, crise de chemin de fer).

    Elles couvrent en France globalement une période d'un demi-siècle entre 1820 et 1870 approximativement.

    221211 La datation des crises mixtes

        Repérer les dates des crises au XIX n'est pas chose aussi facile. En effet derrière ce repérage se cache les controverses statistiques concernant l'indicateur pertinent de la conjoncture.

    Pourquoi ces différences ?

        C'est le poids de l'agriculture dans l'économie française qui fait qu'une bonne récolte peut compenser au niveau du PIB une baisse de la production industrielle. D'une manière générale, la périodicité des crises est beaucoup moins perceptible avec le PIB qu'avec la production industrielle (toujours vraie aujourd'hui).

            Sur quelle période s'étendent les crises mixtes ?

    La réponse est NON car :

    en fait aucun des lieux privilégiés des nouvelles crises n'est en place.

        L'observation des prix au 19ème permet de répondre à cette question. Les crises mixtes comme les crises de l'ancien régime s'accompagnent de hausses de prix. L'augmentation des prix agricoles surcompense la baisse des prix des produits industriels due à la mévente.

    Les crises inflationnistes postérieures à 1820-1830 seraient donc des crises mixtes

    La production agricole diminue effectivement à plusieurs reprises.

    Les crises déflationnistes seraient en revanche des crises industrielles.

        La rupture entre les deux types de crises se produisant vers 1870 comme le montre l'étude de J.Marczewski.

        Jean Bouvier arrive à des conclusions similaires : "Au moins avant 1848, les crises demeuraient mixtes et ambiguës. C'est semble t-il à partir de 1873 que la crise à allure contemporaine s'installe définitivement".

        Signalons cependant une "anomalie", la crise inflationniste de 1913 constitue un retour en arrière. Il s'agit sans doute d'une crise mixte - imputable à une "récolte catastrophique" de l'avis de J.Marczewski.

        La France fut marquée plus longtemps que la G.B par les crises mixtes, la crise de 1847 et souvent considérée en G.B comme la dernière des crises mixtes alors qu'en France la crise de 1847 pour grave et exemplaire qu'elle soit en tant que crise mixte n'est pas la dernière comme nous venons de le montrer.

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    22122. Un exemple de crise mixte : la crise de 1847 en France.

        L'anatomie de la crise de 1847 permet de mettre en évidence plusieurs phases du déclenchement aux différentes étapes de son déroulement et trois processus cumulatifs majeurs expliquant sa gravité.

    A. Le déclenchement agricole 1845-1846.

    Mauvaises récoltes de blé en 1845 et 1846, de Pommes de Terre en 1846, Le produit agricole baisse de 6,2%.

    la pénurie alimentaire est partiellement compensée par une augmentation des importations entre 1845 et 1847 (blé Russe).

    On constate un appauvrissement, des agriculteurs (baisse des quantités produites) et des ouvriers (augmentation du prix des denrées, élévation du coût de la vie + 13%, alors que 25% du budget est constitué de pain et de P de T).

    B. Un premier processus cumulatif, de nature industrielle.

    La réduction des achats assure la transmission de la crise aux industries de biens de consommation ( crise Ancien Régime). Mais les industries des biens de production naissantes sont frappées par la forte diminution des commandes de machines émanant en particulier du textile. Surproduction aggravée par la réduction des exportations vers l'Angleterre elle aussi touchée par la crise pour la même raison initiale, mauvaise récolte, les industries licencient ce qui provoque une baisse cumulative du revenu des ouvriers et une accentuation de la crise.

    1845-1846 : Crise inflationniste car la hausse des prix agricoles n'est absolument pas compensée par la baisse des prix industriel.

    C. Un second processus cumulatif de nature financière: Janvier 1847.

    L'encaisse or de la Banque de France diminue car

    De plus, le portefeuille d'effets escomptés de la BdF augmente car les banques sont elles mêmes en difficulté du fait des faillites des entreprises et de la méfiance des déposants. La BdF comme la Banque d'Angleterre doivent augmenter leur taux d'escompte (4 à 5%) en Janvier 1847 pour "défendre l'encaisse". Les difficultés des banques s'en trouvent aggravées. ... en FR. la plus grande banque privée, la caisse du commerce et de l'industrie fait faillite. en GB. le même phénomène se rencontre.

    La hausse des taux d'intérêt se propage au monde de l'industrie.

    Pourtant, on constate une reprise apparente de l'activité économique en 1847.

    D. La fausse reprise de 1847

        En 1847, le PIB augmente de 1,4%, en réalité c'est une récolte exceptionnelle (+ 26,8%) qui surcompense la baisse du produit industriel et des services. Bien plus, l'abondance de la récolte contribue à aggraver la crise. La baisse considérable du prix du blé (-63%) ruine les paysans... et les spéculateurs. La croissance inflationniste de 1847 repérée par Marczewski n'est donc qu'une illusion statistique.

    E. Un troisième processus cumulatif : le rôle des chemins de fer.

    La construction de lignes commence véritablement en France après la loi de 1842 organisant les concessions. Une phase d'essor suit 1842 avec la création de nombreuses sociétés par actions pour financer les lignes nouvelles (près de 5000 km). La promesse de dividendes mirifiques explique une spéculation effrénée en Bourse sur les titres ferroviaires.

    MAIS très vite les bénéfices s'annoncent moins importants que prévus :

  • L’état réduit ses subventions, renonce au financement d'ouvrages d'art, augmente le cahier des charges.
  • des hausses de salaires, de l'escompte, font que les devis sont erronés.
  • Les actionnaires perdent espoir et se ruent pour vendre leurs titres. Entre 07/46 et 07/47 : les actions ferroviaires perdent 50 à 75% de leur valeur. L'impossibilité de collecter des fonds entraîne l'arrêt des constructions de lignes et des concessions. La crise du chemin de fer met 800 000 ouvriers au chômage et rejaillit sur l'activité industrielle : sidérurgie, mines de fer et de charbon perdent leur principal client.

