LES CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES (CSP)

 et

PROFESSIONS ET CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES (PCS)

 

1 – Un outil d’observation de la société française : la nomenclature des Catégories Socioprofessionelles (CSP).

 

11 – Les méthodes de constitution des CSP.

12 - Nomenclature des catégories socioprofessionnelles utilisée entre 1954 et 1975

13 – Les résultats de l’observation entre 1954 et 1982.

 

2 – Un produit historiquement daté qui doit évoluer : la nouvelle nomenclature de 1982.

 

21- Les motifs du changement de la nomenclature

22- La nomenclature depuis 1982

221- La nomenclature utilisée depuis 1982.

222 - Recherche d'une plus grande homogénéité des catégories

223- CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES ET PROFESSIONS ET CATEGORIES SOCIALES 

 

3 - Une portée limitée dans le temps et dans l’espace

 

4 - Des CSP/PCS aux classes sociales.

41- La CSP entre catégorie et classe sociale

42 - La CSP, un indice fiable de l'appartenance de classe

43 - Les CSP, un instrument de synthèse ?

44 - Les catégories socioprofessionnelles ne sont pas des classes sociales

 

Annexe N°1 : Les CSP ne font pas les classes (Alternatives économiques Hors série N°29)

Annexe N°2 : Population active classée selon les PCS de 1982 (1975-1996)

Annexe N°3 : Evolution en longue période des CSP (1850-1990)

Annexe N°4 : Les CSP changent de look (révision prochaine des CSP)

LES CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES (CSP)

 et

PROFESSIONS ET CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES (PCS)

 

            Si le concept de classe soulève autant de controverses, c’est bien parce qu’il est au cœur de toute réflexion sur le pouvoir et l’inégalité dans les sociétés démocratiques. De son côté, l’INSEE propose un classement qui élude cette polémique et fournit plutôt un outil d’analyse, qui découpe la société en grandes catégories : les Professions et Catégories Sociales (PCS). Pour autant, il ne met pas un terme au débat.

 

1 – Un outil d’observation de la société française : la nomenclature des Catégories Socio professionnelles (CSP).

 

11 – Les méthodes de constitution des CSP.

 

            L’élaboration des CSP est rendue nécessaire par des raisons pratiques. Les recensements, par exemple, fournissent une multitude de professions déclarées par les personnes recensées. Ces professions ne constituent pas des groupes utilisables pour l’analyse de la société, il faut par conséquent opérer à des regroupements susceptibles de réduire cette multitude sans trop nuire aux caractéristiques originales de certaines professions. L’objectif  du statisticien  est de « classer l’ensemble de la population, ou tout au moins l’ensemble de la population active, en un nombre restreint de grandes catégories présentant chacune une certaine homogénéité sociale ». (code de INSEE)

 

Cette homogénéité suppose l’existence de certaines relations entre les personnes que l’on classe dans la même catégorie : relations de voisinage, de fréquentation, éventuellement de mariage, etc.

Ces personnes doivent également avoir des comportements et des opinions analogues : modèles de consommation, comportements culturels, opinions politiques…

Elles doivent enfin témoigner un certain sentiment d’appartenance recueillant, si possible, l’assentiment des autres membres du groupe : « je me considère comme ouvrier, et les personnes de ce même groupe me considèrent effectivement comme tel ». Cette dernière condition n’est pas toujours réalisée, car les enquêtes font confiance à la déclaration de l’intéressé, et le contrôle exercé par le groupe n’est donc pas pris en compte.

            Mais il y a loin évidemment de ces intentions à la réalité, car celle-ci est d’une redoutable complexité. Ce qui peut d’ailleurs donner à réfléchir à ceux qui manient avec imprudence le concept de classe sociale.

            Pour réaliser des coupures significatives et ainsi constituer ses catégories, le statisticien dispose de deux méthodes :

 

a) la méthode abstraite qui utilise des critères définis est en principe la meilleure. Je décide de mettre dans la même catégorie toutes personnes :

1)      salariés

2)      ayant un travail manuel d’exécution.

Je peux ensuite faire varier ces critères, et je constituerai des catégories en considérant les personnes qui ne sont pas salariées, celles qui n’exercent pas un travail manuel, celles dont le travail est plutôt de direction, etc. Cette méthode a pour inconvénient de supposer que les positions sociales se situent dans un espace continu que l’on peut découper à sa guise. Or, la société procède à une organisation dont on ne peut ignorer les contours ;

 

b) la méthode empirique moins satisfaisante pour l’esprit, a pour l’avantage d’aboutir plus vite à des regroupements utilisables. Ici je raisonne à partir de cas typiques que je trouve dans les représentations sociales spontanées : l’agriculteur, le cadre, l’ouvrier, l’employé, etc. Partant de ces cas typiques, je vais classer dans la même catégorie les professions qui ressemblent au cas typique.

 

En fait, les deux méthodes se complètent et s’accompagnent en dernier ressort d’un certain bricolage. Comme le montre l’exemple suivant  concernant la catégorie employés de commerce telle qu’elle est présentée dans le code de 1968

 

53. Employés de commerce.

Cette catégorie comprend les salariés qui participent directement à de opérations commerciales. La plupart d'entre eux appartiennent au secteur privé.

Cas typiques :

Employé de commerce ;

Vendeur.

Y sont classés également :

Commis de magasin ;

Auxiliaire de magasin ;

Apprenti vendeur ;

Garçon épicier ;

Garçon tripier ;

Garçon boucher ;

Apprenti boucher ;

Gérant de magasin à succursales multiples ;

Démonstrateur (sal. ou s.n.p.) ;

Voyageur de commerce (sal. ou s.n.p.) ;

Démarcheur (sal. ou s.n.p.).

En sont exclus :

Garçon boulanger, classé en « 61. Ouvriers qualifiés » ;

Garçon charcutier, classé en « 61. Ouvriers qualifiés » ;

Garçon de café, classé en « 72. Autres personnels de service » ;

Acheteur, classé en « 44. Cadres administratifs moyens » ;

Chef de rayon, classé en « 44. Cadres administratifs moyens » ;

Voyageur de commerce {a.s.c.), classé en « 27. Petits commerçants » ;

Représentant (sal. ou s.n.p.), classé en «  44. Cadres administratifs moyens »
Camelot (a.s.c. ou s.n.p.), classé en « 27. Petits commerçants ».

 

12 - Nomenclature des catégories socioprofessionnelles utilisée entre 1954 et 1975

 

10 groupes

39 catégories

0. Agriculteurs exploitants

00. Agriculteurs exploitants

1. Salariés agricoles

10. Salariés agricoles

2. Patrons de l’industrie et du commerce

21. Industriels

22. Artisans

23. Patrons pêcheurs

26. Gros commerçants

27. Petits commerçants

3. Professions libérales et cadres supérieurs

30. Professions libérales

32. Professeurs, professions littéraires et scientifiques

33. Ingénieurs

34. Cadres administratifs supérieurs

4. Cadres moyens

41. Instituteurs, professions intellectuelles diverse

42. Services médicaux et sociaux

43. Techniciens

44. Cadres administratifs moyens

5. Employés

51 Employés de bureau

53. Employés de commerce

6. Ouvriers

60. Contremaîtres

61. Ouvriers qualifiés

63. Ouvriers spécialisés

65. Mineurs

66. Marins et pêcheurs

67. Apprentis ouvriers

68. Manœuvres

7. Personnel de service

70. Gens de maison

71. Femmes de ménages

72. Autres personnels de service

8. Autres catégories

80. Artistes

81. Clergé

82. Armée et police

9. Personnes non actives

91. Etudiants et élèves de 17 ans et plus

92. Militaires du contingent

93. Anciens agriculteurs

94. Retraités des affaires

95. Retraités du secteur public

96. Anciens salariés du secteur privé

97. Autres personnes non actives de moins de 17 ans

98. Autres personnes non actives de 17 à 64 ans

99. Autres personnes non actives de 65 ans et plus

 

13 – Les résultats de l’observation entre 1954 et 1982.

 

 

Effectifs

Structures (en%)

CSP

1954

1962

1968

1975

1982

1954

1982

Agriculteurs exploitants

3 966 015

3 044 670

2 464 156

1 650 865

1 448 480

20.7

 6.2

Salariés agricoles

1 161 356

826 090

584 212

375 480

303 720

6.0

1.3

Patrons de l’industrie et du commerce

2 301 416

2 044 667

1 955 468

1 708 925

1 736 940

12.0

7.4

industriels

91 067

80 660

80 720

59 845

71 340

0.5

0.3

artisans

757 380

637 897

619 808

533 635

573 240

4.0

2.4

Patrons pêcheurs

18 747

19 312

18 380

15 835

13 400

0.1

0.1

Gros commerçants

181 717

172 833

210 344

186 915

209 520

0.9

0.9

Petits commerçants

1 252 505

1 133 965

1 026 216

912 695

869 440

6.5

3.7

Professions libérales et cadres supérieurs

553 719

765 938

994 716

1 459 285

1 809 840

2.9

7.7

Professions libérales

120 341

125 057

140 572

172 025

220 240

0.6

0.9

Professeurs, prof. lit. et scie

80 380

125 126

213 420

377 215

478 860

0.4

2.0

ingénieurs

75 808

138 061

186 184

256 290

346 420

0.4

1.5

Cadres administratifs sup.