    Schéma résumé de la crise mixte de 1848 en France

    Conclusion :

    1847 est une crise grave.

    1848, restauration de la république (Lamartine), création des ateliers nationaux.

    1847 est une crise longue car la régulation étatique de faible efficacité n'est pas capable de briser les processus cumulatifs (Abandon du projet des Ateliers nationaux, Absence d'institution visant à contrôler le système financier, Incertitude politique).

    La reprise économique aura lieu en 1852 et sera imputable à une reprise mondiale facilitée par les découvertes de métaux précieux. Elle entraînera une forte croissance de la production industrielle avec laquelle la nature des crises va peu à peu être modifiée.

    Après 1870 les crises économiques sont des crises industrielles, cumulatives et déflationnistes.

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    222. Une production diversifiée et de qualité plutôt qu'une production de masse.

  • Bien que disciple des Anglais, l'industrie française ne recherche pas la production de masse.
  • Elle reste fidèle à des matières premières de qualité.
  • Utilise sans restriction une main d'oeuvre habile et peu coûteuse.
  • La fabrication de produits finis diversifiés et renouvelés (comme dans le textile les nouveautés de Roubaix), compense la relative faiblesse des industries de base
  • Ces productions trouvent d'ailleurs souvent leurs débouchés à l'étranger et constituent une part importante des exportations 52% du total dans la décennie 1867-1876.
  • Cette qualité de l'industrie Française était largement reconnue au point que Cobden en 1851 lors de l'exposition de Crystal Palace qui marque l'apogée de la puissance britannique observait :

    "L'Angleterre est sans rivale dans la production d'objets manufacturés... mais il y a un pays qui, selon l'opinion générale, détient la première place dans la fabrication d'articles exigeant une manipulation délicate, le meilleur goût et l'application la plus habile des lois de la chimie et de l'art de la fabrication ; ce pays c'est la France... comme marchands, les Anglais sont de beaucoup supérieurs aux Français mais comme manufacturiers, les Français sont tout à fait nos égaux. Si les Français avaient les avantages naturels que nous avons, ils auraient faits et feraient tout ce que nous avons faits" 1867,Political writings of Richard Cobden.

    Cependant entre 1875 et 1895, cette prospérité s'essouffla, ce n'est que dans les toutes dernières années du XIXème et les 10 années précédant la guerre, que l'industrie lourde devient motrice, que les biens d'équipements mènent le train à la place des biens de consommation. "Le pays est enfin entré dans l'âge industriel" note Maurice Levy-Leboyer.

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    223-Une faible concentration des entreprises

        Nous avons déjà dit que les entreprises traditionnelles ont pu résister en France que ce soit dans le textile ou la sidérurgie durant une grande partie du XIXème face aux grandes usines modernes.

    Le recensement de 1906 des établissements industriels donne un éclairage sur l'état des entreprises françaises.

    - On dénombre 630 200 établissements industriels pour 3 680 000salaires. La taille médiane est de 45 salariés avec des différences importantes selon les secteurs.

    La permanence et l'importance de la petite entreprise dans certains secteurs (alimentation, textile, habillement par exemple) s'explique par la persistance de la Fabrique issue du domestic system qui s'appuie sur de faible rémunération, mais aussi par le développement de la sous traitance. Avec la seconde révolution industrielle la petite entreprise est un lieu d'innovation (Exemple de l'Automobile).

    - L'usine est rare et de taille modeste. En 1906 : Seuls 189 établissements occupent plus de 1000 salariés (44 usines textiles, 43 mines, 23 usines sidérurgiques).

    -Trois grands types de techniques :

  • - usines productrices de produits intermédiaires, de biens d'équipement (Le Creusot) production diversifiée, hiérarchie et diversité socio professionnelles.
  • - usines textiles (peignage, filature surtout) rassemblent des travailleurs autour de vastes mécaniques.
  • - usines de montage en série de Biens de consommation mais la taille "normale" est plus modeste 200 à 300 salariés, taille que tend à justifier le discours politique français.
  • D'une façon générale :

        La croissance se fait principalement par voie interne, la cartellisation des marchés fréquente en Allemagne ou aux USA est faible en France et n'a pas de caractère durable ni systématique. Quelques tentatives par exemple, le cartel de prix dans les charbonnages ou le cartel de partage de marché dans la chimie lourde à partir de 1896.  Des chambres syndicales se constituent comme le fameux comités des Forges avec pour rôle une représentation auprès des Pouvoirs Publics et un front vis à vis des ouvriers mais rarement organisation des marchés.

        Cette dispersion des entreprises françaises constitue sans doute l'un des éléments les plus originaux du modèle français d'industrialisation qui fut défendu et érigé en système par les politiques et entrepreneurs français largement soutenus par une partie de l'intelligentsia. Citons F. Caron : "Les responsables français ont toujours rêvé de développer un système d'industrialisation spécifique, qui leur aurait évité les excès d'une concentration excessive, amour du "petit" face au "gros", du rural face à l'urbain, traverse les écrits d'un nombre considérable d'auteurs, sociologues d'occasion ou de professions qu'il s'agisse de Sismondi, de Le Play, de Proudhon ou d'Alain venus d'horizons idéologiques et politiques les plus opposés. La peur du capitalisme n'a d'égale chez ces auteurs que la crainte de l'ouvrier. L'artisan devient le héros vénéré de cette littérature. Son échoppe était un paradis et l'usine l'enfer".

        Au total, c'est l'excès plus que l'insuffisance de concurrence qui gène l'essor du capitalisme français et l'image de l'entrepreneur français jouissant de profit sans risque grâce au protectionnisme et aux ententes sauf exception (la chimie surtout) doit être rejetée. C'est bien l'incertitude et la concurrence intense qui dominent. Le système français peut être caractérisé comme un système de division des risques, en évitant les grandes tailles et les investissements massifs.

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    23. Les aspects monétaires et financiers.

    231. Stabilité et évolution de la monnaie

    2311. Du Bimétallisme au monométallisme.

    Entre 1800 et 1821, les gouvernements français et anglais avaient établi un système monétaire tel que :

  • - le billet de banque est convertible en OR (mais il y a peu de billets de banque et ce sont toujours de grosses coupures).
  • - l'or et l'argent sont dans un rapport fixe de valeur (de 1 à 15,5 en France, de 1 à 14,29 en GB).
  • Mais la différence est qu'en Angleterre, la monnaie est fondée sur l'étalon or depuis 1816 alors qu'en France la loi de Germinal en 1803 fonde la monnaie française sur deux étalons : l'or et l'argent.

    1 franc = 5gr d'argent à 9/10, 2O Francs = 6,45g d'or à 9/10, soit l franc = 322,5mg d'or. On frappe donc 155 pièces de 20F avec 1 kilo d'or à 9/10.

    Donc en France l'or et l'argent jouissent

  • - de la liberté de frappe.
  • - du pouvoir libératoire illimité.
  •     En Angleterre, bien qu'il existe des pièces d'argent (mais aussi d'autres alliages comme en France) celles-ci ne bénéficient ni de la frappe libre ni du pouvoir libératoire illimité.

        Pendant plusieurs années, les deux systèmes fonctionnent sans difficultés et sans différences autres que théoriques. Certains pays ayant suivi la G.B dans le monométallisme, d'autres plus nombreux la France et le bimétallisme. Le rapport fixe entre or et argent était à peu de chose près égal au rapport commercial de l'or et l'argent matières premières. Mais ce rapport commercial est susceptible d'évoluer au gré de la rareté plus ou moins forte du métal sur le marché. C'est ainsi que de 1848-1850, l'or baisse légèrement mais surtout à partir de 1860, l'argent ne cesse de baisser.

    Dans un pays bimétalliste, il existe alors 2 prix pour une même quantité de métal précieux :

  • 1 pièce de 25g d'argent vaut 5 Francs.
  • 1 petite cuillère de 25g vaut par exemple 3Francs ou 2Francs.
  • Sans importance dans un pays monométalliste, cette situation pose de graves problèmes dans les pays bimétallistes liés à la spéculation sur l'or et l'argent.

    En 1848-1860 Les découvertes de mines d'or en Californie et en Australie amènent un afflux d'or et font baisser les cours de l'or.

    En 1854 en France, le rapport légal est toujours de 1 à 15,5 mais le rapport commercial est de 1 à 15,03. Les banquiers britanniques vont déclencher une spéculation car ils ont besoin d'argent pour le commerce avec l'Inde où il y a monométallisme argent.

    Les manoeuvres sont schématiquement les suivantes :

        Sur une grande échelle, l'opération est intéressante pour les anglais et c'est près de 2 milliards en pièces d'argent qui quittent la France pour être refrappés à Bombay.

        Ainsi, "La bonne monnaie" quittait la France et les autres pays bimétallistes (Italie, Suisse, Belgique, Grèce). Selon la loi dite de Gresham :  "Lorsque deux monnaies circulent dans un pays, l'une est considérée comme bonne par le public, l'autre comme mauvaise et la mauvaise monnaie chasse la bonne".

    Pour remédier au problème, les pouvoirs publics choisissent d'abaisser le titre du métal de 0,9 à 0,835( mais ils auraient pu réduire le poids ou le volume des pièces en argent) et limitent la frappe libre aux pièces de 5Francs en argent.

    La dépréciation de l'or fut faible par contre après 1870, l'argent se déprécie de façon définitive et forte, car entre 1860 et 1880, la production d'argent double dans le monde (en 1870 : 1Kg d'or = 18Kg d'argent, en 1909, 1Kg d'or = 4OKg d'argent). La spéculation se fait cette fois en sens inverse.

    A Paris on achète l Kg d'or 3100 Francs. A Londres on le vend contre 18 Kg d'argent, de retour en France on frappe les pièces d'argent pour 3600 Francs. Le gain est de 500 Francs par simple spéculation (auquel il faut bien sûr déduire les frais de transport !). Sous la 3ème République, c'est l'or qui est la bonne monnaie et qui tend à partir à l'étranger. On décide alors d'abord de limiter la frappe de pièces d'argent puis de la suspendre temporairement et enfin de la suspendre définitivement en 1878 par la convention des pays de l'union latine le 5 Novembre 1878. Seule la pièce de 5 Francs en argent conserve un pouvoir libératoire illimité.

    Ainsi le monométallisme de fait était adopté en France avec 62 ans de décalage sur la Grande Bretagne mais les USA attendirent 1896 pour passer au monométallisme or.

    C'est en 1928 que, de droit l'étalon or sera adopté avec le Franc POINCARE (1F= 65,5 mg d'or).

    Cette victoire progressive de l'or sur l'argent s'explique par des raisons d'économie générale :

  • - l'or est défendu par la G.B et son empire bloc économique plus puissant que les pays bimétallistes.
  • - les conditions de l'exploitation de l'argent,- liée à la production de plomb (de plus en plus demandé) lui fait perdre sa valeur.
  • - enfin l'argent est aussi victime du papier monnaie, en effet l'établissement, parallèlement à la monnaie or de billets de banque convertibles fait perdre à la monnaie d'argent sa raison d'être (celle permettant des transactions de moindres valeurs).
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    2312. Le développement de la monnaie papier

        Le billet existe depuis le 18ème mais est considéré comme un palliatif, il supposait une confiance envers celui qui l'émettait. Cette confiance ne pouvait se développer que dans une période de prospérité. Ce fut le cas au 19ème et les avantages du billet apparurent vite aux commerçants. Le billet de banque à la différence de l'effet de commerce a une valeur fixe, est transmissible à n'importe quel porteur et porte la signature d'un banquier connu.