277 190

377 694

454 540

653 755

764 320

1.5

3.3

Cadres moyens

1 112 543

1 501 287

2 005 732

2 764 950

3 254 400

5.8

13.8

Instituteurs

384 984

421 189

562 096

737 420

828 440

2.0

3.5

Services médicaux et sociaux

110 101

172 748

298 455

432 080

1.8

Techniciens

193 206

343 986

530 716

758 890

922 520

1.0

3.9

Cadres administratifs moyens

534 353

626 011

740 172

970 185

1 071 360

2.8

4.6

Employés

2 068 118

2 396 418

2 995 828

3 840 700

4 676 500

10.8

19.9

Employés de bureau

1 627 548

1 885 508

2 371 128

3 104 105

3 745 700

8.5

15.9

Employés de commerce

440 570

510 910

624 700

736 595

930 800

2.3

4.0

Ouvriers

6 489 871

7 060 790

7 705 752

8 207 165

8 266 120

33.8

35.1

Contremaîtres

3 052 953

306 142

363 216

443 305

464 340

15.9

2.0

Ouvriers qualifiés

2 286 459

2 630 040

2 985 865

3 291 520

14.0

Ouvriers spécialisés

1 816 265

2 394 102

2 670 328

2 946 860

2 605 020

9.5

11.1

Mineurs

239 155

191 588

144 696

73 440

49 240

1.2

0.2

Marins pêcheurs

54 865

48 061

43 344

38 280

33 240

0.3

0.1

Apprentis ouvriers

201 310

251 044

256 208

106 690

123 520

1.0

0.5

Manoeuvres

1 125 323

1 583 394

1 597 920

1 612 725

1 699 240

5.9

7.2

Personnels de service

1 017 789

1 047 312

1 166 252

1 243 490

1 531480

5.3

6.5

Gens de maison

320 758

306 602

280 876

234 355

214 520

1.7

0.9

Femmes de ménages

239 408

222 467

227 328

154 100

111 920

1.2

0.5

Autres personnels de service

457 623

518 243

658 048

855 035

1 205 040

2.4

5.1

Autres catégories

513 937

564 023

525 860

524 000

497 640

2.7

2.1

Artistes

45 089

42 184

50 196

59 075

73 340

0.2

0.3

Clergé

171 394

165 634

137 124

116 945

61 000

0.9

0.3

Armée et police

297 454

356 205

338 540

347 980

363 300

1.6

1.5

Total

19 184 764

19 251 195

20 397 976

21 774 860

23 525 120

100.0

100.0

 

                                                                                                                                                                                        

2 – Un produit historiquement daté qui doit évoluer : la nouvelle nomenclature de 1982.

 

21- Les motifs du changement de la nomenclature

 

Tout ce qui précède montre le caractère empirique et perfectible de la construction des catégories. Mais les difficultés de méthodes ne sont pas seules en cause. En effet, la société elle-même se modifie et entraîne des changements dans les nomenclatures. Le texte qui suit fait le point d'une évolution qui fait ressortir les caractéristiques essentielles des catégories utilisées avant 1982.

LES CATÉGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES,
UN PRODUIT DE L’HISTOIRE

La façon de nommer des professions ou des groupes de professions reflète un moment et un état des rapports entre ces groupes : non seulement les mots évoluent, mais les ensembles désignés évoluent aussi. Ainsi, au début du siècle, les groupes clairement perçus étaient d'une part les patrons, et d'autre part les salariés, avec de plus une distinction nette entre ouvriers et employés. Si, pour les patrons, une échelle liée à l’importance de l’entreprise était claire, cette échelle n’apparaissait pas chez les salariés, en dehors de la distinction ouvriers employés. En revanche étaient perçues comme formant un groupe les professions impliquant des études supérieures, et sou vent désignées comme « professions libérales » ; elles rassemblaient non seulement des médecins ou des avocats, mais aussi des professeurs ou des ingénieurs salariés : et groupe est encore désigné sous le nom de « professions » dans les pays anglo-saxons.

Le terme de cadres, désignant de façon large des catégories supérieures ou moyen nés salariées, n'apparaît avec ce sens que dans les années 30. Aux petites entreprises de type familial se substituent peu à peu des organisations plus grandes impliquant des hiérarchies complexes, dont les membres ont de plus en plus souvent des formations particulières, et passent par des marchés d'emploi de type nouveau : des catégories à base institutionnelle voient donc le jour à travers la mise en place de ces marchés d'emploi, des négociations collectives entre salariés et patronat. De telles catégories existaient déjà depuis longtemps pour certaines professions garanties par un diplôme,  comme les médecins, mais s'étendent largement à partir de cette époque.

L'immédiat après-guerre est marqué par la généralisation à presque tous les sec leurs et à toutes les régions, d'un vocabulaire unifié pour désigner les catégories, ouvrières ou non : ce sont les catégories « PARODI », de manoeuvres, ouvriers spécialisés, ouvriers qualifiés, employés, techniciens, agents de maîtrise et cadres. Même si les frontières pratiques de ces catégories ne sont pas toujours précises, elles contribuent à fixer nettement une hiérarchie du salariat, dans des mots à résonance juridique, puis que inscrits dans des textes ayant des effets normatifs importants : législation du travail, systèmes de retraites, représentation professionnelle dans diverses institutions. Par un effet en retour, cette inscription dans des catégories et des mots de portée juridique contribue à donner une existence à des groupes, en créant des intérêts communs, des perceptions communes par les autres groupes, et donc à les faire passer dans le langage courant : ils constituent l'ossature du découpage des salariés dans la nomenclature socioprofessionnelle élaborée vers 1950.

L'instrument est un produit de l'histoire non seulement parce que les mots évoluent et changent de sens, mais aussi parce que, classant des individus à travers leurs professions, on suppose une certaine correspondance entre les professions et les attributs sociaux de leurs titulaires. Or, cette correspondance évolue, elle aussi. La complexité de l'instrument vient de ce qu'il trie, à la fois et inséparablement, des places dans le système des professions, et les individus qui les occupent : les objets classés sont en général des intitulés de professions, mais les regroupements ont été
effectués en tenant compte autant que possible des caractéristiques des individus qui occupent ces professions. Les critères de proximité entre professions sont (ou devraient
être) donc liés à la fois à leurs conditions d'exercice et aux particularités de leurs titulaires : ces dernières peuvent évoluer dans le temps, et le profil social d'une profession ou d'un groupe de professions peut être complètement changé en quelques décennies, comme c'est le cas par exemple si une profession se féminise, se rajeunit, ou est occupée par des individus plus diplômés, ou d'origine sociale plus élevée. Les enseignants, les médecins, les travailleurs sociaux, les artisans fournissent divers exemples de telles évolutions.

L'actuelle nomenclature est donc structurée d'une part par la distinction entre salariat et non salariat, et d'autre part sur une double hiérarchie, interne à chacun de ces deux ensembles,celle du salariat étant beaucoup plus détaillée. Une trentaine de« catégories » (à deux chiffres) sont regroupées en neuf « groupes » socioprofessionnel:(à un chiffre), les plus fréquemment utilisés, quand les effectifs analysés ne permettent pas l'emploi des trente catégories à deux chiffres. Le découpage fin permet donc non seulement la mise en évidence d'une « échelle sociale » partiellement liée à l'échelle des revenus ou à celle des diplômes, mais aussi de distinguer, pour certains niveaux de cette échelle, des catégories ayant des comportements particuliers selon qu'elle:sont plutôt fortement diplômées (enseignants, intellectuels), plutôt de revenus élevé:(patrons) ou cumulant ces deux traits (certaines professions libérales). Les catégories ouvrières peuvent être analysées selon l'échelle classique de la qualification, mais celle-ci ne recoupe qu'en partie les clivages liés à la stabilité de l'emploi. Or, dans les marchés de l'emploi  segmentés  entre des emplois stables et emplois précaires, qui se développent actuellement, de tels clivages sont importants ; ils ne sont pas encore appréhendés par la statistique nécessairement en retard, dans ses classements, sur les  découpages juridiques  en usage.