        Le banquier doit être rigoureux dans son émission et tenir compte de l'encaisse métallique. Quand le billet reçoit le cours légal il devient une véritable monnaie et se développe rapidement. La monnaie papier a une grande élasticité vis à vis des besoins économiques. Mais cet avantage implique un risque celui d'émettre trop de billets. C'est pourquoi on fut conduit à réglementer l'émission de papier monnaie.

        Le système d'émission de monnaie papier en France est lié à la remise en ordre effectuée par Bonaparte sous le consulat.

        Après l'échec des assignats et la suppression en 1794, des Banques et Associations de commerce,en 1796 le directoire autorisa a nouveau l'établissement de Banques.2 banques se créent, la caisse des comptes courants et la caisse d'escompte du commerce. La Banque de France fut fondée le 16 Février 1800 en remplacement de la caisse des comptes courants. C'était une société par actions( 30 000 actions de 1000 Francs. Capital versé en monnaie métallique).

    La Banque de France n'eut pas d'abord de privilèges particuliers, l'A.G était formée par les 200 plus gros actionnaires qui nommait régents (15) et censeurs (3). La Banque de France se livrait aux opérations bancaires classiques (escompte, avances, dépôts, émissions de billets en fonction de l'encaisse mais sans règle stricte). Les billets de grosses coupures (mini 500F = 15 fois le salaire d'un ouvrier) n'avaient pas le cours légal.

    Une première crise de solvabilité la toucha en 1805, et en 1806 une première réforme resserra le contrôle de l'état. La banque serait désormais dirigée par un gouverneur nommé par le ministre des finances et 2 sous gouverneurs. Des hauts fonctionnaires étaient introduits dans le conseil de Régence au côté des représentants des 200 plus gros actionnaires.

    La Banque de France était à la fois un organisme gouvernemental et privé.

    - la Banque détenait le privilège de l'émission des billets de banque qui devaient être garantis sur ses réserves en métaux précieux (or et argent) et sur les "papiers" escomptés portant 3 signatures (créancier, débiteur et banquier escompteur), Conformément au principe du Banking School, cette seconde garantie liait l'émission des billets à la marche des affaires.

    - La banque avait reçu le privilège de l'émission uniquement pour la région parisienne.

    Ce privilège fut progressivement étendu à l'ensemble de la France.

    - en 1836 des succursales furent crées à St Etienne, Montpellier, Valenciennes, Strasbourg.

    - Les autres banques provinciales qui avaient le privilège de l'émission dans leur région sont absorbé%les unes après les autres, en 1848 toute la circulation de monnaie papier en France est contrôlée par la BdF.

    1848, marque une date charnière dans l'histoire de la Banque. L'obtention de monopole est bien sur liée aux difficultés économiques liées à cette grave crise du milieu du XIXème siècle.

    Le gouvernement a besoin de la Banque pour obtenir des avances, aussi le 15 Mars 1846, le gouvernement proclamé le cours légal et le cours forcé des billets de la Banque de France dont les valeurs sont aussi abaissées (création du billet de 100 F en 1848 au lieu de 500 et 1000 F, le billet de 50F sera crée en 1864).

    NB. cours légal : pouvoir libératoire illimité, le billet ne peut être refusé.

    cours forcé : le porteur du billet ne peut plus exiger la convertibilité en or ou en argent.

    Le risque est alors une émission de billets par des opérations de crédits à l'état ou autres. Pour éviter les craintes du public une loi de 1848 fixe un plafond à l'émission, en même temps que la Banque de France décide de publier des situations hebdomadaires.

    Mais les difficultés politiques et économiques apaisées, le cours légal est aboli, la libre convertibilité rétablie et le plafond suprimé en 1850 (Aôut).

    En 1870, la guerre franco-allemande entraîna à nouveau le retour du cours légal,du cours forcé et du plafond d'émission.

    La situation financière de l'état se restaure, il rembourse ses avances à la Banque de France et le cours forcé est supprimé en 1877 mais le cours légal est maintenu à titre définitif (décret de 1875) ainsi que le plafond d'émission.

    Mais le plafond est mobile, les PP le font varier en fonction des besoins de l'économie donc de la croissance.

    Fixé à : 1800 Millions en 1870, il atteint 6800 Millions en 1914, pour arriver à 58,5 Milliards en 1925.

    En 1914, Suspension convertibilité, Rétablissement de la convertibilité en 1928 mais contre des lingots uniquement. (Gold bullion standard) après une dévaluation de 80% du Franc (création du Fanc Poincaré)

    En 1928 La loi abroge le maximum légal (le plafond) et adopte le principe d'une proportion minimum obligatoire entre l'encaisse métallique de la banque et le montant de ses engagements à vue, c'est à dire une couverture proportionnelle de 35% entre or et billets et comptes courants. Le système durera jusqu'en 1936, date à laquelle le billet deviendra inconvertible.

    En 1914, il circule en France :

    En 1810, 4F de billets par habitants, en 1850, 13F de billets par habitants et en 1913, 141F de billets par habitants

    En 1914, la France dispose de 5 à 6 fois la M.M de 1789.

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    2313. Les progrès plus timides de la monnaie scripturale

    A côté de la circulation des billets de banque, il y en a une autre plus importante, celle des crédits des banques.

    Si les banquiers qui n'ont pas le droit d'émettre des billets de Banque en avaient été réduits à prêter aux emprunteurs uniquement la monnaie métallique et les billets de banque des déposants, les besoins de crédits des commerçants et des industriels n'auraient pu être satisfaits.

    Mais les banques ordinaires ont tourné la difficulté, elles font des prêts à leurs clients par simples inscriptions de crédits à leurs noms sur leur livres de compte. Les banques de crédit émettent "le droit de tirer des chèques sur sur elles". Les crédits en compte courant constituent une monnaie, nouvelle qui est créée par les banques et qui sans avoir le caractère de monnaie légale joue un rôle dans les échanges.

    En France, le développement de la monnaie scripturale et de l'usage du chèque est beaucoup moins grand qu'en Grande Bretagne comme l'atteste les chiffres ci-contre

    Masse monétaire française (en %)
      1803 1845 1870 1910
    Espèces 95% 82% 68% 33%
    Billets  5% 8% 18% 23%
    Dépôts   10% 14% 44%
    Masse monétaire anglaise et galloise en %
      1800 1844 1885
    Espèces 40% 25% 18%
    Billets 50% 20% 5%
    Dépôts 10% 55% 77%

    Une des raisons est sans doute la plus grande souplesse et liberté accordée à la Banque de France dans l'émission de billets alors qu'en Angleterre avec l'Acte Peel l'émission de billets était enfermée dans des règles rigides.

    Alors que les premières "Clearing House" ou Chambre de compensation entre banques apparaissent en G.B à la fin du 18ème siècle 1760 à Edinburgh,1776 à Londres. La chambre de compensation des banquiers de Paris date de 1872(1868 : Autorisation du chèque), une quarantaine de banques en sont membres y compris la banque de France et s'y réunissent 3 fois par jour.

    Le tableau ci-contre marque bien la différence d'activité entre Londres et Paris, qui témoigne d'un usage du chèque beaucoup plus répandu.

    Sommes payées par compensations ou "clearing" entre les banques à Londres et à Paris

    sources : G. Pirou la monnaie, sirey 1947

      LONDRES PARIS
      en milliards de £ équivalence en milliards de FF en Milliards de FF équivalence en milliards de £
    1868 3.4 86.7 0.801 0.31
    1900 8.9 226.95 5.238 0.209
    1910 14.16 372.30 14.834 0.581

        Si les sommes inscrites en dépôts progressent jusqu'en 1914 et montrent ainsi un rattrapage, on peut aussi penser que c'est la spécialisation assez tardive du système bancaire français qui peut expliquer ce retard relatif dans le développement de la monnaie scripturale ce que nous allons voir maintenant.

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    232. L'évolution du système bancaire : une spécialisation tardive

    2321. Jusque 1830-1850 : Prédominance de l'ancien système bancaire

        Beaucoup de petites banques locales avec une envergure réduite. Seules les banques des grandes villes ont pu prendre plus d'importance. Le crédit commercial était pratiqué avec prudence notamment sur le commerce international, l'escompte et le change des monnaies constituaient les activités traditionnelles. Le placement des emprunts publics intéresse également de plus en plus leur activité de même que la spéculation

        Les grandes banques privées étaient animées par des familles de financiers disposant de leurs capitaux propres et de relations politiques privilégiées souvent constituées en sociétés en nom collectif ou en commandite simple. Dès le début du 19ème siècle, Paris comptait déjà de solides banques privées, souvent dirigées par des protestants ou des israélites venus avant a révolution ou sous l'Empire : Lazard, Hottinguer, Fould, Cohen, d'Auvers, Mallet (de Genève), Vernes, Mirabaud, Davillier, de Neuflize, Seillières, James Rothschild le 5ème frère issu de Francfort (1814). Ils formaient la "Haute Banque", club informel mais très fermé qui vivait du placement des capitaux mais ne recevait pas de dépôts.

    Ces banques étaient assez proches des Merchant Bank ou Banques d'affaires :

    2322- 1830-1860 : l'Age héroïque des aventuriers de la Finance.

        En France les Saint -Simoniens préconisaient depuis longtemps un développement du crédit pour répondre à l’essor de l'économie. Quelques précurseurs tentèrent de créer de grandes banques qui participeraient « au succès de toute entreprise, de toute invention et de tout perfectionnement relatifs à l'agriculture, l'industrie et au commerce".

        Ces banques nouvelles en plus des activités traditionnelles citées plus haut s'engagent plus intensément au côté des industriels par des opérations de crédit à court et long terme aux industriels français ou étrangers, des investissements dans les compagnies de chemin de fer mais aussi les opérations d'assurance. Si les profits étaient grands, les risques l'étaient eux aussi et l'ascension de certaines fut aussi rapide que leur chute. Le problème principal posé était l'équilibre des ressources des banques à long et à court terme, de nombreuses s'engagèrent trop loin dans les opérations à long terme et furent incapables de faire face à leur engagement à court terme. Abandonnées par leur collègue ou la banque de France, ces banques furent l'objet de retentissantes faillites.

        L'histoire retient deux noms : celui de Jacques Laffitte, le précurseur qui créa en 1837 "La caisse générale du commerce et de l'industrie" qui fut réduit à la faillite en 1848 avec la crise économique.

        Et ceux des frères Pereire dont la rivalité avec les Rothschild inspira à Emile Zola son roman 'L'ARGENT".

        Les frères Emile (1800-1875) et Isaac (1806-1880), petit-fils d'un juif portugais qui vivait à la cours de Louis XVI, travaillèrent d'abord chez James de Rothschild et furent très proches des Saint -Simoniens. Ils créèrent d'abord la société du chemin de fer de Saint-Germain avant de devenir banquiers. Ils furent à l'origine de différents organismes de crédit en 1852.

    - Le Crédit Foncier de France et sa filiale le Crédit Agricole (1852) qui étaient des sociétés de crédit hypothécaire qui pratiquaient le prêt à moyen terme sur garantie hypothécaire à intérêt raisonnable. Le crédit hypothécaire est une innovation française à l'origine créée pour aider les agriculteurs à trouver des financements sans devoir passer par les usuriers ou les notaires. Les Pereire s'engagèrent totalement aux côtés d'Haussman.

    - Le comptoir d'escompte de Paris qui secourt les commerçants en détresse dans la crise de 1848 sous la garantie de l'état fut inspiré par les Pereire et fut transformé en 1854 en SA pour devenir un grand établissement de crédit aux nombreuses succursales (aux colonie5en Orient) et filiales (Banque d'Indochine).