(Alain Desrosières et Laurent Thévenot, Données sociales 1981)

 

            Les raisons de modifier la nomenclature sont deux de deux ordres. D’ordre technique d’abord : il s’agit de réduire la part d’incertitude dans la définition des catégories, de permettre le rapprochement d’autres point de vue sur la réalité sociale. Mais elles sont aussi d’ordre méthodologique. En effet, au-delà de la pratique du classement qui est l’affaire des spécialistes, se pose le problème de l’adaptation de la nomenclature à une société qui évolue. D’autant plus que cette société n’est pas neutre par rapport aux classements proposés, comme le montre le document qui précède. L’objectif est ici essentiellement d’aboutir à une homogénéité plus grande des groupes sociaux ainsi constitués, sans tomber dans un émiettement excessif rendant la nomenclature inutilisable. Ici, comme dans beaucoup de domaines, « tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui est compliqué est inutilisable ».

 

22- La nomenclature depuis 1982

 

221- La nomenclature utilisée depuis 1982.

 

Niveau agrégé (8 postes dont 6 pour les actifs occupés)

Niveau de publication courante (24 postes dont 19 pour les actifs)

Niveau détaillé (42 postes dont 32 pour les actifs)

1. Agriculteurs exploitants

10. Agriculteurs exploitants

11. Agriculteurs sur petite exploitation

12. Agriculteurs sur moyenne exploitation

13. Agriculteurs sur grande exploitation

2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprises

21. Artisans

21. Artisans

22. Commerçants et assimilés

22. Commerçants et assimilés

23. Chefs d’entreprises de 10 salariés et plus

23. Chefs d’entreprises de 10 salariés et plus

3. Cadres et Professions intellectuelles supérieures

31. Professions libérales

31. Professions libérales

32. Cadres de la fonction publique et professeurs

33. Cadres de la fonction publique

34. Professeurs, professions scientifiques

35. Professions de l’information, des arts et des spectacles

36. Cadres d’entreprises

37. Cadres administratifs et commerciaux d’entreprises

38. Ingénieurs et cadres techniques d’entreprises

4. Professions intermédiaires

41. Professions intermédiaires de l’enseignement, de la santé, de la fonction publique, etc.

42. Instituteurs et assimilés

43. Professions intermédiaires de la santé et du travail social

44. Clergé, religieux

45. Professions intermédiaires administratives de la fonction publique

46. Professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises

46. Professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises

47. Techniciens

47. Techniciens

48. Contremaîtres, agents de maîtrise

48. Contremaîtres, agents de maîtrise

5. Employés

51. Employés de la fonction publique

52. Employés civils et agents de service de la fonction publique

53. Policiers et militaires

54. Employés administratifs d’entreprises

54. Employés administratifs d’entreprises

55. Employés de commerce

55. Employés de commerce

56. Personnels des services directs aux particuliers

56. Personnels des services directs aux particuliers

6. Ouvriers

62. Ouvriers qualifiés

62. Ouvriers qualifiés de type industriel

63. Ouvriers qualifiés de type artisanal

64. Chauffeurs

65. Ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et du transport

66. Ouvriers non qualifiés

67. Ouvriers non qualifiés de type industriel

68. Ouvriers non qualifiés de type artisanal

69. Ouvriers agricoles

69. Ouvriers agricoles

7. Retraités

71. Anciens agriculteurs exploitants

71. Anciens agriculteurs exploitants

72. Anciens artisans, commerçants, chefs d’entreprises

72. Anciens artisans, commerçants, chefs d’entreprises

73. Anciens cadres et professions intermédiaires

74. Anciens cadres

75. Anciennes professions intermédiaires

76. Anciens employés et ouvriers

77. Anciens employés

78. Anciens ouvriers

8. Autres personnes sans activité professionnelle

81. Chômeurs n’ayant jamais travaillé

81. Chômeurs n’ayant jamais travaillé

82. Inactifs divers (autres que retraités)

83. Militaires du contingent

84. Elèves, étudiants

85. Personnes diverses sans activité professionnelle de moins de 60 ans  (sauf retraités)

86. Personnes diverses sans activité professionnelle de 60 ans et plus (sauf retraités)

D’après INSEE, 1982

 

            Voir en annexe 2 les chiffres des PCS depuis 1982.

 

222 - Recherche d'une plus grande homogénéité des catégories

 

·        Les agriculteurs sont un groupe nettement individualisé, mais qui présente des clivages importants. Le flou que nous avions  remarqué dans l'analyse des agriculteurs exploitants est considérablement réduit dans la nouvelle nomenclature, où l'on distingue nettement les exploitations suivant leur taille et leur spécialité, de façon à rendre compte des contrastes du monde paysan.

·        Pour les salariés, la notion de cadre, qui avait eu tendance à prendre une ampleur injustifiée est sensiblement plus précise. En effet, la publicité en fait un type de consommateur sans que cela recouvre une homogénéité sociale véritable. Le terme « cadre » est désormais pris au sens des conventions collectives. L'intitulé « cadres moyens » disparaît au profit de celui de professions intermédiaires, qui
correspond mieux au contenu de ce groupe.

·        La distinction entre secteur privé et secteur public est pratiquée de façon systématique.

·        Certaines professions bien typées socialement trouvent la catégorie qui leur convient le mieux. Par exemple, les chauffeurs routiers, qui étaient dilués dans les ouvriers spécialisés, trouvent maintenant une catégorie chauffeurs plus logique.

·        Les catégories 7 (« personnels de service ») et 8 (« divers : armée, clergé, police ») sont ventilées dans les autres catégories (essayez de les retrouver). Ainsi réintégrées, elles perdent l'aspect de résidu qu'elles avaient dans l'ancienne nomenclature.

 

 

223- CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES ET PROFESSIONS ET CATEGORIES SOCIALES 

 

Parallèlement au code des catégories socioprofessionnelles existait un code des professions qui ne permettait pas un passage facile de la profession à la catégorie socioprofessionnelle correspondante. Comme le montre l'exemple suivant, la profession de maçon correspondait à 7 C.S. différentes.

Un maçon pouvait être soit artisan (s'il était à son compte, avec moins de 5 salariés), soit industriel (à son compte, avec plus de 5 salariés), soit apprenti, soit ouvrier spécialisé, soit O.S., soit manœuvre, soit contremaître, selon la qualification et la position hiérarchique.

La nouveauté consiste à fusionner les deux codes et à détailler les professions de telle façon que leur rattachement aux C.S. correspondantes se fasse sans difficulté.

C'est par conséquent au point de départ que l'effort de précision est demandé. On ne se contentera donc pas de l'indication « maçon » fournie par l'intéressé ; on s'efforcera par un jeu de questions de compléter cette indication spontanée. On discriminera ainsi facilement l'artisan du salarié, le qualifié du non qualifié, etc. (se reporter à la feuille de recensement ci-après).

On pourra ainsi construire la profession :

• 6841 ouvrier non qualifié du gros œuvre dans le bâtiment.

Cette profession s'intégrera facilement à la C.S. détaillée 68 : ouvriers non qualifies de type artisanal ; à la catégorie intermédiaire 66 -.ouvriers non qualifiés, et au groupe 6 : ouvriers.

• 2 151 artisans maçons, plâtriers, profession intégrée à la C.S. 21 : artisans, et au groupe 2 : artisans, commerçants et chefs d'entreprises.

Indépendamment de son intérêt la nouvelle nomenclature a entraîné une discontinuité dans les séries et des effets de seuils. Par exemple, dans les CSP, on classait en « industriels » les chefs d’entreprises qui employaient six salariés et plus ; au dessous de 6 ils étaient « artisans ». Les « gros commerçants » employaient 3 salariés et plus, au dessous c’étaient de « petits commerçants ». Dans la nomenclature des PCS, les « artisans » et « commerçants » ont moins de 10 salariés. A partir de 10 salariés, on est « chefs d’entreprises ».

            Le tableau ci-dessous fournit la clef de passage des CSP aux PCS et montre qu’une partie non négligeable des actifs s’est trouvée reclassée.

 

Numéro dans la Nouvelle nomenclature des PCS

1

2

3

4

5

6

81

Effectifs en milliers

Répartition (ensemble %)

 

 

Code de 1954 (CSP)

0 Agriculteurs exploitants

99.6

 0.4

 

 

 

 

 

1 448

 6.1

1 Salariés agricoles

 4.2

 

 0.4

 4.2

 1.2

19.6

 0.4

  304

 1.3

2 Patrons de l’industrie et du commerce

 1.0

34.5

 0.8

 2.2

 0.8

  0.7

 

1 737

 7.4

3 Professions libérales et cadres supérieurs

 

 4.6

73.5

20.0

 1.4

  0.3

 0.2

1 810

 7.7

4 Cadres moyens

 

 0.3

11.5

72.7

13.1

  2.1

 0.3

3 254

13.9

5 Employés

 

 0.5

  1.8

  8.8

76.9

10.9

 1.1

4 677

20.0

6 Ouvriers

 

 0.2

  0.4

  7.3

  6.8

81.8

 3.5

8 266

35.0

7 Personnels de service

 

 2.8

  0.3

  2.9

86.4

  7.0

 0.6

1 533

  6.5

8 Autres catégories

 

 1.1

10.5

27.5

59.2

  1.3

 

  498

  2.1

Effectifs (en milliers)

1 475

1 835

1 895

3 971 

6 247

7 749

352

23 525

 

Répartition (ensemble %)

 6.3

 7.8

 8.1

 16.9

26.6

 32.9

 1.5

 100

 100

 

Lecture : 72.7% des cadres moyens (CSP) ont été reclassés dans la PCS professions intermédiaires, 13.1% en employés, etc.

 

Depuis 20 ans, les métiers et les qualifications ont à nouveau évolué, une révision des PCS est actuellement en cours. (voir annexe N°4)

 

 

3 - Une portée limitée dans le temps et dans l’espace

 

Comme nous venons de le voir, les CSP ou PCS sont des produits historiquement situés qu’il convient de faire évoluer avec les transformations de l’emploi et des modes de vie. Nous pouvons également émettre quelques limites de nature méthodologique.

 

Une procédure d’élaboration sujette à critiques.

Nous n'avons jusqu'ici envisagé que le problème des nomenclatures et de leur
organisation plus ou moins judicieuse. Cela ne doit pas nous faire penser qu'une fois constituées leur utilisation va de soi. En réalité, toute la difficulté se trouve dans la saisie des données, et de la réussite de cette opération dépend toute la valeur de la statistique.

Comment les choses se passent-elles pour un recensement ou un sondage dans lequel on cherche à obtenir une information sur la composition socioprofessionnelle d'une population ? Le plus simple, pense-t-on, consiste à demander aux intéressés de se situer eux-mêmes dans la grille des C.S. Ce procédé serait évidemment le plus économique, mais il suppose une connaissance des définitions précises qui est rarement réalisée, et il expose surtout à des déformations dictées par un sentiment d'appartenance tout subjectif : à tort ou à raison, l'opinion attribue un « standing » différent aux catégories...

On part d'une question sur la profession, mais, nous allons le voir, rien n'est
simple. L'article de M. Laurent Thévenot dans les Archives et documents de l'I.N.S.E.E. n° 38 de décembre 1981 analyse les difficultés que pose cette simple opération. Dans toute enquête on trouve un pourcentage de non-réponses et de réponses imprécises. Quel sens peut-on leur donner ?

La non-réponse peut correspondre à une absence de distinction réelle d'une
profession. Cette situation peut se trouver à la fois dans des industries très modernes où la définition de la « place » ne recoupe ni les anciennes professions ni encore moins les métiers, mais également dans les petites entreprises où la division du travail est peu poussée.

Les réponses vagues ou contradictoires en apparence peuvent venir de l'in-
compréhension d'une formulation qui paraît pourtant logique. Mais la difficulté peut
venir également d'une classification autre que celle de l'I.N.S.E.E. et qui trouble
ainsi la réponse. Des définitions imposées par des administrations peuvent par
conséquent empêcher de voir sa profession autrement qu'à travers ce filtre. Parfois,
c'est la perception qu'a l'individu de sa situation qui le conduit à refuser ce qui,
pour le statisticien, fait sa particularité. Le statut d'aide familiale, par exemple, qui
normalement correspond à l'épouse de l'exploitant agricole quand elle participe à
l'exploitation est plus ou moins pris en compte selon les cas.

Dans le cas de la polyculture, où la femme n a pas exactement le même type
de travail que son mari, la notion d'aide familiale passe bien. Il n'en est pas de
même dans la culture maraîchère, où la femme exerce la même activité que son
époux ; elle se classera alors spontanément comme exploitant agricole. Si cette
distorsion se produit un certain nombre de fois, elle peut altérer les résultats et
fausser l'interprétation d'une apparente diminution du nombre des aides familiales,
accompagnée d'une augmentation du nombre des exploitants. Parfois, c'est la
notion même d'activité qui est plus ou moins bien comprise.

L'existence de réponses complètes ne supprime pas non plus toute difficulté.
La réponse peut être trop complète et introduire de telles nuances que le chiffrement, c'est-à-dire l'attribution d'une catégorie précise, en est rendu difficile.

Si la réponse s'inscrit parfaitement dans les cadres prévus par le statisticien,
est-on bien sûr que l'intéressé n'a pas lui-même occulté une particularité qui aurait
modifié le classement s'il avait été fait par un spécialiste ?

L'ensemble de ces difficultés est résumé par l'auteur dans l'exemple suivant :

Ainsi dans un ménage où le mari est employé (niveau maîtrise) au ministère de la
Marine et qui n'a ainsi que son épouse, que le certificat d'études primaires comme
diplôme d'enseignement général, la femme (qui élève ses 5 enfants) manifeste beaucoup
de bonne volonté en répondant aux questions de l'enquêteur venu la réinterroger : mais
elle ne peut préciser la situation professionnelle de son mari qui n'a mentionné, à la
question sur la profession, que l'intitulé vague « agent administratif». Elle signale
simplement qu'il s'est occupé de la vente d'avions Bréguet l'année précédente. En
revanche dans un ménage de cadres la femme, assistante de réalisation dans une
station de radio, a rempli tous les questionnaires du ménage avec un grand luxe de
détail et en surchargeant bon nombre de réponses. Elle explique avec complaisance
qu'elle a eu beaucoup de mal à se classer dans les grilles du questionnaire qui
n'étaient jamais adaptées à sa situation particulière. Ainsi, étant titulaire d'un Brevet
de Technicien des Métiers de la Musique qui correspond tout à fait au Baccalauréat de
technicien, brevet de technicien, etc., de la question sur le diplôme, elle a jugé nécessaire d'ajouter cet intitulé complet à la question « autres diplômes » parce que, dit-elle,
ce diplôme lui paraît « quelque chose d'un peu à part ». L'homme avec qui elle vit, qui
occupe l'emploi de statut inférieur au sien de technicien du son, et qu'elle a surclassé
dans la catégorie ingénieur ou cadre, développe au contraire un point de vue radicale-
ment opposé. Il pense que les questionnaires sont faits pour que tout le monde y trouve
sa place, qu'on doit s'adapter aux grilles proposées sans les modifier, bref qu'il n'y a
pas d'inclassables. On devine les conséquences, tout à fait divergentes, que ces attitudes différentes à l'égard du questionnaire entraîneront, dans la phase suivante du
chiffrement. Dans le premier cas (l'agent administratif) l'incertitude sera très grande,
les choix de la chiffreuse ou les redressements automatiques opérés auront une grande
influence sur le résultat ; dans le deuxième (la femme assistante de réalisation) l'information est très riche mais en quelque sorte à côté du questionnaire, et seule une chiffreuse qualifiée et des procédures manuelles peuvent permettre de la mobiliser ; dans le troisième (le technicien du son) l'enquêté opère lui-même les redressements et procure au statisticien une matière première tout à fait conforme à ses attentes, sans qu'on puisse affirmer pour autant qu'elle soit de bonne qualité (les catégories statistiques ont pu être mal comprises). (Laurent Thévenot. Op.cit)

A supposer que l'on ait pu opérer une correction de ces différentes erreurs, le
statisticien n'est pas à l'abri d'autres périls. Ils se situent alors au niveau du
chiffrement qui, comme nous l'avons dit, consiste à passer de la réponse (ou des
réponses) de l'intéressé à l'attribution d'une profession codée en chiffres, d'où le
nom de l'opération.

Au flou de la réponse peut en effet s'ajouter le flou introduit lors de l'opération de chiffrement.

Une grande partie de la difficulté vient de la plus ou moins grande stabilité
des appellations professionnelles. On peut déterminer trois sortes de noyaux durs
qui donnent lieu à des appellations stables où la marge d'erreur est donc réduite.
M. Thévenot distingue :

·        les charges (ex. notaire) dont la définition légale et l'enracinement traditionnel
favorisent la stabilité ;

·        les professions (ex., médecin) dont le titre est défendu par un groupe ;

·        les métiers : qui supposent un apprentissage et ont une image sociale nette, en
particulier dans les métiers touchant l'alimentation : boucher, boulanger, etc.

Mais, aux alentours de ces îlots bien déterminés, beaucoup d'appellations phase artisanale de la production. Les salariés occupent une place dans un processus de production qui les définit davantage par rapport à ce processus que par rapport à leurs qualités intrinsèques. Le cas est net, par exemple, pour les ouvriers spécialisés (O.S.), qui sont définis par la nature de la machine qu'ils conduisent et non par une qualification personnelle. Cette logique tend à envahir les entreprises, proportionnellement à leur intensité capitalistique, c'est-à-dire à la part de facteur capital entrant dans la combinaison productive (cherchez des exemples).