    - Dès 1851, les Pereire proposent la création d'une banque des chemins de fer, puis d'une Banque des Travaux publics et finalement obtiennent gain de cause par le décret qui autorise la Société Générale de Crédit mobilier en Novembre 1852. Leur société a pour but d'être le financier unique des compagnies de chemin de fer, mais pratique aussi les opérations traditionnelles.

    -Les Pereire multiplient en quelques années les participations et les créations en France.
  • -Chemin de fer du Midi, du Centre, de l'Est.
  • -Compagnie du Gaz de Paris, des omnibus de Paris.
  • -Compagnie Générale Transatlantique, Hôtel du Louvre.
  • -Compagnie d'Assurance à l'étranger malgré les Rothschild qui. les suivent à la trace.
  • -en Espagne, Crédite Mobiliano.
  • -en Piemont, Crédite Mobiliano Italiano.
  • -au Pays Bas, à Londres et en Allemagne.
  •     Mais leur dynamisme et leur réussite amenèrent bien des inimitiés chez les Rothschild car ils sont de dangereux concurrents sur des marchés convoités, mais aussi à la Banque de France et au gouvernement qui leur refuse plusieurs fois une augmentation de capital. La faillite d'une de leurs filiales, la Société Immobilière, les amena à solliciter une avance de la Banque de France qui les contraint à démissionner et à abandonner leur Banque à un liquidateur en 1863 (Septembre).

        Ces aventures financières eurent le grand mérite de pousser la Haute Banque a bouger en mettant en évidence de nouvelles sources de profitabilité et celle-ci comme le montre la Rivalité des Rothschild et des Pereire étend ses activités en direction des entreprises de chemin de fer. En effet, le succès des premiers emprunts des compagnies de chemin de fer montre bien l'intérêt des classes moyennes (commerçants, rentiers) pour ces placements.

        La question qui se pose alors est : comment faire sortir les capitaux de leur cachette pour placer les emprunts obligataires qui rapportent aux banquiers de substantielles commissions.

    2323. L'apparition des nouvelles banques

        C'est la loi de 1863 sur les sociétés anonymes qui va permettre de créer des établissements bancaires capables de drainer l'épargne des classes moyennes et plus tard dans l'entre deux guerres l'épargne dite "populaire" ,en 1863, la création d'une SA n'est plus soumise à autorisation gouvernementale si le capital est < 20 millions de Francs (en 1867 cette restriction disparaît).

    Dans la foulée vont se créer des grandes banques par actions dont certaines subsistent toujours.

        La plupart de ces banques brassent à la fois du court et du long terme à l'image du Crédit Lyonnais de H.Germain qui au départ banque locale s'étend très vite vers Paris, ses implantations suivant celles du chemin de fer, de la Banque de France et de sa rivale la Société Générale. Jusqu'en 1882, H.Germain mène de front les opérations ordinaires de banque et les "extraordinaires". Les premières réalisées par les agences assurent les rentrées d'argent (dépôts à vue, à terme) et les opérations courantes de crédit couvrent les frais de fonctionnement et de dividendes. Le siège prenant des risques plus lucratifs : commandite, emprunts publics étrangers , report en bourse, prêt à moyen terme.

        Enfin, il ne faut pas avoir du système bancaire français de cette époque une image dichotomique, d'une querelle des anciens et des modernes. En effet, la Haute Banque ne se désintéresse pas de ces nouvelles banques au contraire, on trouve un grand nombre de personnalités de la haute banque dans les conseils d'administration de ces sociétés anonymes les Fould, les Mallet, les André, Seilliere par exemple. Il est possible de voir un lien de complémentarité entre nouvelles et anciennes banques. Les grandes sociétés anonymes sont toutes désignées pour drainer l'épargne des capitalistes moyens dans un premier temps puis des petits capitalistes ensuite. Toutes clientèles qui n'intéressent pas fondamentalement la "Haute Banque".

    2324. Une spécialisation tardive après 1880

        Le ralentissement de l'activité vers 1880 entraîne des difficultés dans les industries soutenues par les banques en France comme à l'étranger. Le premier H.Germain réoriente l'activité du Crédit Lyonnais vers sa "règle d'or", favoriser le court terme, renoncer aux aventures industrielles et rechercher systématiquement les bons emprunts d'états -étrangers à placer auprès de la clientèle française.

        Il fut suivi par d'autres banques qui deviennent enfin de vraies banques de dépôts alors que d'autres deviennent des Banques d'affaires.

  • Principales Banques d'affaires : Crédit industriel et commercial, Banque de Paris des Pays Bas.
  • Principales Banques de dépôts : Crédit Lyonnais, Société Générale Banque de l'Union Parisienne. CCF, Banque Nationale de crédit puis BNCI.
  •     La spécialisation du système bancaire français fut donc assez tardive dans le XIX mais se rattache cependant à ce type de modèle (proche du modèle anglais).

        D'autre part, à partir de la veille de la l ère ww, l'intervention de la Banque de France devient de plus en plus active limitant les risques de la transformation ce qui permit aux banques de dépôts d'être à nouveau plus hardies dans leur politique de crédit.

        Enfin on peut aussi signaler que les banques eurent de plus en plus tendance à s'entendre pour orchestrer plus ou moins honnêtement (manipulation de la presse) le drainage de l'épargne vers les emprunts étrangers plus rentables pour les banques que les placements français ce qui fut reproché fréquemment à la finance française, qualifiée dès 1912 d'oligarchie. Il est vrai que les 11 milliards de Francs (1/4 des placements hors de France) placés en Russie peuvent paraître avec le recul comme le fait d'une politique placement bien légère dans l'intérêt de l'épargnant.

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    24. Les échanges extérieurs.

    241. La balance commerciale

        Au 19ème, le commerce est principalement européen, la France fut assez loin derrière la Grande Bretagne, la seconde puissance exportatrice avant d'être dépassée vers 1880 par l'Allemagne.

    La France exporte surtout des produits manufacturés (entre 50 et 60% selon la période) en 1913 (20% Biens d'équipement ,42% Textile Habillement)

    Les produits agricoles sont aussi exportés mais à hauteur de 1 Milliard seulement en 1913.

    La France importe principalement des matières premières (2/3) des denrées agricoles et des produits manufacturés (1/6 + 1/6).

        Le commerce Français comme le commerce anglais est déficitaire. Depuis 1831, seules avaient été excédentaires 2 décennies de 1851 à 1870. Depuis 1876, une seule année a été excédentaire (1905) et faiblement. Le graphique ci-dessous montre particulièrement l'effet néfaste de la période libre échangiste sur la balance commerciale et les exportations dont la croissance est ralentie.

    242. La balance des paiements courants.

        Comme la Grande Bretagne, la France compense le déficit de sa balance commerciale par les excédents de sa balance des invisibles.

        En 1914, Le déficit commercial est d'environ 1,7 Milliards de Francs. Les excédents nets d'invisibles : 600 Millions au titre du tourisme, 400 Millions de services divers,2200 Millions d'intérêts des capitaux placés à l'étranger couvrent largement ce déficit commercial, Le solde est positif de 1,5 Milliards pour la balance des paiements courants.

        Au total sur les 25 ans qui précèdent la 1ère WW, les excédents accumulés sont de 26 Milliards de Francs qui viennent alimenter les caisses de la Banque de France en or ou en devises et permet la croissance de la masse monétaire malgré le déficit commercial.

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    25. La question sociale en France

        L'Angleterre n'a pas eu le triste monopole de la misère ouvrière, celle-ci a largement contribué à faire éclater les révolutions de 1830 et 1848. L'emploi dépendait des caprices du marché, l'insécurité était grande.

        En 1840 : Le rapport Villermé (le docteur) souligne l'insuffisance des salaires qui permettent à peine à un couple ouvrier de survivre lorsque tout va bien, dénonce le travail des enfants dans le textile (16H par jour). "Ce n'est pas un travail à la tâche, c'est une torture. On l'inflige à des enfants de 6 à 8 ans mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir dès 5 heures du matin la longue distance qui les sépare des ateliers". C.Fohlen souligne que sous le 2nd Empire, les conditions de travail n'avaient pas beaucoup changé et les parents souhaitaient par nécessité que les enfants travaillent dès que possible. Un rapport médical des usines Dollfus Mieg à Mulhouse vers 1860 notent "Deux ans de ce travail (10 à 11H par jour) suffisaient pour détruire la santé et la beauté de la jeune fille".

        Malgré ou à cause d'une industrialisation différente, la France connaît une évolution de la question ouvrière beaucoup plus marquée par la "lutte des classes" et la peur du bourgeois vis à vis de cette "classe dangereuse" que dans le cas anglais. La plupart des ouvriers français jusqu'en 1880 proviennent de l'artisanat urbain par déqualification successive et par intégration des itinérants nombreux au 18ème. L'exode rural n’alimente la classe ouvrière qu’après 1880.

    251. La naissance du droit du travail.

        La révolution de 1789 a ouvert les voies du libéralisme individualiste en brisant l'ancien système des corporations. La loi Le Chapelier. 14 et 17 Juin 1791 a décidé "l'anéantissement de toutes espèces de corporations" et interdit leur reconstitution. Le souci de la liberté individuelle s'exerce au détriment des ouvriers qui se trouvent sans protection vis à vis du patronat.

        En 1841. La première loi réglementant le travail en France à la suite de de l'enquête de Villermé concerne le travail des enfants de moins de 8 ans : interdiction du travail des enfants de - 8 ans dans les usines de plus de 20 ouvriers, 8H par jour entre 8 à 12 ans, 12H par jour entre 12 à 16 ans, interdiction du travail de nuit pour les moins de 13 ans avec prime 2H payée 3H. Cette loi plus sévère que la loi Anglaise trouva peu d'application faute de l'existence d'un corps d'inspection.

        La révolution de 1848 fait progresser momentanément le droit du travail car après les journées de juin, une partie de la législation votée au début de l'année sera reportée.  En Février 1848, le gouvernement crée la "Commission du Luxembourg" où employeurs et salariés recommandent d'abaisser la journée de travail à 10H à Paris et à I1H en Province. (Loi 2 Mars 1848) mais après les journées de Juin, le parlement vote une augmentation de la journée à 12 H.

        C'est la 3ème république qui légiférera le plus dans le domaine de la durée du travail, des conditions d'hygiène et de sécurité (12 Juin 1893) et accordera le repos hebdomadaire (13 Juillet 1906).

        Cependant la naissance du droit du travail ne peut être dissociée du mouvement ouvrier en général et de son organisation qui en France fut une langue lutte pour reconquérir le droit d'association.

    252. Les débuts du syndicalisme ouvrier.

        Comme en Angleterre, le droit d'association est interdit en France à la fin du 18ème siècle et l'action syndicale est condamnée. Mais les raisons de cette interdiction tiennent davantage aux idées du 18ème et à la révolution de 1789 qu'à la pression des transformations économiques qui n'ont pas alors atteint le stade de révolution industrielle proprement dite.

        C'est une réaction contre les réglementations de Colbert et les corporations qui anime au départ les promoteurs de l'abolition. TURGOT partisan du libéralisme économique avait supprimé en 1776 les jurandes, maîtrises et corporations. Mais devant le mécontentement, il fallut les rétablir quelques mois plus tard.

        La Révolution Française de 1789 abolit toutes les entraves que l'Ancien Régime faisait supporter à la liberté individuelle.

    - La loi d'Allarde (2.17 Mars 1791) proclame la liberté de l'industrie et du commerce et supprime tous les privilèges des professions.