Cette évolution est renforcée par les entreprises qui trouvent leur avantage à ce que les salariés ne puissent pas s'attacher à un titre susceptible d'être monnayé. On voit du même coup la difficulté pour le statisticien, et son inclusion, qu'il le veuille ou non, dans un jeu social où la catégorie est autant un enjeu qu'un constat.

 

Au final nous pouvons retenir que des difficultés existent :

·        au niveau du découpage : le découpage des CSP comme nous l’avons vu par l’exemple des industriels et des artisans opère souvent à des regroupements de personnes aux positions différentes.

·        Au niveau de questionnement : les enquêtes dans certains milieux sont difficiles et donnent des résultats incertains.

·        Au niveau du codage : certaines personnes sont à la limites de deux catégories on trouve des salariés qui possèdent un commerce, etc. Ainsi deux enquêteurs pourront-ils classer le même individu dans des catégories différentes.

 

Il convient également de souligner que l’outil PCS/CSP n’est pas de portée universelle et ne permet pas de comparaison internationale puisqu’il est spécifiquement français. Ainsi le mot « cadre » n’a pas d’équivalent véritable en anglais. On distingue dans les pays anglo-saxons les « professionnals » (professions libérales et salariés de haute compétence technique, tes qu’ingénieurs et chercheurs) des « managers » (dirigeants d’entreprises, salariés ou non).

 

Par ailleurs les PCS/CSP sont mieux adaptées au classement des actifs qu’à celui des ménages. Dans un ménage, les adultes appartiennent fréquemment à des catégories différentes. On classe néanmoins le ménage dans son ensemble dans une catégories qui est celle de la « personne de référence ». Mais la détermination de celle-ci comporte souvent une part d’arbitraire. Où classer par exemple, un ménage ou l’un des conjoints est « employé » et l’autre « ouvrier » ? Ceci nous amène à se poser la question de la liaison éventuelle avec le concept sociologique de classes sociales.

 

4 - Des CSP/PCS aux classes sociales.

41- La CSP entre catégorie et classe sociale

 

Si on met l'accent sur certains critères d'une CSP - par exemples, ses membres exercent la même profession, ont le même statut et la même qualification, etc. -, une CSP s'apparente plutôt à une catégorie sociale.

Mais si l'on ajoute, comme le fait l'INSEE : « Vivant dans des situations objectives voisines, ayant des conditions de travail, des formations et souvent des origines sociales analogues, des moyens économiques, des conditions de vie et de logement du même type, les personnes d'une même catégorie socioprofessionnelle ont une probabilité notable d'avoir des pratiques et des projets semblables, parce que produits par des conditions voisines », nous sommes très près des critères de la « classe objective » énumérés par Bourdieu.

Regroupement des CSP selon la classification de Pierre Bourdieu proposé par A. Accardo et P. Corcuff dans « La sociologie de Pierre Bourdieu » (le mascaret, 1986)

 

Classes

Fractions de classes

Catégories socioprofessionnelles

(ancienne nomenclature)

CLASSES SUPERIEURES

ou

DOMINANTES

Fraction dominante

a)       bourgeoisie ancienne

b)       bourgeoisie nouvelle

Industriels et gros commerçants

Gros exploitants agricoles

Professions libérales

Cadres supérieurs du privé

Fraction dominée

Ingénieurs, professeurs et assimilés, professions intellectuelles

CLASSES

MOYENNES

Petite bourgeoisie nouvelle

Métiers artistiques ou semi artistique (mode, décoration, publicité, spectacle, artisanat d’art…

Métiers intellectuels et semi intellectuels (journalistes, animateurs culturels, éducateurs, travailleurs sociaux)

Métiers de conseil (psychologues, orienteurs, orthophonistes, esthéticiens, conseillers conjugaux…)

Professions de présentation et de représentation (animatuers de tourisme, hôtesses, guides, attaché de presse, relationnistes….)

Secrétaires et infirmières

Techniciens supérieurs (les plus jeunes et les plus diplomés)

Petite bourgeoisie d’éxécution

dite aussi de promotion (pour les plus jeunes en ascension)

Cadres moyens, techniciens

Employés de commerce et de bureau

Instituteurs, PEGC

Gendarmes, policiers

Petite bourgeoisie traditionnelle (dite aussi en déclin)

Patrons de PME

Artisans traditionnels

CLASSES POPULAIRES

Ouvriers

Ouvriers (toutes catégories), contremaîtres

Manœuvres, marin pêcheurs

Petits agriculteurs

Petits

Personnel de service.

 

 

 

 

 

 

Deux exemples d’essai de regroupement des CSP/PCS en classes sociales

 

Classement de Claude THELOT

(Tel père, tel fils ? Dunod 1986)

Classement de Marie DURU

« Les illusions de la mobilité sociale »AE 06/88

CLASSES DIRIGEANTES

Industriels, gros commerçants, professions libérales, professeurs, ingénieurs, cadres administratifs supérieurs

CLASSES DOMINANTES

Professions libérales, cadres supérieurs, ingénieurs, professeurs, chef d’entreprises (+ de 10 salariés)

CLASSES MOYENNES

Instituteurs, personnels de santé, tecniciens, cadres administratifs moyens, employés, artisans, patron pêcheurs, petits commerçants, personnel de service, clergé, artistes, armée et police (sauf officiers)

CLASSES MOYENNES

OU PETITE BOURGEOISIE

Artisans, commerçants, professions intermédiaires, employés, contremaîtres

CLASSES POPULAIRES

Agriculteurs et salariés agricoles, ouvriers (dont contremaîtres)

CLASSES POPULAIRES

Agriculteurs, ouvriers, personnel de service

 

 

42 -  La CSP, un indice fiable de l'appartenance de classe

Des études sociologiques mettent en évidence la corrélation étroite qui existe entre CSP d'une part, et revenu et diplôme d'autre part. Or ces deux indicateurs (revenu et diplôme) sont également les principaux critères de l'appartenance de classe. Classe sociale et CSP sont donc étroitement liées.

43 - Les CSP, un instrument de synthèse ?

• Elles représentent une tentative de dépassement de l'alternative nominalisme/réalisme présentée plus haut. Elles sont construites sur la base de représentations opérant dans la société. Ainsi, les actifs classés dans une catégorie doivent se reconnaître comme faisant effectivement partie de cette catégorie et être considérés par les autres comme en faisant partie. Néanmoins elles n'échappent pas aux difficultés rencontrées par toute nomenclature : les postes ne sont pas homogènes et les frontières entre catégories sont floues.

• Les reclassements entraînés par le changement de nomenclature de 1982 ont abouti à une «moyennisation» de la société (diminution des ouvriers, augmentation des employés, des professions intermédiaires). Dans quelle mesure ces changements sont-ils «nominaux» ou «réels» ? La réponse à cette question est un enjeu important du débat entre les tenants du consensus, qui appuient leur vision d'une société harmonieuse sur l'extension des classes moyennes, et les tenants du conflit/ pour qui les classes moyennes ne peuvent que rejoindre la bourgeoisie ou le prolétariat, accentuant ainsi la bipolarisation de la société.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    Evolution des PCS et regroupement en trois classes


 

 

44 - Les catégories socioprofessionnelles ne sont pas des classes sociales

 La profession n'est pas un indice suffisant de l'appartenance de classe. Ainsi, il ne suffit pas d'être un chef d'entreprise pour être bourgeois, il faut en outre posséder un capital d'une certaine ampleur, d'une certaine ancienneté ; il faut en outre assimiler les manières de vivre, de penser, de la bourgeoisie, son « habitus » de classe. A défaut on n'est qu'un « parvenu ». C'est ce qui permet d'affirmer que les catégories socioprofessionnelles « rangent » mais ne « classent » pas.

 

Les CSP, comme nous l'avons déjà signalé, prennent comme référence les individus et particulièrement les actifs. Or on peut penser, comme J. Schumpeter, que «c'est la famille et non la personne physique qui est le véritable individu pour une théorie des classes sociales». Avis que partageait E. Goblot : «Chacun appartient à une famille avant d'appartenir à une classe. C'est par sa famille que le bourgeois-né est bourgeois ; c'est avec sa famille qu'il s'agit de le devenir. [...] Pour cela, une ou deux générations sont souvent nécessaires. »

Lecture complémentaire souhaitable de l’annexe 1.

 

Catégories socioprofessionnelles et classes sociales montrent des différences quant aux intentions qui ont présidé à leurs conceptions et orientent leurs utilisations.

- Les CSP doivent permettre des recensements de chaque catégorie, alors que le dénombrement des classes sociales n'a guère de sens. Les CSP sont plus empiriques et statistiques, et les classes sociales plus théoriques et sociologiques.

- Néanmoins, les sociologues ne sauraient guère aujourd'hui se passer des catégories socioprofessionnelles. Il faudrait en effet beaucoup de moyens (en termes de temps et d'argent) pour élaborer une autre typologie et ce serait se priver d'une source considérable de connaissances, compte tenu des innombrables travaux qui utilisent les CSP sur lesquels il serait regrettable de faire l'impasse.

 

RETENONS

• Conceptions réaliste et nominaliste s'opposent depuis le XIXe siècle sur la question des classes sociales.

• Si le concept de classe sociale est aujourd'hui de plus en plus controversé, il reste néanmoins  fondamental pour tenter de comprendre pourquoi l'égalité des droits n'entraîne pas l'égalité des chances et des positions sociales.

• Les catégories socioprofessionnelles sont un instrument fondamental pour l'étude de la stratification en France.

• Elles servent de base à l'étude des inégalités sociales, mais on ne saurait les confondre avec les classes sociales.


 

Annexe N°1

Les CSP ne font pas les classes (Alternatives économiques Hors série N°29)

 

Les catégories socioprofessionnelles constituent l'outil statistique le plus fréquemment utilisé pour rendre compte des inégalités sociales. Un instrument qui cadre mal avec la vision de la société définie par l'analyse marxiste des classes.

par Alain Bihr et Roland Pfefferkorn

 

Les études statistiques de la réalité sociale à partir des catégories socioprofessionnelles (CSP) de l'Insee fournissent un matériau empirique irremplaçable et permettent une investigation systématique des inégalités sociales. En revanche, elles ne peuvent se substituer à une analyse des classes sociales. Certes, les CSP ne sont pas de simples agrégats statistiques. Comme le soulignent Alain Desrosières et Laurent Thévenot (1), elles ont permis de mettre en évidence les " cohérences locales " le long du " grand axe " de la hiérarchie sociale. Mais ces catégories ne constituent pas des classes sociales, ni même des fractions ou des couches à l'intérieur de classes.

Les CSP regroupent des individus possédant des attributs sociaux communs, tout particulièrement une position socioprofessionnelle. Or, l'appartenance d'une personne à une classe sociale est doublement médiatisée. En premier lieu, par son appartenance à une famille, voire à un ménage. En second lieu, par l'ensemble de sa trajectoire sociale : son origine et ses positions sociales successives sont plus significatives que la position occupée au moment d'une enquête, qui peut n'être que transitoire. D'autre part, les CSP sont forcément plus ou moins hétérogènes. Dans une même profession se côtoient en effet des individus dont les positions dans les rapports de production, pour ne parler que d'eux, peuvent être extrêmement diverses, voire franchement opposées. Inversement, des individus exerçant des professions différentes relèvent pourtant d'une même position dans les rapports de production, et donc de classes.

Des positions différentes dans les rapports de production

 

Ainsi, la catégorie des agriculteurs exploitants regroupe à la fois des agriculteurs à la tête de petites exploitations n'employant habituellement qu'une main-d'oeuvre familiale, de véritables entrepreneurs à la tête d'exploitations plus importantes, mises en valeur par une main-d'oeuvre salariée, et enfin des propriétaires fonciers, petits ou gros, louant leurs terres à des fermiers ou à des métayers, mais qui se déclarent comme agriculteurs exploitants.

De même, la catégorie des artisans, commerçants et chefs d'entreprise mêle, d'une part, des artisans et petits commerçants, et d'autre part, des capitalistes de l'industrie ou du commerce. Les premiers mettent en oeuvre, pour l'essentiel, leur seule force de travail et celle d'autres membres de leur famille ; les seconds constituent, pour la plupart, ce que Marx appelait des " capitalistes formels ", dont le travail personnel continue à contribuer à la mise en valeur directe de leur capital. De plus, parmi les artisans, figurent aussi, et de plus en plus, des " prolétaires " déguisés en travailleurs indépendants.

La catégorie cadres et professions intellectuelles supérieures n'est pas moins hétérogène. Les cadres dirigeants, ainsi que les membres de la haute administration occupent une position de " fonctionnaires de l'accumulation du capital ", comme disait Marx. Les premiers veillent à assurer la rentabilité et la valorisation de capitaux, les seconds ont en charge le maintien et la reproduction de l'ordre social. Ils font donc partie, à notre sens, de la classe capitaliste.

En revanche, le reste des cadres, en fait la grande masse, est chargé de tâches d'organisation administrative ou juridique, de conception scientifique ou technique, d'inculcation idéologique et de contrôle. Ils encadrent souvent des salariés d'exécution et disposent d'une plus ou moins grande autonomie dans leur travail, mais ils sont exclus de toute fonction de direction. Ils font partie de ce que l'on peut nommer l'encadrement capitaliste. Quant aux membres des professions libérales, ils se répartissent eux-mêmes entre la classe capitaliste, l'encadrement et la petite bourgeoisie.

La catégorie des professions intermédiaires est moins hétérogène. Elle rassemble essentiellement des membres de l'encadrement, mais aussi certains agents de maîtrise, techniciens ou cadres administratifs plus proches, par leur position dans la division du travail, par leur faible degré de formation et leur niveau de rémunération, des ouvriers et des employés que du reste des professions intermédiaires.

La catégorie incontestablement la plus homogène est celle des ouvriers que l'on peut classer dans le " prolétariat ", tout comme la majeure partie des employés, hommes et surtout femmes, le reste rejoignant l'encadrement. Seule une étude empirique peut, au cas par cas, décider de la position exacte de chacun.

La catégorie des inactifs est, au contraire, très hétérogène. Les retraités, en effet, ont occupé des positions fort différentes au cours de leur vie active. Quant à la sous-catégorie des autres inactifs, elle constitue un véritable fourre-tout, dans lequel se mêlent les plus défavorisés et les plus fortunés.

La classe capitaliste, une appellation qui semble aujourd'hui préférable à la vénérable bourgeoisie, est sans doute la moins facilement repérable dans et par la nomenclature des CSP. Elle est en effet éparpillée entre plusieurs catégories : les exploitants agricoles, les artisans, commerçants et chefs d'entreprise, les cadres et professions intellectuelles supérieures et les inactifs. Et à l'intérieur de chacune, la classe capitaliste ne représente qu'une minorité, camouflée par la masse elle-même hétéroclite des agents d'autres classes.

Cette hétérogénéité des CSP s'explique aisément. La structure de classes d'une société définit, sur la base de l'analyse des rapports sociaux, un certain nombre de positions ou de places abstraites. Pour situer une catégorie sociale donnée (quel que soit son mode de définition) et a fortiori un groupe (une famille ou un ménage) ou un individu par rapport à ces positions abstraites, il faut une étude empirique, au cas par cas, qui d'ailleurs ne réduit pas toute incertitude ou ambiguïté. En fait, une société concrète ne se réduit pas à sa structure de classes.

Il n'y a pas que des riches et des pauvres

 

Les sociétés capitalistes ne se réduisent pas à deux classes : la classe capitaliste, c'est-à-dire ceux qui possèdent les moyens de production, et le prolétariat, ceux qui vendent leur force de travail. S'y ajoutent différentes classes moyennes. Non seulement celles d'origine précapitaliste, comme la paysannerie et la petite bourgeoisie, mais aussi la masse en expansion des couches moyennes salariées.

Passer des CSP aux classes sociales implique également un changement essentiel de perspective. Les analyses selon les CSP ne permettent en effet de saisir les inégalités sociales qu'en termes de répartition, d'inégal accès des individus à des biens rares que sont la fortune, le pouvoir ou encore le prestige. L'analyse classiste, du moins celle d'inspiration marxiste, dépasse ce stade pour s'intéresser aux rapports que les agents sociaux nouent entre eux dans la production de ces biens. Par exemple, elle n'en reste pas à la simple opposition descriptive entre riches et pauvres, mais tente de saisir la dynamique contradictoire du procès de valorisation du capital qui engendre à la fois richesse et pauvreté, en distribuant inégalement la valeur produite entre les différents agents de la production. Il reste que la plupart des approches sociologiques des inégalités sociales, y compris celles opérant formellement à partir du concept de classes sociales, s'en tiennent à l'analyse des seuls rapports de répartition (2).Enfin, les analyses des inégalités entre catégories socioprofessionnelles permettent au mieux d'illustrer la manière dont les rapports de production engendrent la division de la société en classes : la manière dont ils assignent une communauté de condition aux membres de chaque classe, mais aussi la manière dont ils leur font assumer cette condition, la leur font intérioriser sous forme d'un ensemble de pratiques matérielles, institutionnelles et symboliques communes.

Mais les classes sociales résultent tout aussi bien des luttes entre elles, qui les conduisent à se composer (à s'unifier et à s'organiser par-delà la concurrence entre individus, qui les émiette), mais aussi à se décomposer et à se recomposer en blocs sociaux rivaux. Elles résultent enfin d'un travail d'autoproduction (d'autodéfinition pratique et symbolique) au cours de leurs luttes, qui leur permettent notamment d'affirmer leur conscience de classe. Des considérations qui sortent totalement du champ des études menées à partir de la nomenclature des CSP et que seule une sociologie critique des classes permet d'aborder.