    - La loi Le Chapelier (14-17 Juin 1791) supprime les corporations et interdit les associations. Le contrat de travail ne peut être qu'individuel et la liberté théorique des parties est totale.

        Ajoutons que la loi pesait en faveur des patrons et que l'ouvrier semblait plus ou moins suspect. La pratique du livret ouvrier trahit cette méfiance établi en 1746, le livret fut supprimé en 1791 et fut rétabli le 12 Avril 1803. Napoléon y voyait un moyen de faire contrôler les ouvriers par la police. Pratiquement abandonné sous la Restauration, le livret fut rétabli par Napoléon III le 22 Juin 1854.

        L'article 1781 du code Napoléon précise que "le maître est cru sur son affirmation "ce qui n'est pas le cas pour l'ouvrier. Ce n'est qu'en 1868 que l'égalité entre patron et ouvrier est reconnu.

        L'histoire du travail en France jusqu'à la commune de Paris est celle d'une série de luttes et de soulèvements suivis de répressions sanglantes.( Juin 1848. Grève de 1868-1969).

        en Février 1864. Le manifeste des soixante (Tolain) revendique le droit d'association et de coalition.

        La Loi du 25 Mars 1864 supprime le délit de coalition et reconnaît le droit de grève. Le gouvernement autorise également la création de Chambres syndicales à vocation professionnelle.

    1864 est aussi la date de la première internationale des Travailleurs à Londres marque le triomphe des thèses de K.Marx pour associer l'action économique et politique de la classe ouvrière.

    Art 7 de l'AIT :

    "Dans sa lutte contre le pouvoir collectif des classes possédantes, le prolétariat ne peut agir comme classe qu'en se constituant lui-même en parti politique distinct opposé à tous les anciens partis formés par les classes possédantes...La coalition des forces ouvrières, déjà obtenue par la lutte économique, doit aussi servir de levier aux mains de cette classe dans sa lutte contre le pouvoir politique de ses exploitants". "Les seigneurs de la terre et du capital se servant toujours de leurs privilèges politiques pour défendre et perpétuer leurs monopôles économiques et asservir le travail, la conquête du pouvoir politique devient le grand devoir du prolétariat".

        Dans l'optique marxiste, le syndicalisme devait donc intégrer l'action économique et l'action politique. L'influence des Marxistes fut importante dans le mouvement ouvrier français (et allemand) contrairement au syndicalisme anglais qui souhaitait l'émancipation des travailleurs par l'éducation, le mutualisme et les revendications économiques et divisait l'action politique (prendre le pouvoir) et l'action syndicale (améliorer le niveau de vie des travailleurs).

        En 1865 une section française de l'AIT est tolérée mais les violentes grèves de 1867-1868 sont réprimés par le Second Empire. Le mouvement ouvrier ne semblant pas s'orienter comme le souhaiterait Napoléon III vers un syndicalisme Anglais. Ce n'est qu'en 1884 que le gouvernement de la 3ème république reconnaît le droit d'association et que les syndicats peuvent se créer.

        Deux organisations rivales mais résolument anticapitalistes naissent.

    - en 1886 : La Fédération des syndicats qui est une fédération d'industrie d'inspiration Guediste (lie action syndicale à celle du parti) dont l'influence est forte dans les grandes entreprises (mines, métallurgie).

    - en 1892 : La Fédération des Bourses est fondée par Fernand Pelloutier un journaliste anarchisant qui prône l'action directe en dehors d'un parti.

    - en 1895 :Les deux fédérations se regroupent dans la Confédération Générale du Travail (CGT) qui deviendra vraiment puissante en 1902. en 1895 la CGT compte 300 000 adhérents sur 420 000 syndiqués.

        La compétition entre anarchistes et marxistes compliquée par l'apport d'autres courants socialistes (Proudhonnien par exemple) est une originalité du syndicalisme français. La fédération des bourses est la plus active et réussit à imposer son point de vue sur les méthodes d'action et l'attitude à adopter vis à vis des partis. Le principe de la grève est maintenu mais la méfiance vis à vis du syndicalisme politique conduit à la Charte d'Amiens (1906). La CGT refuse de s'allier au Parti Socialiste unifié.

    Cependant les statuts de la CGT précise :

  • - qu'elle groupe tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du patronat et du salariat.
  • - que le mouvement syndical fera la révolution par la grève.
  • - que syndicat sera dans l'avenir groupe de production et de répartition base de de l'organisation sociale.
  • - que les travailleurs n'ont pas de patrie, qu'à la déclaration de guerre ils répondront par la grève générale.
  •     Le rôle de la Fédération des Bourses donne au syndicalisme Français une tonalité antiparlementaire, antimilitariste et anarchisante. Il oscille entre le goût de l’action directe (sabotage, boycott) et le réformisme (journée de 8h). Certains comme Georges Sorel dans ses « Réflexions sur la violence » exaltent l’action, seule créatrice, le rôle des minorités agissantes, la foi dans la violence prolétarienne pour aboutir à la révolution.

        Cependant en 1892, paraît l’encyclique Rerum Novarum (Léon XIII) et avec elle, l’idée d’un syndicalisme et d’un patronat chrétien (Léon Harmel)

        Le syndicalisme croît rapidement en englobant un nombre croissant d’ouvriers non qualifiés et dont l’arme principale jusqu’en 1914 est la grève.

    Conclusion :

        La France à la fin du 19ème est un pays industriels dont l’évolution vers le capitalisme capitalistique s’accélère à partir de 1895.

        Cependant son parcours apparaît original au point que les historiens modernes n’hésitent plus à parler d’un modèle français de développement au 19ème dont les principaux traits sont :

  • la persistance d’une ruralité
  • la préférence pour l’innovation de produit plutôt que de procédé
  • le dualisme des structures industrielle
  • une tutelle de l’Etat de la finance sur la grande industrie
  • une distanciation des classes sociales marquée par une grande méfiance entre ouvriers et patrons.
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