(1) " Les mots et les chiffres : les nomenclatures socioprofessionnelles ", par Alain Desrosières et Laurent Thévenot, Economie et Statistique n° 110, avril 1979.

(2) Ainsi, Bourdieu et son école expliquent les pratiques sociales des différents agents par la combinaison de différents types de capitaux (économique, social, culturel, symbolique) que les individus peuvent s'approprier dans le processus de répartition. Mais ils occultent du même coup les rapports de production et les processus d'exploitation qu'ils impliquent, responsables de clivages sociaux plus décisifs.

 

 

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Annexe N°2

Retour au § 222


 

 

 

 

 

Annexe 3

 


 

 

 

Annexe 4

 

Les catégories socioprofessionnelles changent de look

 

Par Vincent Marcus et Louis Maurin

 

La nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (1) de l'Insee offre une vision ordonnée de la société française centrée sur la profession des individus. Créées en 1954 et modifiées en 1982, les CSP ont vieilli. Depuis près de vingt ans, la société française s'est nettement transformée sous l'effet du progrès technique, de l'évolution des modes de vie, mais aussi du chômage. L'Insee s'apprête donc à revoir les catégories. Le travail réalisé, dont nous présentons les premiers résultats, prend surtout en compte les évolutions des métiers. De nouvelles appellations, comme les télévendeurs, vont venir affiner la nomenclature. Une véritable remise à plat a été écartée compte tenu des travaux d'harmonisation des nomenclatures en cours au niveau européen.

1. Une représentation de la société

La classification en catégories socioprofessionnelles cherche à rassembler les individus qui composent une société en groupes cohérents, pour mieux comprendre comment se structure cette société et de quelle façon elle évolue. L'objectif est de définir des critères universels de description du social, qui se démarquent des discours fondés sur des expériences personnelles ou sur des analyses relayées par tel ou tel groupe social, du « Café du commerce » à la publicité, en passant par le journal télévisé.

Le classement de l'Insee n'en demeure pas moins une construction qui repose sur des critères subjectifs et qui reflète une représentation toujours contestable des divisions de la société. Reste que le statut professionnel est un des éléments majeurs de différenciation sociale dans nos sociétés issues de la révolution industrielle, à la différence de ce qui prévaut dans les sociétés d'ordres (comme la France du Moyen Age, qui se découpait en noblesse, clergé et tiers état) ou de castes (l'Inde, par exemple). La pertinence du critère professionnel comme base de classement des individus n'est d'ailleurs guère contestée, même si notre société est également structurée par beaucoup d'autres différenciations : sexe, âge et habitat notamment.

Les CSP, sous leur forme actuelle, ont été élaborées par l'Insee dans les années 50 et utilisées pour la première fois à l'occasion du recensement de 1954. Comme le notent Alain Desrosières et Laurent Thévenot (voir « Pour en savoir plus »), on peut voir dans les corporations de métiers de l'Ancien Régime le début d'une structuration de l'univers des professions au sein du tiers état. Par la suite, la distinction maître-compagnon évolue lentement vers l'opposition patron-salarié, un salariat qui s'étend au fil du XIXe siècle avec la révolution industrielle.

Des années 30 aux années 50, l'instauration de grilles standardisées d'emplois et de niveaux de qualifications viendront préciser encore la nomenclature. En effet, à la suite des accords de Matignon en 1936, patrons et syndicats établissent conjointement un ensemble hiérarchisé de dénominations d'emplois et de niveaux de qualifications correspondants. Sur le modèle précurseur de l'industrie métallurgique (dès les années 20), on distingue alors l'ouvrier qualifié, l'ouvrier spécialisé et le manoeuvre. A la Libération, ces hiérarchies ouvrières seront généralisées à toutes les branches de l'industrie par Alexandre Parodi, ministre du Travail de l'époque. De même, la catégorie employés, confondant jusqu'alors ingénieurs et employés de bureau, se différencie avec l'émergence du groupe social des cadres à partir de 1936 (2)

Que fait-on de ceux qui ne travaillent pas ? Les chômeurs (à l'exception de ceux qui n'ont jamais travaillé) restent classés en fonction de l'emploi qu'ils ont occupé auparavant, selon une logique issue d'une période où le chômage n'était qu'un état transitoire. Une pratique qui devient plus contestable en période de chômage de masse. Tous les autres, soit 21,5 millions de personnes sur 47,5 millions de 15 ans et plus, sont considérés comme inactifs (appellation discutable) : il s'agit essentiellement des retraités, des étudiants et des femmes au foyer. Alors que les retraités sont subdivisés selon leur profession passée, les femmes au foyer, quel que soit leur âge, sont rangées dans la catégorie « inactifs divers », qui comprend pas moins de onze millions de personnes.

Les grands regroupements ont été constitués de manière à rendre compte des divisions du social qui se sont successivement ajoutées au cours des deux derniers siècles. La longue opposition des villes et des campagnes a ainsi justifié un classement à part des travailleurs des champs, qu'ils soient propriétaires, métayers ou salariés (les salariés agricoles n'ont été intégrés aux ouvriers qu'en 1982). Second critère : l'opposition patron-salarié, qui conduit à opposer les artisans, commerçants et chefs d'entreprise, d'un côté, aux catégories restantes, toutes salariées, de l'autre. Avec l'essor du salariat, le développement de fortes différenciations a conduit à distinguer ouvriers, employés, professions intermédiaires et cadres supérieurs. Une division selon la qualification et le revenu, mais qui oppose aussi métiers de l'industrie et du tertiaire pour les moins qualifiés (ouvriers et employés). Enfin, les professions libérales (340 000 personnes) sont classées avec les cadres supérieurs, selon un critère de niveau de diplôme. Au niveau le plus fin, ces catégories sont subdivisées en 444 types d'activités selon un code des métiers.

La diversité des critères à la base des CSP traduit une volonté de prendre en compte la complexité de notre société, où la diversification, à la fois des ressources (le rôle accru du diplôme notamment) et des modes de vie, ne permet pas toujours de ranger les individus dans un ordre simple. Les CSP se distinguent ainsi de l'analyse marxiste traditionnelle en termes de classes sociales, fondée sur le rapport à la propriété. Mais elles ne sont pas à l'abri de critiques : les critères retenus pour regrouper les individus sont parfois contestables et conduisent dans certains cas à constituer des catégories hétérogènes au regard d'autres critères. Au sein des cadres supérieurs, on trouve à la fois des professeurs de collège et des directeurs financiers de multinationales : si leur niveau de diplôme peuvent se ressembler, il en est tout autrement de leurs revenus et de leurs modes de vie. Même constat pour les artisans, regroupés avec les PDG de grandes entreprises industrielles.

Ceci dit, rien n'empêche d'utiliser les CSP détaillées pour se construire sa propre grille. Comme le note François Héran, directeur de l'Ined (3), ces catégories sont « à géométrie variable ». Une étude sur la répartition du patrimoine ou le recours à l'enseignement privé trouvera ainsi plus de pertinence à considérer ensemble patrons et professions libérales, pourtant séparés, et à distinguer ces dernières des cadres supérieurs. Dans la pratique, de tels regroupements sont trop rarement réalisés.

2. Une rénovation indispensable

La nomenclature des CSP doit évoluer pour rendre compte des transformations de la société qu'elle est censée décrire. La dernière révision date de 1982. L'Insee a décidé d'effectuer un travail de rénovation qui doit s'achever courant 2000, les changements devant être opérationnels pour 2001. Une révision à l'échelle européenne étant en cours, les grandes catégories ne seront pas touchées.

Comme le note Jean-David Fermanian, l'un des responsables du dossier à l'Insee, l'esprit du travail actuel est très différent de celui de la grande refonte de 1982. Les deux niveaux les plus agrégés de la nomenclature ne doivent pas être modifiés. L'objectif est surtout de remédier à « l'inadaptation de l'actuelle nomenclature face à l'évolution des différents secteurs d'activité (notamment de l'informatique et des télécommunications) » et de parvenir à « une meilleure description des métiers ».

Concrètement, les changements qui sont proposés reviennent à modifier les limites de rubriques existantes, à en créer de nouvelles et à mettre à jour la liste des libellés de métiers. Au total, plus de cent nouvelles rubriques fines ont été ajoutées. Elles donnent une idée de l'évolution qualitative de l'emploi en France, liée notamment aux effets du progrès technique, mais aussi aux transformations des modes de vie. En particulier, l'essor du tertiaire demande plus de précision dans la description des postes de ce secteur. Les télévendeurs, les cadres des marchés financiers et les spécialistes de la formation vont faire leur apparition. Pour les cadres administratifs et commerciaux, on distinguera plus précisément les cadres spécialistes de la formation, les cadres chargés des fonctions juridiques, les cadres spécialisés dans les interventions sur les marchés financiers et les cadres spécialisés dans le domaine immobilier. Enfin, devant l'importance croissante des services aux personnes âgées et de garde d'enfants, on a distingué, au sein des personnels des services directs aux particuliers, une rubrique intervention sociale et aide domestique, scindée en assistantes maternelles, aides à domicile (principalement pour les personnes âgées) et femmes de ménage.

 

Deux bouleversements de plus grande ampleur ont été évoqués, mais ne devraient pas voir le jour. L'une des grandes critiques de la nomenclature actuelle est adressée au vaste groupe des employés, qui recouvre deux réalités assez différentes, comme l'a souvent noté Alain Chenu (4), sociologue spécialiste de la question. Cette catégorie rassemble à la fois des personnes disposant d'un bon capital scolaire, d'une position sociale bien assise et de revenus moyens (les employés administratifs) proches dans la pratique de l'univers des classes moyennes. Mais on y trouve aussi des personnes faiblement rémunérées, en position précaire, avec une faible qualification professionnelle (les employés de commerce et les personnels des services directs aux particuliers), qui appartiennent à l'univers des salariés les plus défavorisés. Ainsi, il paraîtrait logique de ne pas classer ensemble, d'une part, les policiers et militaires et, d'autre part, les vigiles et agents privés de sécurité et de surveillance, même s'ils jouent parfois le même rôle, leur statut social (sécurité de l'emploi, diplômes et revenus notamment) étant assez éloigné.

Le classement des professeurs des écoles (corps créé au début des années 90, appelé à se substituer progressivement aux instituteurs) pose lui aussi problème. Ses membres (catégorie A de la fonction publique) sont titulaires d'une licence, ce qui justifierait de les mettre avec les cadres et professions intellectuelles supérieures. Mais peut-on les classer différemment des instituteurs - jusque-là parmi les professions intermédiaires -, alors qu'ils exercent la même profession et qu'ils appartiennent au même univers social ? Cet exemple illustre tout l'arbitraire des classements sociaux. L'Insee, pour l'instant, a privilégié le critère de la profession exercée à celui du diplôme : les professeurs des écoles ne seront pas séparés des instituteurs.

3. Les CSP servent-elles à quelque chose ?

L'exemple des employés et des instituteurs montre que le lifting de détail des CSP ne permet pas de coller de façon totalement satisfaisante à la réalité de la société française. Pour preuve, l'Insee a dans ses cartons (5) un projet de refonte plus vaste (voir tableau ci-contre). Il s'agirait d'élaborer un découpage en onze postes, offrant une plus grande finesse d'analyse et un pouvoir discriminant accru, tout en restant maniable. Les catégories employés et ouvriers seraient scindées en deux. Les chefs d'entreprise de plus de dix salariés seraient regroupés avec les professions libérales supérieures, proches en termes de hiérarchie sociale et de revenus. Enfin, le groupe des enseignants, qui, quel que soit le niveau de diplôme, présente un certain nombre de traits caractéristiques (capital culturel élevé et statut de l'emploi notamment), serait distingué.

Ce projet n'a pas été adopté : tout reste subordonné officiellement aux discussions sur l'harmonisation des nomenclatures européennes. Les pays travaillent au sein d'Eurostat (l'office statistique de la Communauté européenne) non à une nomenclature unique, mais à un système qui puisse faciliter le passage entre des variantes nationales. Lourd travail en perspective, compte tenu des divergences qui persistent. La nomenclature allemande, par exemple, paraît particulièrement obsolète : l'annuaire statistique allemand « livre une image tout à fait nivelée et monolithique de la réalité sociale (…) et n'a guère plus d'attrait pour une lecture sociologique que l'annuaire téléphonique », estime le sociologue d'origine allemande Franz Schultheis (6).

Les principaux projets qui servent de base aux travaux actuels sont français et britannique. L'équivalent de l'Insee outre-Manche a présenté, en 1998, une nomenclature inspirée de la classification du class-schema (littéralement le « schéma de classe ») du sociologue anglais John Goldthorpe (7). Les deux projets ne sont pas si éloignés et devraient pouvoir être rapprochés, même si les Britanniques ne distinguent pas public et privé, opèrent une division plus nette entre travailleurs manuels et non manuels et ont opté pour une présentation plus clairement hiérarchisée des groupes sociaux.

Au-delà des modifications, la question de la pertinence même des catégories sociales reste posée. Les CSP sont-elles encore un bon critère de distinction ? Elles restent tributaires des clivages issus des Trente Glorieuses et méconnaissent les nouvelles différenciations à l'oeuvre aujourd'hui, comme celle qui oppose les inclus, regroupés dans une large classe moyenne, et les exclus, aux situations précaires. En outre, le chômage de très longue durée tout comme les parcours d'insertion de jeunes sans qualification sont des situations où l'identité professionnelle devient très incertaine. Pour autant, ces personnes sont le plus souvent à la recherche d'un emploi et, de ce fait, appartiennent bien à la population active. Il conviendrait de pouvoir les distinguer clairement.

Pourtant, il n'est pas certain que la précarité suffise à créer en soi une catégorie sociale homogène : « La fragilité juridique du contrat de travail doit rester une variable supplémentaire », estime François Héran. Si on la sépare en tant que telle, il sera impossible de faire apparaître les liens entre appartenance à un groupe social et précarité, qui frappe certes d'abord les moins qualifiés, mais à des degrés divers dans différents groupes sociaux. La remarque est valable pour bien d'autres éléments de la différenciation sociale, qui n'apparaissent pas au sein des CSP, mais qui découpent aussi la société et les pratiques sociales : le revenu ou le diplôme, évidemment, mais aussi l'appartenance ethnique, la localisation géographique, l'âge ou le patrimoine notamment. Isoler des groupes à partir de ces seules variables reviendrait à tuer la nomenclature elle-même et, finalement, l'idée même d'univers sociaux homogènes. C'est l'interaction entre les groupes sociaux et ces variables qu'il s'agit de mettre en lumière pour décrire le paysage social.

Les CSP sont l'objet d'une critique plus radicale. Pour une sociologie que l'on peut qualifier de postmoderne, notre société est de moins en moins structurée et divisée en groupes sociaux. Michel Maffesoli voit ainsi venir le « temps des tribus » (8), des groupes qui rassemblent les individus à travers des réseaux qui se forment par affinités et expériences individuelles. Les forums sur Internet forment l'archétype de ces réseaux. Dans cette perspective, l'affaiblissement des normes collectives et des contraintes du groupe aboutirait à une société d'individus atomisés : les CSP n'auraient plus beaucoup de sens. Cette société postmoderne se caractériserait par une immense couche moyenne salariée - au point que cette dénomination perdrait toute signification : plus personne n'est moyen si tout le monde l'est…

Pourtant, force est de constater que les clivages sociaux persistent. Certaines pratiques se sont partiellement unifiées (l'automobile, les vêtements ou l'équipement du logement, par exemple), mais d'une façon très superficielle. Les modes de vie (type de logement, loisirs, etc.) ou l'accès aux filières d'excellence du système scolaire demeurent, par exemple, profondément différenciés selon les groupes sociaux. « C'est toute la force de la nomenclature des CSP de pouvoir le montrer, estime Louis Chauvel, sociologue et maître de conférence à l'Institut d'études politiques. Il reste que l'on gagne toujours à compléter cet outil par d'autres informations qui permettent de voir les hiérarchies invisibles au sein des CSP. »

(1) Le sigle officiel est PCS, pour professions et catégories socioprofessionnelles, mais il reste moins employé que l'ancien sigle CSP des catégories socioprofessionnelles.

(2) Voir Les cadres, la formation d'un groupe social, par Luc Boltanski, éd. de Minuit, 1982.

(3) Voir Les indicateurs sociopolitiques aujourd'hui, par Elisabeth Dupoirier et Jean-Luc Parodi (dir.), éd. L'Harmattan, 1997.

(4) Auteur notamment des Employés, coll. Repères, éd. La Découverte, 1994.

(5) Evaluation de la pertinence des CSP, rapport de l'Inspection générale, Insee, par Hedda Faucheux et Guy Neyret, mars 1999.

(6) « L'identité dans les comparaisons internationales : une imposition de catégories administratives », in Regards sociologiques No 16, 1998.

(7) Le class-schema de Goldthorpe distingue au niveau agrégé les cols blancs (cadres, travailleurs non manuels), la petite bourgeoisie (petits propriétaires, artisans, etc.), les agriculteurs et les travailleurs manuels (divisés en qualifiés et non qualifiés).

(8) Voir Le temps des tribus, éd. Le Livre de Poche, 1988.

 

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